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Partie 6 (2)

"Ce soir, nous devrions voir apparaître dans le ciel la troisième lune suivant le décès de notre feu maître, Son Excellence Kola II," s'exprima l'homme de main Polo.

"Et nous espérons que ce sera une lune parfaitement pleine, signifiant ainsi que les ancêtres ont agréé et béni le choix du nouveau commandant en chef des forces impériales et peut-être plus tard gouverneur d'Okundé," ajouta-t-il.

"Oui, c'est exact, Polo le futé !" Oncle Bibi abonda dans le sens de l'aide-de-camp mais ne put s'empêcher de le taquiner en l'appelant par son sobriquet.

Babida écouta le longiligne combattant Polo et demeura silencieux pendant un moment car il commença à mesurer à quel point sa mission était immense.

Il sentit le poids de la tâche sur ses épaules et en eut la chair de poule.

Puis, lorsque son moment de réflexion fut terminé, il prit part dans la conversation qui se déroulait entre Polo et oncle Bibi.

"Oui, en effet camarades, ce soir devrait être le soir de mon élévation à la fonction de commandant en chef des forces impériales," réagit le bûcheron.

"Cependant, je serais incapable d'accomplir ma mission sans la bénédiction des divinités, sans votre aide et sans le soutien des troupes au jardin d'Okundé," déclara-t-il avec un air extrêmement sérieux.

"Mon Commandant, vous pouvez compter sur moi. Je suis prêt à aller jusqu'au sacrifice ultime s'il le faut," s'engagea Polo auprès de l'élagueur.

"Comptez sur moi aussi, Mon Commandant !" lui dit le vétéran Oncle Bibi.

"Je suis peut-être un peu vieux maintenant mais j'ai encore de beaux restes. En plus, je préfére mourir sur le champ de bataille que sur le fauteuil comfortable de mon chalet," ajouta-t-il avec emphase.

Une atmosphère de solidarité fut ainsi créée et pour la jeune demoiselle Suzie, il était hors de question qu'elle restât en dehors de l'instant magique.

Sa petite voix résonna soudainement et secoua les trois hommes dans le bureau.

"Je viens avec vous à la montagne interdite, Mon Commandant," s'exclama-t-elle.

Les yeux des gros gaillards leur sortirent presque de l'orbite. Leurs tympans sifflotèrent après les paroles incroyables qui venaient de les traverser.

Babida regarda Suzie, puis s'adressa à elle en ces mots : "Pardon, ai-je bien entendu, jeune demoiselle ?".

Et avec encore plus d'assurance, elle répéta ce qu'elle venait de dire sans balbutiement. Puis, l'aide-de-camp Polo la paraphrasa.

"Mon Commandant, ce que la jeune demoiselle essaye de mettre en exergue, c'est qu'elle sera la première femme dans l'histoire de l'empire Batang à combattre l'ennemi sur le champ de Bataille comme n'importe quel de vos soldats dévoués," expliqua-t-il en d'autres termes.

"Oui, c'est exactement ça !" confirma oncle Bibi.

"Alors là, il y aura deux grands titres au journal de ce soir," souligna le bûcheron.

"Je deviendrais par la volonté des ancêtres le premier non-membre de la famille impériale à occuper le rang de commandant en chef des forces impériales. Et la belle et brave demoiselle ici présente deviendrait l'égérie des jeunes femmes de notre patrie," conclut-il.

L'après-midi à Okundé se déroula dans le calme et puis vint enfin le soir.

L'aide-de-camp Polo continua de travailler avec acharnement et n'eut pas le temps de prendre une pause, ne fût-ce que pour s'alimenter. 

Il s'impliqua tellement dans la préparation de la transition de pouvoir au nouveau commandant en chef des forces impériales qu'il ne ménagea pas du temps pour lui-même.

Babida et ses compagnons oncle Bibi et la jeune demoiselle Suzie, l'avaient laissé seul au bureau et étaient retournés dans les appartements pour étrangers du quartier général, afin de se reposer un peu et d'être frais pour ce qu'ils pensaient, allait être une longue nuit.

Soudain, la trompette des annonces retentit.

Babida qui ne vit pas le temps passer, bondit hors du lit et accourut à la fenêtre de sa chambre pour lorgner l'extérieur. 

L'élagueur remarqua que le ciel s'était complètement assombri et qu'une lune bien grosse et bien ronde l'illuminait.

Il comprit dès lors que l'esprit des ancêtres volait au-dessus de sa tête et que les divinités étaient en train de mettre en place le plan qu'elles lui avaient révélé.

Toc, toc, toc!

Quelqu'un frappa à la porte de l'appartement. L'élagueur s'empressa de l'ouvrir et vit la belle demoiselle Suzie qui était accompagnée de deux sentinelles impériales.

"Mes respects, Mon Commandant !" lui adressa l'un des gardes impériaux et ils lui firent un salut militaire. 

"Vous êtes prié de venir avec nous. C'est l'heure de votre prise de fonction," ajouta la sentinelle impériale.

Suzie ne prononça pas un seul mot. Mais alors, elle était si resplendissante dans sa longue robe en soie de couleur or et arborait à la perfection une paire de boucles d'oreilles parées de perles. 

Le bûcheron ne put s'empêcher de la regarder furtivement en essayant dans le même temps d'écouter ce que lui disait le garde impérial.

Toutefois, au regard de l'importance du moment, il s'efforça à mettre en suspens son béguin pour la belle demoiselle Suzie, ce dont il parvint, puis dédia toute son attention sur ce qui l'attendait, à savoir son élévation officielle au rang de commandant supérieur de l'armée imperiale.

"Un moment, camarades !" dit l'élagueur aux gardes impériaux.

Il se dirigea vers son lit et prit sa hache herculéenne en acier sur le côté, puis suivit son escorte.

Le quatuor s'arrêta dans le bureau de l'aide-de-camp Polo et y trouva également oncle Bibi. Ceux-ci étaient débout et attendaient patiemment l'arrivée du futur chef.

"Ah ! Vous voilà, Mon Commandant !" s'exclama Polo.

"Votre heure de gloire est venue," affirma-t-il ensuite.

"Allons au balcon !" dit-il enfin en prenant la tête du peleton.

À mesure qu'ils avançaient vers la balustrade, ils entendait de mieux en mieux la clameur des troupes en liesse.

Le tumulte atteignit son maximum lorsque les soldats impériaux en contrebas du bâtiment administratif aperçurent l'impossant physique de leur futur leader, Babida le bûcheron. 

Yeahhhhh!!!

Ils hurlèrent avec encore plus de vitalité qu'à la lecture de la missive de Sa Majesté Batang V au point où le rugissement déborda la frontière septentrionale du village d'Okundé et réveilla le nouveau monstre de la montagne interdite, ainsi que la meute de chauves-souris meurtrières.

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