Assis face à l'autel, une fenêtre virtuelle rouge ne tarda pas à s'ouvrir devant lui.
[Bon retour dans mon domaine onirique]
Norval cracha, "Bon retour ? M'as-tu même demandé si je voulais y revenir !?"
[ … ]
Norval jeta un rapide coup d'œil autour de lui, mais ne vit pas le mendiant aux cheveux rouges de la dernière fois. Cependant, il ne pouvait pas être certain qu'il était vraiment le seul présent en ce moment. Peut-être l'autre était-il présent du point de vue externe. Dans ce cas, Norval serait incapable de remarquer sa présence. Comme si le Chronarque avait deviné ses intentions, un nouveau message apparut sur la fenêtre.
[Tu es le seul à avoir été convoqué pour l'instant.]
Norval savait qu'il ne pouvait pas faire conscience au Chronarque. Pourtant, d'une certaine façon, ces mots le rassurèrent quelque peu et il se sentit plus à l'aise à s'engager dans une conversation avec lui.
"Ce rêve… pourquoi possède-t-il une telle architecture ?"
Il avait de nombreuses questions à poser au Chronarque, et puisque celui-ci semblait d'humeur bavarde, Norval comptait bien en profiter. Bien sûr, d'autres questions étaient plus urgentes à poser que la raison de l'apparence de ce rêve. Mais même après y avoir longuement réfléchi, c'était quelque chose qu'il ne comprenait pas et qui l'intriguait au plus haut point. Il savait pertinemment que Orion ne représentait pas grand-chose aux yeux du Chronarque. Alors, pourquoi avoir donné cette apparence à son domaine onirique ?
[J'ai pensé que cela te plairait]
Norval sentit un frisson d'horreur le traverser. Imaginer que le Chronarque avait construit ce rêve pour lui était une sensation très dérangeante. La réponse qu'il avait reçue ne répondait pas vraiment à ses attentes, mais Norval avait de toutes façons d'autres questions plus importantes à lui poser. Et puis cette réponse lui permit de confirmer sa première impression. Contrairement à la dernière fois, la convocation d'aujourd'hui avait pour but d'en apprendre plus sur ses motivations. Tant que cela entre dans le cadre de ce qu'il est prêt à révéler pour le moment, le Chronarque répondra probablement à toutes ses questions.
"Qu'est-ce que tu as fait à mon Vis ?"
Par précaution, Norval pensait à l'origine garder cette question pour la fin. Mais à bien y réfléchir, le Chronarque n'avait aucune raison de ne pas y répondre. Il lui devait même des explications amplement mérité.
[Ce n'est pas évident ?]
"Comme cela pourrait être évident ?"
[Ce serait e seraittrop facile si tu étais du même niveau que les autres.]
"Ah ? C'est de Dryadalis dont on parle là ! Je m'en serait déjà tout juste sortie en étant au cinquième palier, mais le premier ?"
Norval aurait pu comprendre si cela avait été une académie moins prestigieuse. Mais Dryadalis était une académie reconnue sur l'entièreté du continent. Là bas les étudiant avait un niveau saint bien au dessus de la normale. En étant restreint au niveau d'illuminé de premier palier, Norval ne ferait certainement pas long feu. On pouvait considérer sa scolarité comme étant déjà ruinée d'avance.
[Tu n'as pas à t'en faire. Tout ça te sera bénéfique.]
Norval releva un sourcil, peu convaincu par les dires du Chronarque. Il réfléchit un moment à ce qu'il pouvait lui dire, pour le convaincre d'en rester au cinquième palier. Mais il n'était clairement pas en position de force dans cette négociation, et au final, en dehors de grandement l'embêter en rendant sa scolarité plus difficile, cette restriction ne mettait pas non plus sa vie en danger. Norval décida de le supporter et de ne pas insister davantage là-dessus.
"Peu importe tes motivations, je devine que tu ne comptes pas me laisser bloqué indéfiniment à ce niveau ?"
C'est vrai, même si le Chronarque cherchait à le mettre en difficulté, il avait certainement une raison de le faire.
[Je crains qu'il nous faille convoquer notre ami pour aborder ce sujet.]
[Es-tu sûr de ne pas avoir d'autre question ?]
"J'en ai deux"
[Alors parle]
Son regard dériva sur les hauts vitraux de la cathédrale. Ceux-ci racontaient toujours la même histoire que la dernière fois qu'il les avait vus. C'étaient de magnifiques vitraux, cependant, les images qui y étaient représentées étaient d'une violence effroyable. Norval les observa longuement, puis quand il ne put supporter davantage cette vision, ses yeux s'abaissèrent.
"Ce dans quoi je suis en train de m'embarquer. Est-ce le prix à payer pour ta générosité passée ?"
[Ce n'est pas si simple]
"Donc je dois encore me contenter d'une réponse vague ?"
[ … ]
Cette fois, comme hésitant, les mots mirent plus de temps à apparaître sur la fenêtre rouge.
[Fait en sorte d'atteindre le bout de cette voie et je t'en révélerai plus]
Norval ne lâcha qu'un soupir pour réponse. C'était toujours la même chose avec ce dieu. Peu importe qui vous êtes, il vous répondra toujours de manière vague et ambigu. Et plus son humeur était mauvaise, plus il deviendrait difficile à déchiffrer. C'était d'ailleurs probablement l'une des nombreuses raisons pour lesquelles il ne possédait aucun culte.
"Et cette personne qui était là la dernière fois" reprit Norval. " Quelle est votre relation ? Pourquoi est-ce qu'il avait l'air d'en savoir autant à ton sujet ?"
[Il n'en sait pas plus que toi]
"Nous sommes dans la même situation ?"
[Pas pour l'instant]
Norval fronça les sourcils, contrarié par cette réponse vague. Le temps qu'il s'assit sur un un banc, l'autre homme avait déjà été convoqué. Ses yeux étaient toujours d'une cruauté pareille à celle d'un démon. Des cheveux vermeils, longs comme ceux d'un sage et des vêtements semblables à ceux d'un mendiant. Norval songea que sans ces loques, il aurait pû être beau. Enfin, cette apparence n'était probablement pas sa vraie forme, alors cela n'avait même pas de sens pour commencer. Puisqu'il avait le choix de se vêtir de ce qu'il voulait dans ce monde onirique, pourquoi porter ces vieux haillons ?
"On dirait que je suis le dernier à être arrivé." annonça-t-il, de bonne humeur, avant de dévisager Norval, perplexe. "Ce flou sur ton visage… tu ne comptes pas l'enlever ?"
La première fois qu'il était passé au point de vue interne, Norval ne se voyait pas créer entièrement une fausse apparence, et il n'avait pas non plus envie d'emprunter celle d'une personne qu'il connaissait. Finalement, il avait opté pour une troisième option. Flouter sa réelle apparence en plus de brouiller sa voix.
"Ne me fait pas croire que la façon dont tu montre ici est ta véritable apparence non plus", rétorqua Norval.
L'homme aux cheveux rouge parut amusé, et lui sourit, avant d'également prendre place sur un banc.
Les deux petites fenêtres rouges devant eux disparurent, et une autre de taille beaucoup grande apparut devant l'autel, visible par les deux personnes présentes dans la cathédrale.
[Vous avez trois mois pour devenir mes apôtres]
Norval écarquilla les yeux, se demandant même s'il n'avait pas mal lu ce qui était écrit. Mais après avoir lu et relu le message, encore et encore, le résultat était le même.
"Intéressant", murmura l'autre homme.
Le Chronarque venait d'annoncer qu'il voulait faire d'eux ses apôtres, et tout ce qui l'avait à en dire c'est "intéressant" ? Norval était abasourdi. Il avait vécu un grand nombre de situations invraisemblables, mais jamais un tel cas ne s'était déjà présenté. Le dieu du temps était une divinité incarnant le mystère à lui tout seul. Personne ne savait rien de lui et parmi ceux qui en savaient un peu, probablement aucun ne voulait en apprendre davantage. C'était une entité bien trop imprévisible et obscure pour se risquer à s'engager dans quoi que ce soit avec lui. Même s'il était considéré comme le dieu du temps, on ne savait pas vraiment jusqu'où s'étendait ses pouvoirs, ni de quoi il était capable. A vrai dire, s'il n'était pas une divinité primordiale, on ne le considérerait probablement pas comme un dieu. Les mortels n'étaient même pas au courant de son existence et dans les royaumes supérieurs, son nom n'évoquait pas grand-chose non plus. Et cette même entité affirmait vouloir maintenant des apôtres ?
Pris d'un intense mal de crâne, Norval enfonça sa tête entre ses mains et s'agrippa les cheveux. Ce qu'il se passait n'avait aucun sens, c'était surréaliste, totalement impensable. Il le savait, pourtant, il savait aussi que tout ceci était bien réel et c'en était effrayant. Puisque le Chronarque s'était toujours comporté comme s'il ne faisait pas partie de ce monde, effaçant totalement sa présence et n'intervenant jamais dans quoi que ce soit. Alors pourquoi se mettait-il à agir si soudainement ? Requérir des apôtres signifiait forcément qu'il comptait étendre son nom. Cette façon de promulguer son culte était très courante chez les dieux et parfois même chez d'autres entités de niveau suffisamment élevé pour se le permettre. Mais le Chronarque n'avait jamais fait cela auparavant, alors pourquoi aujourd'hui ? Des milliers d'années à ne rien faire, pour soudainement passer à l'action ? Qu'est-ce que pouvait bien avoir en tête le Chronarque ? Peu importe les explications que Norval tentait de trouver à cet événement, il savait qu'il était loin de se rapprocher ne serait-ce qu'un peu de la vérité.
"Je ne souhaite pas être ton apôtre" dit-il, catégorique.
[Tu ne veux pas t'engager sur cette voie et en atteindre le bout ?]
Le bout de cette voie… Le Chronarque avait plus tôt déjà suggéré que son destin était lié à ce qui résulterait de cette voie. Alors qu'il s'y engage ou non, il finirait toujours par y être impliqué à un moment donné. Mais alors, quelle différence y avait-il entre s'y engager maintenant et y être contraint plus tard ? La réponse était évidente. Ce que lui offrait maintenant le Chronarque était l'opportunité d'obtenir son soutien. Et si les pouvoirs de ce dieu étaient à la hauteur de son mythe et qu'il possédait réellement l'autorité du temps, alors posséder son soutien en cas de crise majeure serait la plus grande des bénédictions.
Le seul des douze dieux primordiaux qui n'avait jamais eu à agir, se mettant soudain en action… Est-ce qu'un événement requérant son intervention était sur le point de se produire ? Si c'était le cas, ses agissements pourraient avoir un certain sens. Cependant, il était impossible de savoir dans quel camp on s'engageait en le soutenant. Qui est-ce que le Chronarque comptait défendre dans cette crise ? Ce dieu était une entité tellement indiscernable que ses intentions n'étaient même pas un peu envisageables. Dans le cas où Norval s'engageait sur cette voie, qui savait s'il ne le regretterait pas ?
"Tu as dit trois mois. Est-ce qu'il sera toujours possible de refuser à ce moment ?"
[Bien sûr]
Ne sachant pas quoi faire, Norval préféra reporter sa décision finale à plus tard. Pour le moment, il allait observer quelles épreuves allait lui faire affronter le Chronarque. Dans trois mois, peut être que Norval aurait entrevue ne serait-ce qu'une partie de ses intentions.
"A la fin des trois mois, est-il possible que nous ne puissions pas devenir vos apôtres ?" interrogea l'homme aux cheveux vermeils.
[Tout à fait]
L'autre homme parut aussi réfléchir à la signification de tout ceci, mais son expression démontrait qu'il n'avait pas pu aller bien loin. Au mieux, il en était parvenu au même point que Norval. Ce qui était frustrant pour n'importe qui ayant l'habitude de facilement déchiffrer ceux à qui ils avaient à faire.
Alors que les deux hommes avaient l'air dépité, de nouveaux mots apparurent sur la fenêtre virtuelle.
[Au cours des cinq derniers jours, vous avez dû vous apercevoir de l'apparition d'une faiblesse que vous ne possédiez pas auparavant]
Norval déglutit amèrement, alors que l'autre serra les points.
[Durant les trois prochains mois, vous aurez des objectifs à atteindre. Cela dit, ces objectifs appuieront sur cette faiblesse]
Prévisible… souffla l'un, l'autre acquiesçant sa remarque.
[ … ]
[Je suis certain que mes explications ne sont pas nécessaires, alors mettons fin à cet entretien.]
Également susceptible… pensèrent les deux au même moment.
[Dans un mois, vous serez à nouveau convoqué en ce lieu, à la même heure]
Après avoir réalisé qu'il était déjà de retour dans sa chambre, Norval ne put s'empêcher de pouffer de rire. Le Chronarque ne plaisantait vraiment pas en disant vouloir mettre fin à l'entretien. Est-ce qu'il était sensible à ce genre de remarque ?
Après avoir ri un moment, l'odeur de moisi dans la pièce lui fit rapidement reprendre ses esprits. Malgré la température glaciale de l'extérieur, il se risqua à ouvrir la fenêtre pour aérer mais le regretta aussitôt.
"Par la déesse, je crois que même les abysses ne sont pas aussi froids !"
Cependant, il ne referma pas la fenêtre pour autant, mais supporta la douleur afin de faire partir l'odeur de renfermé. Quand cela devint trop insupportable, c'est-à-dire même pas deux minutes plus tard, Norval choisit de quitter la chambre pour se rendre dans la salle de séjour, au rez-de-chaussée. C'est ici qu'il vit David Morley, l'auto-proclamé pasteur qu'il avait rencontré un peu plus tôt. Le rouquin était assis en tailleur, à même le sol, en plein milieu du salon. Devant lui, un tas de feuilles et de classeurs étaient éparpillés.
"Qu'est-ce que c'est ?" interrogea Norval.
Le rouquin releva les yeux et quand il vit qui était descendu, un sourire espiègle apparut sur son visage.
"Oh, c'est monsieur premier palier."
Agacé, mais ne pouvant pas rétorquer non plus, Norval fit mine de ne pas avoir entendu. Il s'approcha et observa ces papiers de plus près. C'était un mélange de notes manuscrites et de récents rapports d'apparition maléfique dans les régions environnantes. Il jeta un œil au jeune homme et vit que malgré l'heure tardive, il portait toujours sa clergie blanche, dans le col de sa chemise. Ces apparitions maléfiques étant pour la plupart des âmes errantes et des spectres, Norval pensa que ce n'était peut-être qu'une coïncidence. Mais en réfléchissant bien, seul un saint clerc prendrait autant au sérieux la chasse aux esprits maléfiques durant son temps libre. La plupart des saints préféraient partir à la chasse au monstre. C'était une activité bien plus plaisante et divertissante que de s'amuser avec les morts. Cependant, les membres du clergé appréciaient tout particulièrement ce genre de tâches. David était peut-être réellement un fidèle et membre d'un culte.
"Tu comptes partir à la chasse aux spectres ?"
— "Hm, les saints d'ici ne prennent pas au sérieux le danger qu'ils représentent et préfèrent chasser des monstres. A cause de ça, ces esprits maléfiques se font de plus en plus nombreux dans la région."
C'est un fait, ce n'est pas parce que chasser les morts n'est pas une tâche plaisante qu'il ne faut pas s'en occuper. Cependant, même en sachant cela, il ne me viendrait jamais à l'esprit de participer à une activité aussi désagréable.
Au moment où il pensait cela, une une fenêtre rouge s'ouvrit devant lui.
[Objectif : Chassez les âmes errantes du village de Pentyr.
Limite de temps : 15 jours.
Récompense : ???
Si échec : anneau de stockage confisqué]
Hein ?
***
Dans l'une des plus belle résidence du domaine de Dryadalis. Debout sur le seuil de sa porte, Le prince de Curson vit apparaître devant lui, un message similaire.