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Saint Aprilis

« Pourquoi as-tu si soudainement quitté Dryadalis pour venir ici ? Si c'était simplement pour vendre la relique, j'aurais pu m'en charger. »

Le jeune homme qui observait la ville depuis la baie vitrée, laissa échapper un soupir. 

« Je pensais pouvoir le rencontrer. »

— « Le prince d'Héole ? » interrogea la jeune fille.

— « Qui d'autres sinon ? »

Allongée dans un sofa, elle se releva précipitamment.

« Mais enfin, pourquoi souhaites-tu tant le rencontrer ?!

Le jeune homme garda le silence. Se trouvant à l'un des derniers étages de la tour Gwidel, il avait vue sur une grande partie de la ville. Ses yeux étaient rivés un immense galion ailé qui venait de quitter le spatioport pour partir vers l'ouest.

« En ai-je vraiment envie ? »

La jeune fille soupira, s'effondrant à nouveau dans le canapé.

« Je ne te comprends pas, Karl. »

***

A l'intérieur du galion ailé, Norval venait de s'installer dans sa chambre, un dortoir commun avec trois autres personnes. Il déballa ses bagages en silence, écoutant sans grand intérêt la conversation des trois autres garçons qui entraient en cinquième année. Ceux-là se plaignant de la fin prématurée des vacances d'hiver. Alors qu'ils discutaient de faits divers s'étant produits au cours du mois, l'un d'entre eux mentionna les récents événements de Kleger Wood.

« Vous avez entendu parler de ce qu'il c'est passé il y a quelques jours ? »

— « Cette histoire de saint clerc disparus ? Ce ne sont pas que des rumeurs ? »

— « Absolument pas ! Un oncle à moi vit là bas, il nous à confirmer les faits ! »

Les deux autres se regardèrent, inquiets.

— « Alors c'est vrai ? Plusieurs saints de haut rangs ont disparu juste comme ça ? »

— « On dit qu'un jeune fidèle marchait dans les rues couvertes de sang... Les clercs ont-ils vraiment disparu ? »

Chacun dû parvenir à la même conclusion, puisque l'ambiance devint très vite pesante. Seul Norval continuait à faire du bruit en rangeant ses affaires. Néanmoins, il n'était pas moins touché par cette affaire. D'autant plus qu'il était certainement celui qui avait été le plus impliqué dans cette histoire. Cela lui rappela la visite qu'il avait eu le matin de son départ. La directrice des forces spéciales l'avait averti qu'il y avait de grande chance pour que d'autres officiels viennent lui rendre visite à propos de ce qu'il s'était produit cette nuit-là. Tout cela ne lui plaisait pas du tout, mais il avait donné son accord et refusé lui aurait valu de plus gros problèmes encore. Tant qu'ils n'attirent pas trop l'attention sur moi, ça devrait aller, pensait-il.

La porte s'ouvrit brusquement, laissant entrer un grand gaillard à la peau mate et aux yeux de rouille. Comme d'habitude, il était vêtu de cuir. Il avait avoué à Norval plus tôt, que pour lui, le cuir était un choix vestimentaire incontournable en hiver, bien qu'il préférait les nuances de marron au noir.

"Hey ! Il reste de la place pour moi ici ?" 

Il l'avait demandé aux quatres personnes présentes dans la pièce. Mais la question ne s'adressait qu'à l'un d'entre eux. Il ne se préoccupait pas tant que ça de la réponse des autres. Norval fut surpris de voir Mars débarquer ici. Lorsqu'il lui avait demandé comment il avait réussi à retarder le départ du galion, Mars avait simplement répondu qu'ils en discuteraient plus tard, puis il était parti seul, retrouver des amis qu'il n'avait pas vus depuis l'année passée. Norval s'apprêtait à répondre, mais les trois autres garçons prirent la parole en même temps.

"Il n'y a plus de place !" 

"Pardonnez-nous Saint Aprilis ! "

 "Nous sommes déjà six !"

Saint Aprilis…? Répéta doucement Norval. S'adresser à un autre saint de cette façon était une marque de respect. Mais cela signifiait aussi que les deux saints n'étaient pas du tout du même niveau. Pourquoi s'adressaient-ils ainsi à lui ?

Mars les ignora totalement, attendant la réponse de Norval.

"Et les amis que tu es partie retrouver ?"

— "Les dortoirs ne sont pas mixtes" se plaignit-il.

Les garçon derrière eux commençaient à chuchoter, se demandant comment ces deux-là se connaissaient, mais Mars les fit taire d'un simple regard.

"Ne me fais pas croire que tu n'as que des amies filles." 

— "Je n'ai jamais dit ça, répondit-il amusé."

— "Alors pourquoi es-tu là ?"

— "Les autres ont pris la navette la semaine dernière."

— "Et toi, pourquoi ne l'as-tu pas prise ?"

— "J'ai été retardé par… quelques soucis personnels."

A ce moment, Norval se souvint de sa première rencontre avec Mars. Cette fois-là dans le train, lorsqu'il était entré dans le compartiment, il se souvient qu'une odeur de terre et de sang émanait de lui. Était-ce liée à ce qu'il l'avait retardé ? 

"Installe-toi, il reste deux lits."

Sur cette réponse, Mars lança un regard interrogateur aux trois autres, qui se hâtèrent de quitter la pièce, tout en évitant de croiser son regard. 

"Pourquoi se sont-ils adressés à toi de cette manière ?"

— "Saint Aprilis tu veux dire ?"

— Précisément."

Il se mit à rire jusqu'à n'en plus pouvoir, se pliant presque en deux. Après avoir enfin repris son souffle, il s'assit sur l'un des lit et se mit à l'aise, prêt à entamer une conversation plus sérieuse.

"Emile tu sais, parfois j'oublie que tu ne t'es encore jamais rendu à Dryadalis."

— "J'en déduis que tu as des choses à me dire."

Il sourit à cette remarque.

— "Tu ne voulais pas aborder un autre sujet avant ça ?"

Norval croisa les bras, affichant un sourire en coin. Il était clairement intrigué par ce que son aîné avait à lui révéler.

"Tu as raison, commençons par là." 

"Comment t'es-tu débrouillé pour que le galion ne puisse décoller avant que j'arrive ?"

— "Je leur ai dit la vérité."

— "Quelle vérité ?"

— "Qu'un nouvel étudiant, exempté du concours d'entrée, était retardé par un événement à la tour Gwidel et qu'il fallait donc impérativement l'attendre."

Norval resta silencieux un moment.

— "Je ne comprends pas."

— "Il te suffit de demander."

— "Pourquoi ont-il attendu ?"

il esquissa un sourire, se retenant tout juste de rire à nouveau.

— "Tu n'as pas l'air de le savoir, mais il est impossible d'être admis à Dryadalis sans passer le concours, à moins d'être invité personnellement par l'un des doyens"

Norval écarquilla les yeux, heurté par cette vérité. Il ne lui fallut pas longtemps avant de réaliser que son père l'avait piégé depuis le début. Bien sûr, ça n'avait aucun sens qu'il mette en place cet accord pour commencer. Si la raison de son envoie là bas était l'arrivée du prince de Curson, alors cela n'aurait aucun sens de l'y envoyer sous une fausse identité. Son père avait fait tout cela en sachant très bien qu'il serait impossible de cacher la vérité très longtemps.

Il soupira, massant nerveusement ses tempes.

— "Est-ce si exceptionnel d'avoir été invité par un doyen ?"

L'expression de Mars en disait long.

— "Ecoute Emile, je ne suis pas intéressé parce que tu te caches. Mais il est évident que si tu ne veux pas que ça se sache, il va très rapidement falloir que tu te trouves une excuse crédible."

Il continuait à masser ses tempes, étirant sa peau jusqu'à la rendre rouge. Nimporte qui le voyant comme ça, penserait que les plis entre ses sourcils étaient ceux d'un vieil homme épuisé par la vie.

— "Compris"

Norval était furieux, mais toute cette colère était dirigée contre lui-même. Tout ça arrivait parce qu'il n'avait pas su se méfier davantage de ses parents. 

"J'y réfléchirai cette nuit."

Mars approuva, les lèvres légèrement retroussées.

— "Tu n'avais pas une autre question ?"

— "C'est vrai… que dois-je apprendre de plus sur cette académie ?"

Ce sujet semblait beaucoup plus intéresser Mars. Se penchant légèrement en avant, il s'accouda d'une main, prêt à aborder le sujet.

"La voie du Mysticisme est un chemin périlleux, où la violence fait partie intégrante de notre quotidien. Les académies nous enseignent non seulement à nous défendre, mais aussi à combattre. Cependant, même parmi les élèves d'une même classe, les niveaux varient. Par conséquent, une hiérarchie s'est mise en place."

— "Une hiérarchie ? Tu veux dire que les élèves s'affrontent pour comparer leur force ?"

— "Parfaitement".

— "Et les professeurs autorisent ça ?"

Cette fois, Mars ne put s'empêcher de rire.

"Les professeurs, y compris le doyen, encouragent ces affrontements. La rivalité favorise une progression plus rapide, ce qui augmente nos chances de victoire lors des tournois interrégionaux."

Il y a donc même des tournois entre académies.

"N'importe quel étudiant peut en défier un autre pour augmenter son rang sur le classement, cependant il y toujours quelques règles. Tout d'abord, les duel doivent avoir lieu sur une arène dédiée et un arbitre doit obligatoirement y être présent. Ensuite, à moins d'être parmi les dix meilleurs étudiants, il est interdit de refuser la demande de duel d'une personne de rang plus faible que soit. Et enfin, les élèves du top dix doivent accepter au moins un duel par mois, sous peine d'être destitués". 

— "C'est assez juste."

— "N'est-ce pas ?"

— "J'en déduis que tu fais partie du top dix."

Les yeux grand ouverts, Mars resta incrédule un instant. Il savait son cadet intelligent mais il ne s'attendait pas à ce qu'il soit si perspicace.

— "Tu es drôlement futé, c'est exact, je suis huitième pour être précis."

— "Ce n'était pas difficile à deviner. Je doute que ces trois-là se seraient adressés à toi de cette manière si tu n'était pas dans le top dix."

— "Techniquement tu n'as pas tord, mais tu n'as pas totalement raison non plus."

— "Dit m'en plus"

Il se gratta la tête, cherchant les bons mots pour l'expliquer simplement.

"Le top dix est considéré comme représentant les étudiants les plus puissants de l'académie, mais pour y entrer, il faut participer aux duels. Certains élèves, bien qu'ils y mériteraient largement leur place, refusent de s'engager dans ces combats. Par conséquent, le classement ne reflète pas toujours la réalité."

Donc rien ne m'oblige à participer à ces duels.

Il lâcha un soupir de soulagement, plus confiant quant à la façon de maintenir son rôle de plébéiens.

— "Tu as dit être huitième, mais ton classement n'a-t-il pas augmenté maintenant que les huitième année de l'an dernier ont terminé leurs études ?" 

— "Non, en réalité, je ne suis même plus dans le top dix. Chaque année, le classement reprend à zéro." 

Norval lui lança un regard espiègle.

— " Donc, pas besoin de t'appeler Saint Aprilis ?"

— "Pas encore" répondit Mars en lui rendant son regard. "Mais cela ne durera pas longtemps."

Dans les heures qui suivirent, la plupart des étudiants partirent se coucher, se reposant de leurs récents voyages, et rassurés d'avoir enfin embarqué dans la navette qui les déposerait à l'académie Dryadalis. La terres des saints était un très vaste continent sur lequel les distances à parcourir pour aller d'un endroit à un autre, devenaient très rapidement infaisables. Heureusement, il existait les vaisseaux, des moyens de transports capables de traverser les trous de verre et de se déplacer sur l'autre face du monde. Dryadalis se trouvait à Lirion, un royaume vassal dans l'ouest d'Heole. Cet endroit était à plus de vingt millions de kilomètres de la mégapole d'Argol. Il était impossible de traverser une telle distance sans l'utilisation de ces engins. Néanmoins, tout le monde n'avait pas les moyens de posséder son propre vaisseau et de pouvoir voyager à travers la terre des saints comme bon lui semble. Pour les étudiants qui étaient dans cette situation, le seul moyen de se rendre à l'académie était donc de prendre une navette qui faisait l'aller-retour entre les deux endroits. Les navettes partaient de la plus grande ville de chaque duché et royaume vassaux de l'empire d'Heole, pour se rendre à Dryadalis. Bien sûr un système similaire existait pour toutes les académie accueillant des étudiant venue des quatres coins du pays, parfois au delà. En ce qui concerne Dryadalis, Il n'y avait toujours qu'une navette par semaine et le départ était toujours le dimanche. Celle dans laquelle ils avaient embarqué aujourd'hui, était la dernière qui arriverait à l'académie avant la rentrée. Autrement dit, tous ceux qui l'avaient raté et qui seraient dans l'obligation de prendre la navette de la semaine suivante, arriveraient trop tard et reprendraient les cours avec plusieurs jours de retard. Ceux-là seraient chanceux de s'en sortir sans aucune sanction.

Dans la nuit, Norval commença à réfléchir à la façon d'expliquer le fait qu'il avait été invité par le doyen à venir étudier à Dryadalis. Mais trouver une bonne excuse n'était pas si simple. Qu'est-ce qui pourrait convaincre le directeur de l'académie la plus prestigieuse du pays, un saint éminent du plus haut niveau, à vouloir qu'un plébéien sans nom vienne étudier dans son établissement ? A première vue, rien, pourtant Norval allait bien devoir trouver une raison.

Voyons, si j'étais à sa place, qu'est-ce qui me motiverait à inviter une telle personne à Dryadalis ? 

Il laissa ses méninges cogiter pendant dix bonnes minutes sans que rien ne lui vienne à l'esprit. La chambre était silencieuse, tous les autres s'étaient déjà endormis. Même chose dans le couloir et les chambres voisines. Un silence apaisant planait dans l'air. Un léger bruit dû au frottement de l'air avec le vaisseau, résonnait dans la pièce, mais c'était tout. Avant de commencer ce voyage, Norval n'avait encore jamais dormi en compagnie d'autres personnes. Il avait toujours possédé sa propre chambre. Une immense chambre dans laquelle nul autre vie que la sienne venait rompre le calme parfois dérangeant. Il s'était parfois senti seul dans cette pièce, mais il n'a jamais pensé que cela était un problème. Pourtant, il réalisait maintenant, qu'au cours des dernières nuit, il n'avait jamais plus ressenti cette solitude qui l'avait toujours hantée auparavant. En fin de compte, les choses simples sont ce qui manque le plus à ma vie… pensa Norval. Ce silence paisible ne régnait pas uniquement dans la pièce, mais aussi dans son esprit. Norval n'avait toujours pas trouvé l'inspiration pour un moyen d'expliquer la situation. Il sourit, ironique.

Peut-être le destin veut-il que je me fasse prendre. Sinon, pourquoi me retrouverais-je constamment coincé face à ce genre de problème ?

Ses pensées se bousculant, le jeune homme réprima son envie de blasphémer contre un quelconque souverain des arcanes du destin.

Non, je ne devrais pas penser ainsi. Il n'existe aucun problème qui ne possède pas de solution. Si j'y réfléchis suffisamment, je vais forcément parvenir à trouver un moyen d'arranger les choses.

Pris d'une motivation nouvelle, il se concentra pleinement sur son but, sans se laisser distraire par des pensées inutiles. Après un moment de réflexion, Norval était parvenu à trouver quelques idées.

En fait, il ne serait pas totalement impossible pour le doyen de vouloir inviter celui pour qui je me fais passer. Néanmoins, il faut que cette personne ait quelque chose de spécial. Quelque chose d'assez exceptionnel pour me vouloir dans cette prestigieuse académie, mais aussi d'assez peu distinct pour ne pas trop attirer l'attention. 

Il secoua la tête, conscient de la difficulté du projet.

Une telle chose est-elle même possible ? soupira-t-il à voix basse.

Ses yeux papillonnèrent un instant, des suites d'une réflexion intense, avant de se figer, s'ouvrant soudain en grand.

Et si je mettais simplement mes connaissances en pratique ? Après tout, ce n'est pas pour rien que je n'ai jamais eu besoin d'étudier dans un établissement spécialisé auparavant. Je n'ai rien de plus à apprendre que ce que je sais déjà. Je pensais dissimuler cette partie de moi pour ne pas attirer l'attention, mais c'est en fait exactement ce dont j'ai besoin maintenant. Un plébéien sans nom invité à Dryadalis pour ses capacités de combats serait problématique. Mais s'il est invité pour ses capacités intellectuelles, alors personne ne trouverait cela étrange. Je n'ai qu'à me distinguer suffisamment des autres dans les matières où le savoir et les connaissances sont plus important que les attributs ou la puissance du Vis, et alors même si je ne me démarque pas dans les autres matières, personnes ne se posera de question sur la légitimité de ma présence à Dryadalis.

Puisqu'il avait maintenant trouvé une excuse crédible pour justifier son invitation par le doyen, Norval ne gâcha pas davantage de son temps de sommeil et s'endormit enfin, l'esprit libre de tout problème.

Après plusieurs heures de vols, au petit matin, lorsque les jeunes passagers commençaient à se lever les uns après les autres, le capitaine fit une annonce: 

"Mesdemoiselles, Messieurs et vous autres, nous sommes sur le point de traverser le trou de ver de l'empire intérieur. Nous naviguerons ensuite pendant une demie dizaine de jours sur l'autre face, avant de ressortir par le trou de ver Lirion, à proximité de Dryadalis. Durant cette période, je vous demanderais de faire attention à tous corps étrangers au vaisseau, en particulier les différentes entités que nous croiserons potentiellement sur notre route. Si jamais vous remarquez quelque chose d'anormal dans vos rêves, en particulier des choses dont vous n'avez pas l'habitude de rêver, je vous prierais de tout de suite en informer un membre de l'équipage." 

Il n'y avait pratiquement aucun première année sur le galion, la plupart des passagers connaissaient déjà ces consignes de sécurité et personne ne s'en inquiétait réellement. Le passage d'un trou de ver était sûrement le moment le plus attendu du voyage. Tout le monde se réunit sur le pont pour assister à cet instant magique. Les plus jeunes se battaient pour être les premiers sur les bords du vaisseau. D'ici, l'on pouvait observer des étendues de neiges qui recouvraient les terres à l'infini. Sous cette épaisse couche de blanc, la végétations prenait la forme d'étrange et immenses créatures d'apparences majestueuse. Ces créatures portaient derrière eux, de longues et effrayantes ombres dont on aurait dit appartenir à des monstres des temps anciens. En levant un peu les yeux, on pouvait apercevoir dans le ciel, parmi les moutons de nuages gris, un tourbillon de brumes et d'éclairs qui transperçaient le ciel. 

"Le voilà ! C'est le portail !" S'écrièrent de jeunes étudiants. 

"Le trou de ver de l'empire intérieur !" 

"C'est probablement la plus belle chose que j'ai vue au cours de ma vie" 

"Tu n'as même pas vingt ans, Billy !" 

Le vaisseau s'approchait du trou béant qui semblait percer le ciel. Les nuages s'écartaient pour ouvrir un passage, la foudre et les éclairs étaient si proches qu'ils pouvaient frapper le galion ailés à tout moment. Pourtant, à aucun moment les passagers ne se sont inquiétés que cela se produise. Le vaisseau avait totalement pénétré la tornade et les vastes terres enneigées disparurent, remplacées par un épais brouillard gris floconneux. Naviguant maintenant dans l'épais brouillard, la galion tournait en spirale toujours plus profondément vers l'intérieur du trou de ver. Plus il s'enfonçait, plus l'espace environnant devenait sombre, et, à un moment, seuls les éclairs venaient encore rompre l'obscurité. Mais la lumières qui s'en dégageait avait une porté de plus en plus restreinte, elle etait comme absorbé par ce trou noir infiniment profond. Norval observait la traversée depuis la fenêtre de sa chambre. Appuyé sur le rebord, ses yeux étaient comme hypnotisés par les flash lumineux qui apparaissaient dans la brume. Puis à un moment plus rien. Le galion se déplaçait dans une obscurité totale. 

"Très chers jeunes gens" annonça le capitaine au microphone. "Nous venons de passer l'horizon des évènements, va s'en suivre une descente de trente minutes dans le puits gravitationnel avant d'atteindre la singularité du passage. Ce doit être une nouvelle pour personne, mais une fois ce point atteint, nous serons de l'autre côté du monde connu."

Tous les autres étant montés sur le pont, Norval était seul dans la chambre. Puisqu'il n'y avait plus rien à voir dehors pour le moment, il vint s'asseoir sur son lit et alluma une lampe de chevet pour faire face à l'obscurité. Il comptait profiter d'être seul dans la pièce pour ajuster la relique qu'il venait tout juste d'acquérir, mais ses yeux dérivèrent sur un vieux livre noir à moitié sortit de l'un de ses bagages. C'était le même livre que celui qu'il l'avait récupéré sur le comptoir, à l'accueil du spatioport. Cette chose est d'une nuisance… se plaigna-t-il à voix basse. Pourtant il le prit avec lui et retourna sur le lit avec. Le livre était très vieux, une véritable antiquité, c'était évident. Pourtant son apparence montrait qu'il avait été très bien conservé. La reliure était en cuir d'un noir intense. Un symbole y était inscrit. Il semblait représenter une horloge au centre de laquelle se trouvait un œil ouvert. Celui-ci n'avait rien de spécial, pourtant, avoir les yeux rivés dessus un peu trop longtemps donnait une étrange sensation de malaise. Norval fit en sorte d'éviter de poser son regard dessus et ouvrit directement le livre à la page à laquelle son instinct lui disait de se rendre. Mais la page en question était vierge. Du moins, c'était le cas lorsqu'il observa une première fois. Maintenant, les caractères apparaissaient les uns après les autres pour former des mots, des phrases, puis des lignes entières. La langue dans laquelle était écrit ces mots n'était pas une langue couramment utilisée sur ces terres. Du grec… murmura Norval. Parmi les langues parlées sur le continent ouest, celle-ci n'en faisait pas partie. Non, cette langue n'était pas de ce temps, ni même de ce monde. Elle était un témoignage évident de l'auteur de ce message. La seule autre personne en ce monde capable de comprendre de tels caractères.

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