Comme prévu, les semaines qui suivirent furent intenses. Jäwell apprit à être un chef, il apprit à être un commandant, un prince. Il passa surtout son temps à lutter pour apprendre à lire. Jäwell détestait de plus en plus les livres et Miroïr était amusé de voir son frère dans de telles difficultés.
Ils restaient assis ensemble pendant des heures à essayer de trouver comment rendre Jäwell plus réceptif à l'importance du savoir. C'était peine perdue. Jäwell avait beau essayer, il finissait toujours par aller s'entraîner avec ses différentes épées.
Ce jour-là, Miroïr parvint à le garder attentif plus longtemps, il était vraiment heureux de voir à quel point son frère pouvait se concentrer pour une fois. Lorsqu'il lui posa quelques questions sur le texte qu'ils venaient de travailler.
"…"
Il se rendit compte que Jäwell s'était endormi et honnêtement, il n'aurait su dire depuis combien de temps. Miroïr ressentit une vague de désespoir dans son cœur. Jäwell devait être un souverain et cela passait par la connaissance des décrets qu'il allait signer. Il s'assit en face de son frère endormi et prit une profonde inspiration.
Il entendit alors une voix derrière lui, une voix douce et agréable. Forte et fragile.
"Tu as l'air fatigué."
Miroïr se retourna sur lui-même en voyant l'expression amusée du roi. Il s'inclina en signe de respect.
Le roi était un homme très beau, mais effrayant. Quelque chose dans son allure faisait que tout le monde le respectait par peur. Miroïr était l'inverse, son apparence fragile et méchante poussait toujours tout le monde à le malmener. Sans la force de Jäwell, Miroïr ne serait jamais arrivé aussi loin.
Il secoua la tête.
"C'est bon, mon frère a juste besoin d'un peu plus de temps et..."
Le roi s'approcha de lui et l'interrompt.
"Viens avec moi.
Miroïr le suivit, docilement. Ils allèrent ensemble dans les jardins. Zarkhaïm se tenait au milieu de la cour intérieure et désignait une tour du château.
Il sourit tout le temps, il y avait quelque chose de chaud dans ses yeux lorsqu'il regardait Miroïr.
"Cette tour, elle te plairait ? Je t'imagine bien y former des mages. Notre armée n'aurait pas d'égal avec des hommes aussi puissants que toi."
Miroïr sentit sa mâchoire se décrocher. Son cœur s'emballa. Il regarda le roi avec admiration et ne comprenait pas tout. Zarkhaïm s'approcha de lui et posa une main sur son épaule. Miroïr sentit la peau froide du Roi à travers sa chemise. Il frissonna comme si la mort elle-même l'étreignait. Zarkhaïm était très proche de lui à cet instant. Il approcha son visage près de lui, presque comme s'il touchait sa joue, sa voix était grave et profonde, et Miroïr l'écoutait avec admiration.
"Je crois en toi."
Miroïr fut décontenancé par cette phrase. Il ne comprenait pas pourquoi le roi était si gentil avec lui. Après le départ du roi, Miroïr se retrouva à se toucher inconsciemment la joue. Il vit sa main trembler, mais ce n'était pas de la peur.
Quelques mois plus tard. Miroïr avait travaillé très dur dans la tour. Il avait rassemblé un petit groupe de personnes avec des capacités et du potentiel. Tout se passait comme prévu.
Miroïr géra la tour à merveille, les hommes autour de lui étaient de plus en plus puissants mais la population commença à avoir des soupçons sur ce qui se passait dans la tour et les rumeurs propagèrent la peur.
Pour se détendre, il avait pris l'habitude de se rendre dans les jardins, profitant du calme de la nuit et du parfum des fleurs. Un soir, il fut rejoint par Zarkhaïm.
Miroïr était formel avec lui, il se souciait des convenances. Il salua le roi en s'inclinant lorsqu'il vit Zarkhaïm avoir un sourire en coin, amusé.
"Tu n'as pas besoin de ça avec moi." dit-il d'une voix douce.
Zarkhaïm était à la fois distant et très proche, Miroïr ne comprenait jamais ses intentions. Il parla d'une voix froide, assis à côté de Miroïr sur le banc de pierre.
"Les gens commencent à parler, ils ont peur. Demain, lors de la réunion, je veux que tu proposes une solution pour intégrer publiquement les mages dans la société."
Miroïr l'écouta attentivement. Il avait déjà réfléchi à cette question, il avait déjà prévu une solution et attendait une réunion officielle avec Zarkhaïm et Jäwell pour en parler. Zarkhaïm s'amusa, dans l'obscurité de la nuit, Miroïr eut la sensation que le visage du roi s'éclaira soudainement.
"Mais je sais que tu as déjà un plan, n'est-ce pas ?"
Miroïr fut surpris, il acquiesça en silence. Il ne savait pas comment réagir, c'était comme si Zarkhaïm le connaissait. Le roi se leva, sa longue cape noire le suivit, Miroïr l'observa avec admiration, tout ce qui concernait Zarkhaïm à cet instant lui paraissait surréaliste. Il faillit lever la main pour le toucher. Il s'arrêta avant de l'atteindre. Zarkhaïm se tourna vers lui et lui adressa un sourire chaleureux.
"A demain donc, j'ai hâte d'entendre ce que tu vas nous raconter."
Zarkhaïm partit lentement, disparaissant dans l'ombre. Miroïr resta là, sur le banc. Alors qu'il regardait le roi s'éloigner, il murmura surtout pour lui-même.
"Merci d'avoir cru en moi..."
Le lendemain, lors de la réunion, Miroïr présenta son idée.
Si le pays était globalement en paix, il y avait très souvent des attaques à la frontière et les villages alentour n'étaient pas protégés. Miroïr eut l'idée de travailler sur un bouclier magique qui protégerait tout individu non-armé. Ainsi, les civils seraient épargnés. C'était un projet d'envergure. Il y travaillait déjà et il était sûr qu'avec le temps il y arriverait. En protégeant les civils, Miroïr était sûr que la population serait plus ouverte à l'idée d'avoir des mages parmi eux.
Si les généraux trouvaient cela ridicule car ils ne croyaient pas à ce genre de pouvoir, ils n'avaient d'autre choix que d'accepter la proposition. Qu'ils le veuillent ou non, Jäwell et Zarkhaïm soutenaient Miroïr.