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Elle a des soupçons à mon sujet.

« Bien, allons rapidement aller chercher quelque chose à boire avant de rentrer à Marline, » déclara Chiho, tout à coup pleine d'entrain.

Pour Hana aussi, la journée avait été longue, et déjeuner silencieusement en compagnie de l'autre jeune femme qui ne lui prêtait pas la moindre attention s'était révélé être très éprouvant. Elle avait été ignorée pendant toute leur pause, Chiho étant trop occupée à envoyer et à recevoir des messages sur son téléphone.

De ce fait, être soudainement incluse dans une conversation avait légèrement remonté le moral de la jeune femme, même si elle avait l'impression que sa collègue faisait ça à contrecœur.

Peut-être avait-elle dit cela pour elle-même, sans même penser à l'autre employée qui l'accompagnait. La jeune femme avait, après tout, un égo très démonstratif.

Pour renforcer cette théorie, Chiho entra directement dans un café sans même demander à Hana si la boutique lui convenait. Elle faisait uniquement ce qui lui plaisait, et ce qui allait dans son propre intérêt…

Cependant, alors qu'Hana s'attendait encore à être embarrassée par le traitement silencieux que lui avait imposé Chiho, cette dernière se tourna alors vers elle, tout sourire.

« Tu veux boire quoi, Shinohara-san ? » Demanda-t-elle avec une voix aimable. « C'est moi qui te l'offre ! »

Hana fut plus que surprise par cette soudaine proposition, mais ce qui la choqua le plus, était que la jeune femme se proposait de payer pour sa boisson, alors même que les deux femmes ne semblaient pas entretenir une relation cordiale. Peut-être était-ce là un effort de la part de Chiho pour remédier à cela ?

Souriant avec maladresse, Hana accepta la proposition.

« Dans ce cas… J'aimerais un thé latte, s'il vous plaît... » Dit-elle avec gêne.

« O.K. » Dit Chiho en levant son pouce. « Tu peux aller t'asseoir, je vais aller passer la commande. »

Sans même attendre la réponse d'Hana, la jeune femme s'éloigna pour aller faire la queue au comptoir, laissant sa collègue sur place.

Hana ferma momentanément les yeux et eut un sourire gêné. Cette personne faisait vraiment les choses à son propre rythme sans se préoccuper des autres ; « my pace », comme on pourrait dire. Elle devait aussi se rendre à l'évidence que, même si sa collègue s'était montrée avenante, elle aurait eu du mal à aller vers elle.

Ayant passé leur commande, Chiho revint auprès d'Hana pour s'asseoir en face d'elle, posant un disque électronique sur la table.

« Alors, que penses-tu du travail à Marline ? » Demanda Chiho en continuant de consulter les messages sur son téléphone.

Hana remua nerveusement sur sa chaise, ne sachant pas trop comment prendre cette question. Elle n'était pas très sûre que Chiho s'intéresse vraiment à elle, surtout en prenant en compte son comportement de ces derniers jours.

Cependant, Hana voulut lui donner le bénéfice du doute, et s'efforça tant bien que mal de répondre sans être vexante.

« Pour tout dire, c'est plutôt fatiguant... » Dit-elle avec un petit sourire.

« Ah, je te le fais pas dire... » Soupira Chiho. « Ils nous prennent vraiment pour des esclaves dans cette entreprise de tarés... »

Hana se contenta de sourire avec gêne face à la franchise de l'autre jeune femme.

Elle ne voulait pas médire Marline, même si Chiho l'avait fait avant elle ; et elle sentait toujours qu'un énorme fossé les séparaient toutes les deux. Cette crevasse n'avait fait que croître depuis le lycée, et Hana n'était pas sûre qu'elle pourrait un jour être franchie. C'est donc avec méfiance qu'elle abordait chacune de ses interactions avec Chiho, qui connaissait son passé ; et elle espérait également que l'autre jeune femme ne découvrirait pas qui elle était vraiment.

Après tout, elle avait changé de nom pour une bonne raison : pour laisser derrière elle tout ce qui l'avait blessée à l'époque, et ne plus être victime d'attaques.

« Et donc, qu'est-ce qui t'as fait postuler à Marline ? Ou dans les assurances en général ? » Demanda Chiho, sans lui accorder un regard.

Hana déglutit. C'était des questions normales, ou est-ce que Chiho cherchait à savoir quelque chose en particulier ?

« Comme ça… » Répondit vaguement Hana.

« Sur un coup de tête ? » S'étonna faussement Chiho.

Malgré l'air inoffensif de l'autre femme, Hana était sur ses gardes. Elle se sentait oppressée, à être assise en face de Chiho et à devoir répondre à des questions ; ce qui ne faisait que renforcer son malaise.

« J'aurais cru que tu avais choisi de venir dans cette entreprise parce que tu connaissais quelqu'un, vu que tu as l'air de ne pas être de la ville... » Observa Chiho en levant les yeux vers l'autre jeune femme.

« Ah, non… J'ai juste répondu à une offre d'emploi postée en ligne, » mentit Hana.

Qu'est-ce que c'était que cette question étrangement précise ?

« Hum, je vois… Mais tu me sembles plus être une personne qui étudierait les lettres ou les arts que quelqu'un tourné vers les mathématiques et les chiffres... » Ajouta Chiho.

Inconsciemment, Hana serra ensemble ses deux mains sous la table.

Est-ce que Chiho lui ressortait ces informations qui se basaient sur ce qu'elle savait au lycée pour tenter de la confondre ?

« Ah… Ah bon ? J'ai toujours eu de très bonnes notes en mathématiques, alors c'est la première fois que j'entends ça... » Mentit à nouveau Hana.

Du moment qu'elle arrivait à maintenir une expression neutre et naturelle, Chiho n'arriverait sûrement pas à lui faire avouer qui elle était, ni ne découvrirait au détour d'une phrase la vérité.

Après tout, Hana avait eu des années pour changer et s'entraîner.

Des années…

Cependant, même si Hana était sûre de ne pas se trahir en disant quelque chose, ou par son attitude, elle ne pouvait s'empêcher d'être anxieuse et de craindre les prochains mots de Chiho.

La jeune femme en face d'elle s'apprêtait d'ailleurs à lui poser une autre question, quand le disque électronique sur la table vibra.

« Ah, notre commande est prête. Allons-y, » dit Chiho en se levant.

Hana l'imita, et gardant une certaine distance avec l'autre employée de Marline, elle suivit cette dernière jusqu'au comptoir pour récupérer un carton de transport avec deux grands gobelets de liquide fumant.

« Vu l'heure, arrêtons-nous là pour aujourd'hui et retournons directement à Marline, » déclara Chiho en récupérant les boissons chaudes. « J'ai besoin de mettre nos classeurs sur mon bureau pour que je puisse directement travailler dessus dès demain matin. »

Hana acquiesça d'un signe de tête, et Chiho sortit dans la rue pour avancer à travers la foule toujours aussi compacte dans ce quartier.

La jeune interne avait bien remarqué que les environs étaient toujours bondés de monde à toute heure de la journée, et suspectait que la longue succession de restaurants et de cafés sur une des rues principales en était la cause. Nul doute que les passants y faisaient un arrêt avant de continuer leurs emplettes ou leur chemin, causant la formation de longues files d'attente devant certains magasins.

Momentanément distraite par des affiches de publicité vantant les mérites d'un restaurant d'okonomiyaki, Hana perdit de vue Chiho, et rejeta la faute sur la sensation de faim qui la tenaillait depuis bientôt une petite heure. Elle n'était pas sûre de retrouver sa collègue parmi toutes ces personnes, et décida donc de suivre son propre chemin pour retourner vers son lieu de travail. Avoir été laissée seule ces derniers jours avait ses avantages, car la jeune femme connaissait déjà une bonne partie des rues pour les avoir arpentées à plusieurs reprises.

Elle put donc circuler avec aise dans le quartier pour repartir vers l'arrêt de bus le plus proche, et embarqua ensuite pour descendre quelques minutes plus tard à une centaine de mètres de l'immeuble aux vitres bleutées, reconnaissable de loin parmi tous les bâtiments grisâtres qui l'entouraient.

Puis, se dirigeant vers les portes automatiques du hall, puis les ascenseurs et le huitième étage, elle fut surprise de voir qu'elle était arrivée plus vite que Chiho ; car le bureau de l'autre jeune femme était encore vide. Sa collègue avait probablement choisi de faire le trajet à pied, et Hana se félicita elle-même pour avoir eu la présence d'esprit de retrouver l'arrêt de bus dont elle s'était servi les jours précédents.

« Hana-chan ! Tu es déjà de retour ? » S'étonna Mari en voyant la jeune femme s'installer à ses côtés.

Hana hocha de la tête, et observa que si Yuuto n'était pas là, Ren, lui, tapait avec férocité sur son clavier. Il devait certainement taper plus vite qu'Hana ou Mari, car le cliquetis rapide et régulier de son clavier créait un fond sonore uniforme et sans aucune imperfection.

Elle se demanda si, elle aussi, elle pourrait un jour taper aussi vite que lui ; et fut immédiatement distraite par Mari qui glissa un chocolat dans un emballage individuel devant elle.

Étonnée, Hana leva les yeux vers Mari, et cette dernière lui sourit avec gentillesse.

« Tu dois avoir faim, surtout si tu as marché toute la journée, » dit-elle à voix basse.

« M… Merci... » Dit Hana, en chuchotant.

Elle prit le petit chocolat, et après en avoir ouvert l'emballage et pris une bouchée, remarqua que le cube de chocolat au lait était recouvert d'une fine poudre de thé vert et fourrée d'une ganache elle aussi au thé vert. La friandise la rafraîchit et lui remonta le moral, et elle lança un regard vers Mari qui avait entre-temps repris le travail.

Hana se sentit vraiment touchée par ce geste, et s'ordonna mentalement d'aller chercher plus tard quelque chose au distributeur pour la femme plus âgée.

Il dût se passer encore une demi-heure avant que Chiho n'atteigne le hall de Marline, et sachant pertinemment qu'elle avait semé Hana, s'avança avec confidence dans l'entrée du bâtiment.

Le téléphone dans son sac continuait de sonner, signe que des gens continuaient de lui envoyer des messages sur le service de messagerie instantanée ; et elle ne put réprimer un petit sourire satisfait.

Grâce aux contacts du lycée qu'elle avait encore, elle avait trouvé la solution pour non seulement confirmer l'identité de la jeune femme, mais aussi se débarrasser d'elle.

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