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Je lui suis redevable.

Hana frissonna de froid. Son dos lui faisait mal, et ouvrant les yeux, elle se rendit compte qu'elle s'était endormie sur la table à manger, la tête posée à l'intérieur de ses bras croisés sur la surface froide et rigide.

Elle se redressa et s'étira avec difficulté, ses vertèbres craquant à cause de la position inconfortable dans laquelle elle avait dormi, et regarda tout autour d'elle.

Il faisait nuit, seule une petite lumière suspendue au-dessus de l'évier étant restée allumée ; le reste de la pièce étant plongée dans le noir. Elle reconnut aussi la tasse qu'elle avait laissée sécher sur le bord de l'évier ce matin, ainsi que le torchon de couleur bleu clair suspendu à côté du frigo.

Elle était bien dans son appartement, mais ne se souvenait pas comment elle était arrivée ici. Tout ce dont elle se souvenait, c'était d'avoir été convoquée, et d'être montée au Service Juridique. Après ça…

Après ça, elle avait vu le jeune homme arriver – elle avait du mal à se rappeler son nom – et il avait trébuché, projetant vers elle un café brûlant. Puis… Plus rien.

Hana écarquilla les yeux, et commença à paniquer.

Elle n'était pas rentrée d'elle-même chez elle, et depuis ce matin, elle n'avait aucun souvenirs, ce qui voulait dire que 'Nana' avait pris le contrôle. 'Nana' avait donc eu la possibilité de faire tout ce qu'elle voulait, pendant tout le reste de la journée, et jusqu'à maintenant. Cette constatation ne pouvait que terrifier Hana, rien que par la simple possibilité que cette autre femme avait semé la pagaille pendant qu'elle n'était plus consciente.

La seule chose qu'Hana pouvait faire pour l'instant, était encore une fois de constater les dégâts, et essayer de deviner ce qui s'était passé en son absence.

Arrêtant d'inspecter son appartement, elle s'apprêta à se lever de sa chaise, quand quelque chose attira son regard.

Là, sur la table, était posé un gros sac plastique blanc, à travers lequel elle pouvait voir la silhouette floutée d'une bouteille. En dessous du sac, une feuille de papier pliée en deux.

Qu'est-ce que c'était que ça ?

Avec curiosité et appréhension, elle retira le sac plastique contenant la bouteille, et le posa un peu plus loin sur la table ; révélant son nom écrit au milieu de la feuille pliée.

Confuse, elle fronça les sourcils.

Qui pouvait bien lui avoir écrit un mot ?

Elle s'empara du papier, et le dépliant, elle écarquilla les yeux.

Plusieurs lignes de texte s'adressaient directement à elle, dans une écriture qu'elle ne reconnaissait pas.

Cependant, le nom écrit tout en bas lui indiqua qui venait de lui écrire une lettre, et Hana ne put s'empêcher de lâcher soudainement la feuille de papier, qui retomba doucement sur la table à manger.

Nana. C'était comme cela qu'elle l'avait appelée.

Depuis ce jour, cinq ans en arrière, cette seconde personnalité n'avait pas arrêté de se manifester, n'en faisant qu'à sa tête et mettant Hana dans l'embarras.

Les médecins qu'elle avait pu consulter à ce sujet lui avaient dit que ce genre de chose pouvait arriver suite à un événement traumatisant ; ou à cause d'un mal-être ancré plus profondément dans son subconscient, qui avait fini par se manifester sous la forme d'une seconde personnalité.

Cependant, bien que cette autre version d'elle même n'arrêtait pas d'apparaître et de prendre le contrôle de son corps, c'était la toute première fois qu'elle tentait d'entrer en contact avec elle.

De plus, ce qu'elle disait dans cette lettre n'avait aucun sens. Elle semblait parler de Kobayashi Shinsuke comme s'il s'agissait de quelqu'un qu'elle connaissait. Même, elle avait dit avoir eu les mêmes sentiments qu'Hana vis-à-vis de lui. Qu'elle aiderait Hana à se rapprocher de lui.

Elle fixa d'un regard vide la lettre posée sur la table. Tout ça n'avait absolument aucun sens. Comment pouvait-elle savoir ce qu'Hana ressentait ? Comment pouvait-elle connaître Kobayashi Shinsuke alors qu'Hana ne l'avait vu que le temps d'une journée, cinq années en arrière ?

Est-ce qu'elle avait lu le journal intime d'Hana, quand cette dernière habitait encore chez son père ?

Pensait-elle qu'en étant la même personne, elle avait forcément les mêmes sentiments vis-à-vis de cet homme ?

Malgré elle, la jeune femme serra les poings. Nana s'immisçait déjà beaucoup trop dans sa vie, et là, elle tentait de prendre une part encore plus importante de la vie de la jeune femme. Elle avait presque envie d'appeler son père, et de retourner voir un médecin spécialisé, quitte à tout arrêter sur le champ.

Elle ne voulait pas à nouveau se retrouver dans un endroit inconnu sans savoir comment elle était arrivée jusque là, ni ce qu'elle avait pu faire avant. C'était sûrement ce qui lui faisait le plus peur dans tout ça : ne pas savoir ce qui était arrivé pendant un de ces moments d'absence.

Pour cela, elle avait mis en place des contre-mesures, et réglé sa vie en conséquence : plus de sorties le soir, plus d'alcool, plus de choses stressantes ou pus de fatigue extrême au dehors. Quatre verrous sur la porte avec chacun une clé différente, un logement éloigné du centre ville, pas de voiture. Pleins de choses qu'elle évitait, afin de pouvoir mener une vie plus ou moins tranquille.

Toutefois, si les choses venaient à dégénérer, elle pouvait faire une croix sur son emploi, sur les gens qu'elle avait rencontrés, ainsi que sur Kobayashi Shinsuke lui-même. Si les gens venaient à apprendre qu'elle souffrait de ce genre de problème, ils ne la regarderaient plus de la même manière, et elle ne pourrait plus rester auprès de cette personne qu'elle avait cherché durant ces dernières années.

Rien qu'à cette pensée, son cœur se serra.

Elle voulait faire tout son possible pour lui rendre la pareille, et pour ça, elle devait rester à ses côtés ; même s'il ne semblait pas se souvenir d'elle, ni de ce qu'il avait fait cinq ans auparavant. Pourtant, ce n'était pas comme si elle pouvait effacer cette dette, juste parce que le créditeur ne s'en rappelait pas. Ce n'était pas non plus le genre de dette à n'avoir que peu d'importance ; ce n'était pas négligeable, quand cela changeait autant les choses et les gens.

Malgré son caractère actuel, elle se rappelait encore son sourire, à l'époque ; cette expression bienveillante, et les paroles qu'il avait eues.

Pourtant, il ne se souvenait absolument pas de tout cela. Il ne se souvenait pas avoir parlé à Hana, ni d'avoir…

En se rappelant cela, sa nuque lui fit mal, et elle y porta la main ; sentant sons ses doigts une portion de peau plus épaisse que le reste de la surface de son cou. Puis, elle retira sa main, recoiffant rapidement ses longs cheveux noirs pour cacher la cicatrice de la taille d'un pouce.

Oui, c'était beaucoup trop important pour abandonner maintenant. Pour céder aux paroles insensées d'une partie d'elle-même qu'elle ne contrôlait pas.

Regardant le sac plastique posé sur la table, et la feuille de papier, elle relut une nouvelle fois la lettre ; cette fois de loin. Parmi tout ce qu'avait dit Nana, la chose la plus étrange, qu'elle avait marqué en dernier avant de signer, perturbait Hana.

'Je sais que tu ne veux rien savoir de moi, mais je sais tout de toi, tandis que tu ne sais rien de moi. Alors laisse-moi te dire une chose : je ne suis pas celle que tu crois. Cependant, je sais que tu ne voudras peut-être pas me parler, et je comprendrai. Mais, si jamais tu veux tout de même en savoir plus, sans avoir à m'adresser la parole, retournes voir ton père.'

Que voulait-elle dire par 'pas celle qu'elle croyait' ? Et par le fait d'aller voir son père ?

Inquiète, elle prit son téléphone dans ses mains. Est-ce que son père lui avait caché des choses ? Pourquoi Nana semblait-elle si assurée dans sa lettre ?

Nerveuse, Hana chercha le numéro de son père dans sa liste de contacts, et affichant son profil, elle arrêta son doigt juste avant d'appuyer sur le bouton d'appel.

Devait-elle l'appeler maintenant ? Il était déjà 23 heures du soir, mais elle était sûre que même à cette heure-là, il lui répondrait. C'était ce genre de père, après tout.

Il avait toujours été là pour elle, depuis que sa mère les avait quittés, et avait toujours agi dans son meilleur intérêt.

Alors pourquoi avait-elle d'un coup si peur de parler à son père ? Lui avait-il vraiment caché des informations vis-à-vis de sa condition mentale? Et pourquoi ?

D'une main tremblante, Hana verrouilla son écran de téléphone et posa ce dernier sur la table, avant de serrer ses deux mains l'une dans l'autre.

Pour l'instant, elle préférait ignorer Nana. C'était ce qu'il y avait de mieux à faire, dans cette situation. Il faudrait sûrement qu'elle finisse par en parler avec son père, resté dans sa ville natale, et qu'elle lui demande ce qu'il avait bien pu lui cacher jusqu'à présent.

Cependant, elle sentait qu'elle avait aussi besoin d'être rassurée.

Décidée, elle récupéra son téléphone, et après avoir déverrouillé son écran, elle appuya sur le bouton vert d'appel.

Une sonnerie retentit pendant une bonne minute avant que l'autre personne ne décroche, ce qui soulagea Hana.

Même maintenant, son père était toujours là pour elle, même si elle l'appelait sans prévenir et aussi tard dans la nuit.

« Oh, Hana ? Pourquoi tu m'appelles si tard ? » Demanda-t-il.

Elle resta silencieuse un moment, le temps de se calmer et de s'assurer que sa voix ne tremblerait pas.

« Pour rien papa, j'avais juste envie d'entendre ta voix. » Dit-elle pour rapidement combler le silence qu'elle avait créé.

« Tu es sûre que tout va bien ? » S'enquit-il.

Pour le moment, elle préférait ne pas lui demander. Elle était encore un peu trop secouée par cette soudaine lettre. Mais tôt ou tard, il faudrait bien qu'elle aborde ce sujet avec lui.

« Oui, ne t'en fais pas... » répondit-elle. « Je viendrai te voir à la fin du mois. »

« Si tôt ? Tu ne veux pas plutôt rencontrer de nouvelles personnes et te faire de nouveaux amis ? » Demanda-t-il avec une pointe d'inquiétude dans la voix.

« Voyons papa, je peux me faire des amis tous les jours ici, mais c'est devenu plus dur de pouvoir te voir. » Répondit-elle avec un sourire.

C'était sûrement le mieux à faire. Elle ne parlerait pas à Nana, mais directement à son père pour tenter de tirer tout cela au clair. Elle lui demanderait ce qu'il lui avait caché, et ce qu'il savait de plus qu'elle.

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