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CHAPITRE 10 VISITE

Et, pour le coup, il avait raison. Quand Eowyn lui avait ouvert la porte, elle était toujours rouge, mais des larmes barraient ses joues et ses yeux étaient gonflés. Lorsqu'il lui avait présenté ses excuses, elle lui avait sauté dans les bras en lui demandant pardon elle aussi. Adrien avait vu Mark grinçait des dents derrière lui, mais il n'en avait rien à faire. Il l'enlaçait et le contact de son petit corps contre lui était très qu'agréable. C'est avec regrets qu'il la laissa s'éloigner quelques secondes plus tard. Elle lui proposa de se balader un peu, histoire de prendre du recul. Il accepta avec plaisir et demanda s'ils pouvaient voir le château de la carte.

— Tu veux voir Eleassar ?

— C'est le nom du château ?

— Oui, il est magnifique ! Viens, je vais te le montrer de près et on passera au marché par la même occasion, pour faire quelques courses.

— Pense à prendre des poivrons et des tomates, je voudrais faire un poulet basquaise ce soir, fit la voix de Katherine derrière eux. Oh ! Je crois que je n'aurais pas suffisamment d'ail et d'oignon, non plus.

— Pas de problème, répondit Eowyn en fermant la porte, prenant quelques sacs au passage.

Ils prirent encore une fois une porte magique. Adrien commençait à s'habituer à la sensation d'aspiration et à toute la magie qui l'entourait, mais tandis qu'ils attendaient leur tour, il vit une sorcière, qui lisait le journal. Il mit un moment avant de percuter que la femme avait les deux mains occupées par des sacs et que les pages du journal tournaient toutes seules.

Au moment où ils arrivèrent dans la vieille ville, le jeune homme écarquilla les yeux d'émerveillement. Des maisons à colombage biscornues, se touchant les unes les autres, étaient alignées dans d'étroites rues. Les couleurs vives qui décoraient leurs façades, ainsi que les plantes tombantes des jardinières et les portes largement ornementées à l'allure moyenâgeuse, rendait l'atmosphère irréelle et hors du temps, à moins que cela soit le nombre impressionnant de sorciers se promenant et discutant gaiement dans des tenues improbables, tout droit sorties d'Harry Potter ou du Seigneur des Anneaux. Les boutiques proposaient des objets étranges dans les vitrines.

— Balai-incinérateur ? s'étonna Adrien

— Ben oui ! lui répondit Eowyn en haussant les épaules. Où veux-tu qu'il mette la poussière, sinon ?

Entre les assiettes autonettoyantes et les maillots de bain qui ne se mouillaient pas, Adrien ne savait plus où donner de la tête. Et puis, il le vit… Quatre tours de tailles différentes en pierres blanches surmontées de toits pointus recouverts d'ardoise gris aux reflets bleus. Une porte plus haute qu'un étage orné de fer forgé se trouvait sur le mur d'enceinte. Un donjon rectangulaire à larges fenêtres dominait toutes la vieille ville par sa hauteur et son volume… Eleassar !

— Ouah-ou ! souffla le jeune homme

— Ouaip ! C'est impressionnant, hein ?

— Carrément ! Il date de quand ? s'enquit Adrien Son architecture est un curieux mélange entre ce que l'on faisait à la fin du Moyen Âge et au début du dix-huitième siècle… Quant aux ornements de la façade, ils sont typiques la Renaissance.

— Tu t'y connais bien, s'étonna Eowyn.

Adrien haussa les épaules.

— J'aime l'histoire et particulièrement celle des bâtiments. Tu disais vouloir être professeure dans le Vieux Monde, moi j'ai déjà pensé à devenir architecte ou designer. Mais je n'ai rien décidé encore.

— C'est un beau projet, admit Eowyn. Viens, on doit aller dans les halles à côté pour acheter les légumes.

Ils s'engouffrèrent dans un bâtiment aux épais murs en pierre dont le rez-de-chaussée était ouvert par de multiples arches de style roman. À l'intérieur des halles, des croisées d'ogives soutenaient un haut plafond orné de mosaïques. Celui-ci était éclairé par de nombreuses boules en suspension. Adrien crut d'abord à des lampes, puis il s'aperçut qu'aucun fil ne reliait les boules : elles flottaient dans l'air, bougeant au moindre mouvement d'air. La faible lumière jaune, qui s'en émanait, semblait onduler. C'était comme se promener sous la surface d'une mer au lever de soleil. De grandes tapisseries étaient étendues sur les murs à des fins publicitaires, à en juger par les slogans qui y étaient brodés en lettres d'or.

Des sorciers aux longs tabliers tenaient des étales bariolées et garnies de fruits et légumes colorés et alléchants. Le brouhaha qui régnait n'était pas sans rappeler les marchés du Vieux Monde, à ceci-près qu'ici, les vendeurs utilisaient des balances ensorcelées à poids et que les légumes allaient se peser tout seuls. Eowyn se dirigea d'un pas assuré vers un petit sorcier bedonnant au crâne dégarni, mais à la moustache fournie.

— Bonjour Alistair ! lança-t-elle gaiement.

— Bonjour Eowyn, lui répondit aimablement ledit Alistair. Que puis-je pour toi ?

— Nous te prendrons deux kilos de tomates, sept cents grammes de poivron rouge et la même quantité de poivron vert. On va aussi avoir besoin de quatre gros oignons et quatre petites gousses d'ail.

— Tout de suite ma petite dame !

Il se faufila aussi vite que son corps rebondi le lui permettait, tendit le doigt vers les légumes, qui sautèrent de l'étal à la balance. Après que celle-ci se fut immobilisée à quatre reprises, le sorcier à l'impressionnante bedaine déclara :

— Six sous, s'il te plaît.

Eowyn ouvrit une bourse attachée à son pantalon qu'Adrien n'avait pas remarqué. Elle en sortit 6 petites pièces de couleur argenté assez épaisses et les tendit au maraîcher. Ils prirent congé et rebroussèrent chemin vers la maison.

Celle-ci était calme, l'atmosphère studieuse. Quatre paires d'yeux se levèrent quand les deux amis passèrent la porte d'entrée. Katherine se mit sur ses pieds en un éclair, récupérant les sacs contenant les provisions pour les ranger dans la cuisine. Adrien haussa un sourcil devant l'empressement de la petite tornade blonde, qui lui avait presque arraché le sac des mains. Eowyn surprit son regard et haussa les épaules.

— La cuisine, c'est son domaine, gare à celui qui y pénètre en dehors des repas.

— Ne dérange rien dedans, elle serait capable de te mettre des laxatifs dans tes cookies, continua Jonathan.

— Ou de te faire éplucher des oignons en te menaçant avec le couteau à pain ! renchérit Mark.

— Je vous entends les garçons, dit une voix étouffée dans la cuisine, moitié agacée, moitié amusée.

Ils se mirent à rire en se tapant dans la main. Adrien sourit. Il se sentait vraiment à l'aise ici, parmi eux.

— Au lieu de glousser, les gars, fit Yohan, qui était resté sérieux, vous feriez mieux de les mettre au courant… À propos de ce que l'on a découvert…

Mark et Jonathan s'arrêtèrent de rire, même si ce dernier conserva un sourire en coin. L'autre, expliqua :

— La seconde face du médaillon semble donner des indices sur les protections et les pièges qui entourent le katana. Sur le médaillon de Maître Guillaume, on trouve la rune Kenaz et une citation de Confucius : « La conscience est la lumière de l'intelligence pour distinguer le bien du mal ».

— Ça coïncide avec Kenaz, intervint Eowyn. Celle-ci représente une lanterne, une étincelle ou, à un second niveau, la lumière intérieure. En magie runique, elle aide à faire sortir les secrets et les pouvoirs cachés.

— Comme notre lumière intérieure, notre conscience… poursuivit Yohan.

— Tout à fait, confirma-t-elle. Il faudra donc savoir distinguer le bien du mal.

— Sur le second médaillon, se lança Jonathan, il y a la rune Uruz et une citation : « Le courage croît en osant et la peur en hésitant. ». Là encore, la rune coïncide avec la citation.

— Oui, acquiesça Eowyn et ajouta à l'adresse d'Adrien. Uruz représente la force, le courage et la détermination. Qu'y a-t-il sur le dernier médaillon ?

— Gebo, lui répondit Mark sombrement. Et voici la phrase qui l'accompagne : « Une offrande sera réclamée, elle devra être proposée avec altruisme et sincérité ».

— Laisse-moi deviner, proposa Adrien en se tournant vers Mark. Gebo signifie « offrande ».

— Oui…

Katherine sortit de la cuisine à ce moment-là.

— Moi, j'ai étudié les cartes… Et Adrien avait raison : le seul endroit qui regroupe l'ensemble des critères indiqués sur le médaillon est à côté de la vallée des loups garous…

— Donc si je résume la brillante situation dans laquelle nous nous trouvons, railla Jonathan avec cynisme. On va braver de nombreux pièges requérant intelligence, courage et abnégation, dans l'espoir absurde de trouver un sabre, qui porte malheur à ces possesseurs et, par la même occasion, le maître d'Eowyn, qui a disparu depuis quatre jours, enlevé par des loups-garous dont le repaire se situe juste à côté de la cachette dudit katana ?

— C'est ça, se contenta de dire Mark en passant un bras sur ses épaules. Ne me dis pas que tu as la frousse !

— Moi ? s'offusqua la montagne de muscles en se dégageant. Pas du tout, je voulais juste être sûr que tout le monde avait compris les risques inconsidérés que nous allions prendre…

— On y a tous songé, lui répondit sérieusement Eowyn, mais on va y arriver… Tous les six…

Adrien sentit une vague d'anxiété, de fierté et d'excitation l'envahir. Il faisait définitivement partie de leur « famille », comme ils disaient. Cela faisait quatre ans que personne ne l'avait accepté et encore moins intégré à un groupe. Ce monde avait vraiment quelque chose de merveilleux, en dehors du fait tout baignait dans la magie, il permettait aussi de rapprocher, de créer des liens entre des gens aux caractères très différents. C'était peut-être ça, qui rendait ce monde magique …

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