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L’artisan

Le matin du troisième jour, le paysage avait radicalement changé, passant de vastes chaînes de montagnes enneigées des terres centrales aux immenses arbres qui peuplaient les forêts du sud. Le train arriverait dans la gare de Kleger Wood en début d'après-midi, et Norval comptait profiter de cette escale pour commencer à jeter un œil à des objets magiques qui pourraient l'aider à restreindre ses pouvoirs. Bien sûr, le mieux serait d'attendre d'arriver à la mégalopole d'Argol pour se fournir ce genre de choses puisque le choix et la qualité y serait là bas bien plus élevé, mais étant dans une ville où se trouvaient de nombreux artisans et magasins, rien ne l'empêchait de chercher dès maintenant ce dont il avait besoin. Le regard posé sur les arbres millénaires qui défilaient à l'extérieur, la sérénité d'un voyage en paix se lisait sur le visage du prince. Dans une voiture plus à l'avant du train. Admirant lui aussi le paysage, un jeune homme en robe ecclésiastique bleu, cracha une importante quantité de sang avant de lâcher un dernier soupir en s'écroulant sur le sol. En face et à côté de lui, cinq garçons habillés de la même manière, avaient la bouche et les yeux grand ouvert, alors que plus un souffle de vie ne s'écoulait à travers eux. Leurs robes de fidèles étaient recouvertes de leurs propres sang et organes. Quelques minutes avant que le train n'entre en gare, un homme en uniforme bleu marine et qui portait la casquette du chef de bord, ouvrit les portes d'un compartiment dont les passagers de la même voiture se plaignaient de la mauvaise odeur qui en émanait. L'homme au teint rougeâtre avait une expression dure qui lui déformait bizarrement le visage. Les personnes venues lui rapporter le problème, avait insisté sur le fait qu'elles avaient déjà toqué plusieurs fois à la porte, mais qu'il n'y avait eu aucune réponse. Il en avait naturellement déduit que quelque chose de grave s'était passé à l'intérieur. Cependant, ce qu'il vit en ouvrant la porte dépassait de loin tout ce qu'il aurait pu imaginer. Six étudiants en robe bleu étaient écroulés les uns sur les autres, une abominable expression de douleur et de désespoir marquant profondément leurs visages. S'écoulant de leurs bouches béantes, un liquide jaunâtre mêlée de sang et de restes d'organes se déversait sur le sol. Le chef de bord fut pris de nausée à la vue de cette horreur. Les deux contrôleurs derrière lui n'y échappèrent pas non plus. 

« Qu.. qu'est ce que c'est que cette horreur ? » Balbutia celui de droite.

— « Sainte Elisabeth mais qui a bien pu faire ça... ! »

Dans la ville de Kleger Wood, le train en direction d'Argol venait d'entrer en gare et les passagers étaient déjà descendus pour faire escale. Ils remonteraient dans le train le lendemain et resteraient ici pour une journée. Même si les trains long courriers étaient fait pour permettre à ses passagers de dormir et manger avec tout ce qu'ils n'avaient besoin pour rester propre, Les voyage sur longue distance restaient tout de même très peu confortable et les stocks n'étant pas illimité, le personnel avait besoin de refaire le plein des réserves. Ainsi, les trains qui faisaient des trajets de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, se devaient de faire escale régulièrement dans les grandes villes qui se trouvaient sur leurs chemins. La ville de Kleger Wood était une ville parfaitement propice à cet effet. Avec ses plus de cinq cent mille habitants, son histoire millénaire et son excellente réputation auprès des voyageurs, Kleger Wood était connue pour être une escale des plus agréable. Dotée d'une architecture traditionnelle, les bâtiments étaient en pierres et toit d'ardoise noir, ils faisaient tous entre deux et quatre étages. Les rues et les avenues étaient assez larges pour une circulation à double sens et la végétation y était riche. Le seigneur de la ville prêtait une attention toute particulière à ce que les bâtiments mettent en avant la beauté de la nature en les décorant de diverses plantes. Ici, chaque fenêtre était décorée de pots de fleurs ou d'arbustes et certains laissaient même du lierre envahirent leur devanture. Cet atout particulier qu'avait la ville, était l'une des principales raisons pour laquelle elle était aussi réputée auprès des voyageurs et en faisait une très célèbre escale. Après avoir quitté la gare, Norval était parti de son côté pour visiter et chercher les outils magiques dont il n'avait pas besoin. Lui et Mars s'étaient déjà mis d'accord pour se retrouver le lendemain matin devant la gare, afin de continuer le voyage vers Dryadalis. Après avoir fait le tour du centre ville et pris ses repères, Norval se rendit dans un quartier plus éloigné. Comme s'il connaissait déjà le chemin, il se déplaça par les petites ruelles et les chemins de traverses pour arriver devant un bâtiment haut de quatres étages, caché entre deux bâtisses. Les environs étaient pourtant très vivants et peuplés, mais ici il n'y avait pas un seul passant. Face à lui, se trouvait une boutique dont la façade se désagrégeait et où la végétation avait largement pris le dessus. Norval s'avança jusqu'à la large porte en bois et entra. A l'intérieur, un vieil homme installé au fond de la boutique était concentré à polir un médaillon.

" Bonjour monsieur Hawkins." S'enquit Norval. 

Le vieil homme se redressa à l'appel de son nom puis dévisagea durement l'étranger à sa porte. 

" Je ne te reconnais pas. Tu ne dois pas venir d'ici."

— "Non, je fais simplement escale dans la ville."

— "Et puis-je savoir où vous avez entendu parler de moi ? Dit il mi-amusé, mi-sérieux. Ce n'est tout de même pas commun pour un étranger de se rendre dans cette vieille boutique sans en connaître l'existence."

Heh… tu ne me croirais pas même si je te disais la vérité vieil homme. 

— "J'ai simplement entendu dire que t'es ancêtres étaient connu pour avoir fabriqué de très bons artefacts. On dit que le talent se transmet par les gènes non ?"

Visiblement surpris, le propriétaire foudroya du regard l'étranger un court instant, avant de s'esclaffer d'un rire rauque. Le vieil homme riait si fort, que Norval en avait mal à la tête. Sur le moment, il douta presque que ces rires étaient une attaque sonore dont il était victime. 

"Ahahhaha ! Tu es loin d'être aussi ordinaire que tu n'en as l'air ! Je ne pensais pas que qui que ce soit à part moi était au courant de ça."

"Dis moi petit. Qui est la personne qui t'a révélé ce secret ? Si tu ne veux pas le dire ce n'est pas grave, mais je suis tout de même un peu curieux."

Cette réaction… ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. Est-ce qu'il vérifie si je le sais ? Heh, n'importe qui pourrait être courant que ses ancêtres sont de célèbres artisans, mais très peu connaissent le secret de sa famille. Voyant son client ne pas répondre, le vieil homme brisa le silence gênant en se raclant la gorge. 

"Hum, comme je l'ai dit ce n'est pas grave si tu ne veux pas me le dire. De toute façon, contrairement à ce que tu pensais, je suis loin d'avoir hérité du génie de mes ancêtres. Ahah ce n'est pas pour rien que personne ne vient jamais ici." 

Norval ne put cacher sa confusion. Une expression compliquée se lisait sur le visage du prince.

Ne va t il pas trop loin dans son mensonge ? Même s'il me dit ça, il devrait savoir que je peux facilement le vérifier en jetant un œil à ses œuvres. Ou alors il ne ment pas et ne possède réellement aucun talent ? Un Hawkins qui est un mauvais artisan ? C'est inconcevable. 

— "Vieil homme, qu'est ce que c'est que cette mauvaise blague ?"

— "Je ne ment pas. Cela fait déjà plusieurs générations que personne n'a été capable de produire un artefact du même niveau que ceux que faisaient nos ancêtres. On peut même dire que notre savoir-faire se dégrade à mesure que le temps passe."

Il ne ment pas.

— "Je ne peux pourtant pas le croire".

— "Pardon ?" Le vieil homme, interloqué, fronça les sourcils. 

— "Non, je veux dire… La famille Hawkins a pourtant reçu la bénédiction d'une déesse, alors comment pourraient-ils ne plus être capable de produire de talentueux artisans ? C'est ridicule…"

Le propriétaire de la boutique écarquilla les yeux et ses lèvres tressallères. Cependant, cela ne dura pas longtemps, il se reprit rapidement et une expression terne réapparu sur son visage. Norval le remarqua et se demanda s'il avait eu raison d'en parler. En fait il n'avait même pas voulu le mentionner, mais puisque le vieil homme insistait tellement sur le fait que les Hawkins avaient perdu leur talent, il était intrigué par cette histoire et voulait en savoir plus. S'il n'était pas déjà certain que l'artisan ne lui mentait pas, alors il n'aurait probablement jamais cru à cette histoire. Mais puisque le vieil homme disait vrai, alors qu'en était-il de cette bénédiction ?

— "La bénédiction d'une déesse… je crois que tu te trompes mon garçon. Ma famille n'est pas un clan puissant. Même à l'époque où notre réputation était à son sommet, nous n'étions toujours pas assez éminents ou influents pour attirer l'attention d'une de ces entités divines. Je ne sais pas qui t'a dit ça, mais ces informations sont erronées."

Norval voulut ajouter quelque chose, mais il choisit finalement d'en rester là. Si cette homme n'avait vraiment aucune idée de l'existence de cette bénédiction, ce n'était certainement pas à lui de mettre à jour ses connaissances. Le jeune prince avait des doutes sur le fait que le propriétaire ait pu délibérément lui mentir, notamment à cause de sa réaction d'il y a un instant, mais si ce n'était pas le cas, cela signifiait potentiellement qu'un saint de haut rang était intervenu dans cette histoire. Si c'était le cas, alors se mêler davantage du destin de cet homme pourrait lui porter préjudice à l'avenir. Il valait mieux être prudent plutôt qu'être entraîné sans le vouloir dans un conflit concernant des entités de haut niveau. Par ailleurs, avec ce qu'il lui avait dit, Norval était presque certain que le vieil homme parviendrait à résoudre lui-même le problème s'il le souhaitait vraiment. 

"Je suppose que ma source d'information n'est pas aussi fiable que je le pensais."

Le vieil homme esquissa un sourire. 

— "Haha ça arrive à tout le monde de se tromper. Enfin, je ne crois pas que vous soyez venue ici pour faire la causette. Quel genre d'outils magiques cherchez-vous ?"

Norval fut soulagé de voir que l'artisan ne voulait pas s'engager plus loin sur le sujet. Ça l'aurait grandement embêté si le vieil homme avait voulu en apprendre plus sur la bénédiction ou même sur sa fameuse source d'information.

Finalement, la situation de l'artisan était bien pire que ce qu'il imaginait. Aucun des objets magiques que le vieil homme ne lui avait proposés n'en valait la peine. Tout ce qu'il produisait était d'un niveau exécrable ! Abattu par la vue d'un travail aussi misérable, Norval s'en alla bientôt les mains vides et le moral au plus bas. 

De retour dans les rues de la ville, le jeune prince passa le reste de la journée à se balader dans les environs. Le travail du vieil homme l'avait tellement anéanti, qu'il n'avait plus aucune envie de partir à la recherche d'objets magiques. Il décida de reporter ça pour quand il serait arrivé à Argol, comme c'était prévu à l'origine. 

La nuit commençait doucement à tomber et l'obscurité du ciel assombrissait doucement les environs. A l'extrémité de la ville, dans un vieux manoir abandonné. Une créature d'une effroyable beauté avait les yeux pétillants de plaisirs en admirant son œuvre. Face à elle, une dizaine d'ascètes dont des diacres et des prêtres, étaient agenouillés la tête contre le sol. 

Les hommes et les femmes nues avaient le dos dénué de peau et de chair. Sur leur épaules était exposée les os de la cage thoracique qui leur avait été arraché. Vidé de leurs organes, ils auraient déjà dû s'être endormis pour un sommeil éternel, mais ils étaient tous encore lucides. Agonisant de douleurs, les prêtres suppliaient la créature qui leur faisait face, par d'abominables cris et hurlements inhumains. La somptueuse créature cessa de sourire en se tournant vers l'entrée du funèbre manoir. 

"Il s'est encore échappé…"

Norval qui s'était dirigée dans un quartier au sud de la ville pour goûter aux plats d'un restaurant particulièrement réputé, s'arrêta brusquement de marcher. — Une odeur de sang ? 

Il accéléra le pas et traversa la route pour rejoindre une impasse dont on ne voyait pas le fond. La ruelle était sombre et il en émanait une légère odeur de sang frais. Blotti contre un mur, une silhouette tremblante était recroquevillée sur elle-même. Norval s'approcha très lentement. 

"Qu'est-ce qu'il c'est passé ?"

La silhouette releva la tête en sursaut, alors que ses sanglots s'accentuaient. A ce moment-là un lampadaire de la rue voisine éclairait faiblement son visage. Les pupilles du jeune prince se contractèrent. 

"N'es-tu pas le cadet du groupe de fidèles qui portaient des robes bleues ?"

Le garçon sécha ses larmes. 

— "V- vous étiez un passager du train…?"

Norval acquiesça.

D'après ce qu'il pouvait observer, quelque chose d'anormal était en train de se passer en ce moment même dans la ville, et cela semblait on ne peut plus grave. Pour que le cadet d'un groupe d'étudiants dont l'académie est affiliée à une déité se retrouve dans un tel état, ça ne pouvait que signifier que la situation était critique au point que des saints de haut rang soient impliqués. Dans les conditions actuelles, le mieux serait de trouver des membres d'une église de la divinité à laquelle le garçon croit. Cependant rien ne garantissait qu'il y aurait un culte de cette divinité dans la ville. Si ce n'est pas le cas, alors il faudrait demander de l'aide aux dévots d'une autre divinité. Mais les fidèles d'un autre culte ne voudront pas forcément apporter leurs aides. Norval s'accroupit face au garçon et attendit qu'il se calme pour lui poser des questions. 

Cet enfant doit être intelligent puisqu'il est toujours vivant, et je suis certain que ce doit être dans les enseignements de base de son culte de savoir quoi faire en cas d'incident d'une telle ampleur. Ce qui veut dire qu'il à déjà dû penser à trouver les saints de hauts rang de son culte. Pour qu'il se retrouve dans un tel état, cacher au fond une ruelle sombre, cela ne peut impliquer que deux choses. Soit aucun des saints clerc de la déité en laquelle il croit ne se trouve dans cette ville, soit il leur a déjà demandé de l'aide, et dans ce cas la situation est bien pire que ce que je pensais. 

"De quel dieu es-tu le fidèle ?"

— "…Soara" 

Norval fronça les sourcils. 

— "Si je me souviens bien, le dieu de la justice et de la réconciliation, Soara, possède une cathédrale dans cette ville."

— "Morts…" articula-t-il d'une voix tremblante. 

Il soupira, les poings serrés. 

— "Je vois." répondit Norval après un bref silence. 

En effet, la situation est bien plus grave que ce que je prévoyais. Puisque l'enfant était seul, Norval comprenait déjà plus ou moins ce qui était arrivé à ses aînés. Cependant il n'était pas sûr de la situation des saints clercs de l'église. Même si le fait qu'ils soient morts était une possibilité, les chances que ce soit le cas ne semblaient pas élevées. Finalement les derniers mots du garçon lui avaient fait preuve du contraire. C'est pour ça que je déteste voyager. Les problèmes peuvent surgir à tout moment et je fini toujours par être impliqué. 

"Raconte moi en détails tout ce qu'il c'est passé depuis le début"

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