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À ce moment, je ne pensais qu'à une chose.

Le temps était toujours aussi mauvais, avec la tempête générant des vents rapides et les pluies diluviennes s'écrasant sur la carrosserie de la voiture comme des marteaux frappant répétitivement des clous. Commençant un peu à perdre patience, avec sa voiture coincée dans un embouteillage aussi tard dans la soirée, Shinsuke jette un coup d'œil à sa montre : presque 21h30. Espérer arriver à l'heure était futile, puisqu'il était déjà en retard avant même d'être parti.

Il aurait dû quitter le travail plus tôt ; et regrettait d'être resté pour faire des heures supplémentaires. Il avait sous-estimé le nombre de personnes qui seraient encore dehors à cette heure de la journée, et par ce temps. Les gens n'avaient pas peur de sortir la nuit, ni pendant un orage. Du moins quand il ne s'agissait pas un typhon.

Il se rassura avec une pensée positive : au moins, il n'était pas si loin de la gare.

Soupirant, alors que le trafic était toujours bloqué et que la voiture ne bougerait pas avant dix bonnes minutes, il se pencha en avant, les bras étendus sur le volant, et posa sa tête dessus. Il était assez fatigué, et laissa alors son regard errer sans but, observant tout et rien en même temps.

Quelques personnes vêtues d'imperméables bleus et jaunes marchaient sur le trottoir bordant les rives du fleuve, luttant contre le vent violent.

Toutes les lumières, qu'il s'agisse des feux de circulation, des feux de voiture ou des lumières de la ville, étaient floues pour lui à cause de l'eau qui tombait sur son pare-brise.

Des ouvriers du bâtiment s'affairaient à déboucher les caniveaux des égouts pluviaux sous l'œil attentif de deux policiers en uniformes et imperméables transparents. Des feuilles et des aiguilles de pin avaient dû se loger dans les bouches d'égout, empêchant l'eau de s'écouler facilement.

Les deux policiers échangèrent des propos par le biais de leurs radios portables : leurs habits étaient trempés par l'eau, malgré les imperméables transparents qu'ils avaient revêtus par-dessus leurs uniformes de travail et leurs gilets pare-balles. Les pauvres gars étaient sûrs d'attraper un mauvais rhume avec ça, et Shinsuke se sentit désolé pour eux deux.

Derrière eux, les eaux de la rivière étaient tout autant agitées que le ciel.

Les yeux de Shinsuke suivirent la berge et se posèrent sur le pont le plus proche, où des voitures étaient également bloquées, pare-chocs contre pare-chocs.

Il frissonne un peu. Bien qu'il ait allumé le chauffage de la voiture, il avait encore un peu froid à cause des basses températures et de l'humidité qui envahissait sa voiture. Il regarda la file de voitures précédant la sienne, voyant le mouvement des essuie-glaces de toutes les voitures monter et descendre dans des rythmes discordants.

Au moins, les voitures venant de la direction opposée avançaient, l'aveuglant avec leurs phares clairs aux teintes allant du jaune au blanc.

Il plissa un peu ses yeux déjà fatigués, agacé par les lumières vives qui éclairaient sporadiquement l'intérieur de sa voiture.

Une couleur rouge attira son attention sur sa gauche, et en tournant rapidement la tête pour voir par la fenêtre de la portière conducteur, il vit un homme dans un imperméable rouge luttant contre la pluie pour garder son sac en sécurité et au sec. Celui-ci aurait dû savoir reconnaître quand un combat était perdu d'avance, avant même qu'il n'ait commencé. Peut-être croyait-il qu'il pouvait vraiment gagner contre une tempête. Ou peut-être était-il simplement désespéré de rentrer chez lui le plus vite possible, sans se soucier de la météo.

Regarder ce qui se passait tout autour n'était pas vraiment intéressant, et Shinsuke se lassa rapidement. Il déplaça donc son champ de vision des piétons vers les feux de signalisation, voyant au passage une dernière fois les ouvriers et les policiers, la rivière et le pont, les voitures qui ne bougeaient pas devant lui, et celles qui allaient dans l'autre sens. Ces dernières pouvaient circuler librement vers le début de la rue - qui se trouvait derrière la voiture de Shinsuke, à une centaine de mètres de là - avant de se fondre dans un carrefour avec deux autres rues.

Mais c'est alors que ses yeux l'aperçurent ; et revinrent en arrière sur leur trajet pour à nouveau regarder une partie du paysage.

Il l'avait vue.

Des cheveux noirs mi-longs, habillée d'un uniforme de lycéenne dont il ne pouvait pas voir correctement les couleurs d'où il était. Une jeune fille, qui montait la rambarde de sécurité du pont.

Avait-il des visions ? Qu'est-ce qu'elle faisait là ?

Il regarda mieux, concentrant sa vue sur la silhouette lointaine, et vit qu'elle était maintenant debout sur la balustrade, se tenant à un lampadaire éclairant une partie du pont. Il eut un mauvais pressentiment, qui s'insinua lentement, mais sûrement, dans ses entrailles.

Que diable faisait-elle ?

Quelques personnes avaient fini par sortir de leurs voitures, commençant à former un petit cercle derrière la jeune fille, et faisant de grands signes avec leurs bras pour lui demander de descendre. Tout était encore un peu flou, à cause de l'eau qui obstruait sa vue à travers la fenêtre. Pourtant, malgré la difficulté qu'il avait eue à observer les voitures et les passants, cette scène était on ne peut plus claire.

Qu'est-ce qu'elle essayait de faire ? Était-elle vraiment en train de... ?

Cette situation était plus qu'anormale, et se déroulait sous ses yeux.

Et comme pour confirmer ses craintes, la jeune fille lâcha le corps du lampadaire, tombant en avant, presque dans un ralenti surréaliste. Peut-être était-il plus juste de dire que cette vision effrayante avait tellement glacé le sang de Shinsuke, que son cœur s'est presque arrêté de battre, là ; ralentissant tout ce qu'il voyait de ses propres yeux.

Dans un mouvement précipité, il défit sa ceinture de sécurité et ouvrit violemment la portière de sa voiture, ne perdant pas une seconde et la laissant ouverte derrière lui tandis qu'il se précipitait vers les deux policiers. Il fut presque instantanément trempé de la tête aux pieds, l'écart de température entre l'intérieur de sa voiture et l'air ambiant le frappant comme un mur de béton.

"Messieurs les policiers ! Quelqu'un vient de sauter du pont pour se jeter dans la rivière !" Cria-t-il aux deux hommes en service.

Les deux le regardèrent, abasourdis et choqués par l'arrivée soudaine de l'homme, mais se remirent rapidement de cette petite frayeur.

"Vous n'êtes pas sérieux, par ce temps ? !" S'exclama l'un des deux policiers, sceptique.

« Est-ce que j'ai l'air de plaisanter !? » S'écria Shinsuke.

Comme piqués au vif par cette réplique, les deux policiers, suivis de Shinsuke dans leur sillage, coururent jusqu'au bout de la berge inclinée, descendant la petite colline artificielle et manquant de glisser sur l'herbe humide.

"Appelle l'unité d'intervention fluviale !" Dit l'homme visiblement en charge et d'un grade plus élevé que son collègue.

Il s'efforçait lui aussi de voir des formes dans les eaux agitées, torche en main, et balayant de son rayon lumineux la surface. Sans même regarder Shinsuke, il lui demanda :

"Pouvez-vous voir la personne qui a sauté ?!"

Le cœur de Shinsuke battait si fort dans sa poitrine qu'il n'aurait pas été surpris qu'il traverse sa cage thoracique à cet instant. Il regardait aussi frénétiquement les eaux, essayant de voir quelque chose, n'importe quoi, qui pourrait lui dire où se trouvait la jeune fille.

Les eaux déchaînées et l'obscurité n'aidaient en rien les recherches, et plus les secondes passaient, plus le trio perdait espoir. Les passants, encore regroupés sur le bord du pont, regardaient avec anxiété le rayon lumineux de la lampe faire des allers et retours entre les vagues.

Des débris de bois, charriés par les eaux, rendaient encore plus difficile l'identification d'un être humain dans tout cela ; si tant est que la jeune fille refaisait surface.

Cherchant frénétiquement des yeux le fleuve, Shinsuke aperçut dans le halo de la lampe du policier quelque chose briller très brièvement ; comme si quelque chose de métallique avait reflété la lumière sous un angle précis.

Avec un geste brusque, il s'approcha du policier plus jeune, qui avait aussi sorti sa lampe torche, et lui tordit la main pour le forcer à diriger sa lumière vers la zone où il avait vu quelque chose briller.

« Hé ! » Protesta le policier. « Qu'est-ce que- »

« Là ! Vous ne voyez pas quelque chose ?! » Demanda urgemment Shinsuke.

Quelque chose brillait par intermittences dans les eaux noires, comme si quelque chose émergeait avant de replonger. Puis, soudainement, une main pâle comme la mort apparut à la surface de l'eau.

« LÀ ! » S'écria Shinsuke.

Le jeune policier prit sa radio, et contacta la brigade fluviale qui s'était mise en route depuis le ponton le plus proche.

« Nous avons repéré la victime ! Elle est en train d'être emportée par le courant sur la rive Est du fleuve ! » Rapporta-t-il.

« Bien reçu, nous seront sur place d'ici six minutes, » répondit dans la radio un homme.

« Six minutes ?! » S'exclama Shinsuke. « Ils risquent d'arriver trop tard ! »

« O… Oui… Mais on est pas équipés pour ça... » S'excusa le jeune policier.

Jurant intérieurement, Shinsuke prit une décision : il ne pouvait pas laisser une jeune fille se noyer aussi facilement.

Retirant à la hâte ses chaussures, il se lança à l'eau dans un grand bruit d'éclaboussures, ce qui attira l'attention du second policier qui ne regardait pas dans leur direction depuis quelques secondes.

« Qu'est-ce qui s'est passé ?! » S'écria-t-il.

« Ce type… Il a sauté à l'eau... » Dit le jeune policier.

« Il a fait QUOI ?! » Paniqua son collègue plus âgé.

Shinsuke les entendit crier pour lui dire de revenir vers la berge, mais il continua de nager avec difficulté. Leurs voix se perdirent dans le grondement de la pluie et de l'orage, et le flot bruyant du fleuve.

Il regretta un peu sa décision de sauter à l'eau quand le froid commença à le pétrifier, et que l'obscurité l'empêcha de discerner quoi que ce soit devant lui.

Cependant, les policiers avaient dû réfléchir à sa situation, car rapidement, Shinsuke se retrouva éclairé par les deux lampes torches que les agents avaient avec eux. Il n'avait plus à se soucier du manque de visibilité à proximité immédiate, et reprenant son souffle, il redoubla d'efforts pour nager vers le pont et la berge opposée.

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