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"Visualise ton âme !"

La voix masculine dans sa tête avait parlé de beaucoup de choses et c'était pour Sulk un monde nouveau qui s'ouvrait.

C'était la première fois qu'il entendait parler de l'ouverture de son âme. Comment pouvait-il faire ? Il fallait qu'il visualise l'intérieur de son âme. Mais pour visualiser quelque chose autant fallait-il d'abord savoir ce que c'était.

Avec ses piètres connaissances Sulk savait tout au plus que l'âme était ce qui faisait la vie des êtres vivants. Sans son âme il n'était qu'un tas de chair et d'os. L'âme lui donnait conscience, et l'animait constamment. C'était grâce à elle qu'il était mû par autre chose que des besoin vitaux comme la nourriture et le sommeil.

Seulement pour un esclave de fond de mine il n'y avait pas grand chose d'autre. Cela allait se révéler compliqué.

L'homme avait aussi parlé de la Vision. Sulk en aurait déjà eu l'expérience... Parlait-il de l'épisode qu'il avait eu la veille où il avait été surpris du changement dans son entourage ? En y repensant Sulk se dit que ce qui s'était passé était seulement qu'il avait vu avec une grande précision les choses autour de lui.

Il avait vu comme agrandi à travers une loupe sa main, ainsi que son torse. Il avait vu les vaisseaux sanguins circulant en profondeur de son corps. En profondeur.

"Peut être est-ce ça la clé pour visualiser son âme. Observer avec la Vision l'intérieur de moi même ?"

Sulk était en train de travailler dans la mine, à répéter inlassablement la même routine. Se pencher, prendre des morceaux de roche issus des coups de pioche de ses aînés, les passer par dessus son épaule dans le sac en toile. Puis se redresser, quitter la galerie, naviguer le dédale de couloirs et tunnels pour remonter au premier niveau. Vider son sac sur la grande plateforme en bois, respirer la poussière blanche qui s'immisçait dans tous les trous de son visage. Redescendre à la même galerie par les échelles, et recommencer.

C'était une routine dure à endurer pour le corps, mais qui était maintenant rentrée dans sa mémoire musculaire. Il n'avait même plus à y penser pour effectuer tous ces gestes familiers. Aussi pouvait-il laisser son esprit divaguer au possible.

Sulk se mit à essayer de regarder dans son esprit, au fond de sa tête, dans son corps, mais il ne voyait que la poussière sur son corps, ainsi que sa peau là où la sueur et l'humidité alentour avait creusé des rigoles dans la couche de poussière. Il n'eut pas d'autres épisodes de la Vision.

Sulk s'exerça continuellement pendant plusieurs heures, les yeux fermés sous des paupières serrées. Il n'obtint comme seul résultat qu'un mal de crâne cinglant.

L'homme avait également parlé de magie. Sulk n'avait jamais entendu que les quelques légendes que Arch avait raconté sur la magie. Le vieil homme lui avait parlé des dieux et de leur usage de la magie pour façonner le monde et la vie. Il ignorait si ces histoires étaient vraies ou bien si elle venait de on-dit des gens pour expliquer les phénomènes qu'ils voyaient.

C'étaient les suspicions de Arch qu'il avait également acquises en même temps que les histoires. Cependant Sulk avait bel et bien trouvé une pierre violette, une rune, qui s'était comme dissoute à son contact et qui avait fait apparaître la conscience d'un inconnu dans son propre crâne, comme par..

Eh bien comme par magie, pensa Sulk.

Cependant même dans ses plus vieux souvenirs il n'avait jamais entendu parler de la Voie. La magie qu'avait soi-disant employé l'inconnu pour créer la rune venait de la Voie. Il ignorait tout de la Voie, mais cela le rendait infiniment curieux. Il devrait demander plus de renseignements à l'homme. S'il recouvre la mémoire.

Une magie qui permettait à quelqu'un de transcender les années à l'intérieur d'une roche et de rentrer dans l'esprit d'un hôte, c'était assez pour chambouler la vie de Sulk à tout jamais.

Ainsi se déroulèrent les jours suivant pour Sulk pendant la moitié d'un mois. Il travaillait le jour et se posait des questions, puis dès le sommeil trouvé il était réveillé par la voix râpeuse. Ils échangeaient en silence des questions pour le jeune homme, et des réponses mêlées d'exaspération pour l'inconnu.

Toutes ces conversation ne duraient pas plus d'une heure, alors que tout le monde autour dans la salle voûtée en pierre dormait. Les seules lumières provenaient de cristaux jetant des ombres fantasmagoriques qui autrefois avaient effrayé le garçon lorsqu'il se réveillait en pleine nuit.

Si Sulk avait gardé les yeux ouverts pendant ces sessions de discussion, on aurait pu observer une pointe de violet foncé dans ses iris.

Sulk n'avait pas obtenu beaucoup de résultats pendant ces jours d'entrainement. Beaucoup de ses questions restaient sans réponses. L'homme dans sa tête repoussait constamment le blâme sur Sulk pour cela.

"Si tu deviens plus fort, tu saura. Avant ça ne sert à rien de me redemander, tu sauras quand je saurai, mais pour ça il faut que tu devienne plus fort."

L'homme avait une nuit donné une information qui lui avait paru utile.

"Visualiser son âme, c'est un peu comme accéder à un souvenir, c'est pour cela que ma mémoire est bloquée."

Sulk avait passé la journée d'après à réfléchir en profondeur sur la mémoire et les souvenirs. Quand il posait ses yeux sur un objet qui lui disait quelque chose, il devait se concentrer profondément pour retrouver le contexte dans lequel il l'avait rencontré.

Dans sa concentration, Sulk imaginait son esprit prendre alors la forme d'une étagère. Sulk s'était inspiré des nombreuses étagères qu'il croisait quotidiennement.

Mais cette étagère mentale était différente des celles qui tapissaient les murs des galeries proches du gouffre central de la mine. Celles ci n'étaient pas couvertes de souvenirs mais d'outils de mineurs.

Son étagère mentale lui faisait plutôt penser à celle sur le mur à gauche du foyer de la salle basse. Elle était recouverte de bols entassés.

Après chaque repas, les bols étaient frottés par les rishya, les femmes chargées des repas, puis étaient déposés par piles.

Alors qu'il pensait à cette étagère, Sulk essaya d'organiser son esprit de la même manière. Chaque pile de bols représentait un creux, un contenant pour un souvenir.

Mais s'il cherchait un souvenir enfoui plus profondément il devait alors soulever les bols de terre pour découvrir ceux qui étaient en dessous dans les piles.

Son premier pas vers la visualisation de son âme avaient été fait.

S'il pouvait imaginer ses souvenirs comme des bols rangés plus ou moins en profondeur, il pouvait faire de même avec son esprit. Il s'imagina un grand espace vide occupé d'un côté par des étagères. Il n'avait aucun moyen de le savoir, mais lorsqu'il vit l'espace mental qu'il venait de créer il sût que c'était son esprit. Et au cœur de son esprit il y avait.. Deux volutes de fumée ?

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