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Chapitre 2 - Rocaille

Un petit singe, un macaque pour être précis, s'avançait en titubant de son réveil abrupt, il avait chuté pendant qu'il dormait. Et devant ses deux petits yeux marrons, se trouvait un homme et une botte qui dérivaient dans le va-et-vient de la mer sur la plage. Curieux, il s'était approché et donnait de petites tapes à l'homme.

- Heuuuuuh...

Alors qu'il ouvrit les yeux, Barjow fut surpris par le petit singe qui l'observait, il rassemblait ses souvenirs difficilement. Puis il posa le regard sur son torse, nulle trace de blessure ne laissait paraître. Avait-il déliré sur son bateau et venait-il de se réveiller ?

Toutefois, alors qu'il se relevait pour récupérer sa botte manquante, il se souvint de la plage et de ses palmiers et roches qu'il avait mémorisées la veille. Il avait bel et bien vécu ce cauchemar où il mourrait dans une vieille salle aux statues chantantes.Il se mit en quête de retrouver l'escalier derrière les quatre roches, se souvenant du lieu, il s'y rendit en ligne droite, le visage froncé par l'incompréhension mêlé à un besoin de réponse. Derrière les quatre roches ne se trouvait rien, pas l'ombre d'un escalier descendant sous l'île, toutefois il s'y trouvait encore des morceaux de son bandana déchiré. Dans son incrédulité, il pestait contre l'alcool, l'infortune des pirates et le manque d'or et d'argent clinquant. Les paroles qu'il avait entendues avant de sombrer lui revinrent et son corps vibra de nouveau, peut-être de crainte ou d'excitation, il ne saurait dire. 

Une fois que Barjow eut terminé de cartographier l'île avec quelques feuilles et une plume usée, il fourra ses notes dans son carquois de parchemins qui se trouvait sur son bateau et mit les voiles loin de cette île qu'il avait surnommée "Barjow Trépas".

- Bon sang, mais que s'est-il passé sur cette île ? Lança Barjow avec colère à l'océan.

En vérifiant ses vivres dans la petite soute de l'embarcation, seul lui restait quelques pêches et de la viande séchée ; toutefois, il n'avait curieusement pas faim, bien que cela faisait près de deux jours qu'il n'avait rien avalé. Tout comme il sentait son cœur battre très lentement, sous sa poitrine, sans changer de rythme. 

Après deux nautiques vers l'ouest, il était en train de graisser son arme à feu et d'enlever la rouille accumulée par l'usure. C'est lorsqu'il sortit les munitions de sa quatrième poche de sa veste de cuir marron que ses doigts touchèrent du métal. Dubitatif, il aggripa le morceau pour avoir bientôt sous les yeux une pièce, celle qu'il avait découverte la veille, inchangée ou du moins le pensait-il jusqu'à ce qu'il voie son nom gravé en rouge doré sur le dos avec un chiffre romain : "Barjow I".

- C'est sorcellerie ! Et il jeta la pièce par-dessus bord, dans un élan de colère et de peur. Davantage contre soi-même pour avoir été assez stupide pour rentrer dans un sanctuaire sans doute maudit.

La pièce cependant, alors qu'elle coulait, à quelques mètres de son bateau, flotta en dehors des flots pour revenir à vive allure dans la main de Barjow. 

- Mais qu'est-ce que ?

Et il la jeta de nouveau, encore plus loin et de toutes ses forces. Sans succès pour lui car une fois encore, elle se posa dans sa paume.

- J'ai une pièce magique qui me suit partout maintenant, la poisse.

Par résignation, il aggripa une bouteille de rhum entamée, et but au goulot goulûment, jaloné par des rôts qui pourraient allumer un feu de cheminée en un instant, si une flamme lui passait devant le gueulard.

Il vérifia sa boussole, pour constater qu'il suivait le bon cap, pour se rendre à l'île exotique surnommée par les pirates "Le cigare rouge", célèbre pour son gouverneur fumeur qui faisait tout autant de piraterie que ses citoyens, sinon qu'il tirait les fils plutôt que d'être l'acteur principal.

Il avait une montre à gousset qu'il remontait quand il ne l'oubliait pas, et qui lui avait autrefois servi à s'orienter en mer alors qu'il n'avait pas encore de boussole. Certes, c'est très approximatif pour trouver le sud, mais ça remplit sa fonction quand elle est à l'heure. Elle indiquait ce matin 10h55, et d'après ses cartes nautiques, il arriverait, avec une vitesse de 5 noeuds, dans 10 heures. C'est l'heure de la pêche ! Il tira plusieurs morceaux de bambous qui s'emboîtaient avec une ligne de pêche grossière et sortit quelques asticots d'un bocal de verre comme apâts.

L'heure tourna et le soleil atteint son zénith au moment où il attrapa un thon rouge, qui avait failli lui casser sa ligne tant il s'était débattu contre sa canne à pêche. À ce moment-là, quand il sortit le poisson de l'eau, son regard avait rencontré une île au loin, qui ne figurait pas sur ses cartes. Il sortit ses plans pour vérifier qu'il n'avait pas dévié de son cap, et bientôt, il se rendit compte qu'il ne savait absolument pas où il se trouvait. Pourtant Barjow avait navigué plus d'une fois sur cette mer des îles exotiques et il la connaissait bien, et à moins que le nord soit devenu le sud, et que tribord soit maintenant babord, il ne comprenait pas.

- C'est un festival, je m'évade de prison et voilà que la mer change de forme du jour au lendemain. Dis Barjow à moitié dans sa barbe, tout en étudiant sa prochaine décision.

Toutefois, après avoir fini le fond de sa bouteille de rhum et entamé une seconde, il se mit à chanter à l'océan son amour pour la richesse et de l'honnête piraterie, clamant par moment à qui veut l'entendre qu'une pièce magique le suivait, son chant ressemblait à cela entendu par une mouette qui Volais par là : 

" Rhum, ô doux rhum, dans mes veines tu coules, la fortune s'efface, comme un navire qui roule, brahhhh hé ho, yé ho" Sa bouteille tombait dans la mer "ohé les gars, j'ai perdu ma bouteille, elle est tombée dans l'mer, comme une vieille corneille, mais j'm'en fiche bien, j'en ai de rechange, y'a du rhum plein les poches et de l'ivresse qui m'flanque".

Puis la mouette repris sa route, si elle riait, Barjow ne l'entendit pas, et si elle s'en foutait, ben ! Ça non plus, il ne l'entendit pas.

À un nautique vers l'ouest de là, sur l'île du cigare rouge, Cpt. Mortimer sortit à la hâte par la porte de sa grange, avec un couteau en main. Il avait entendu des cris de détresse et espérait que sa grange resterait intacte. Dans l'allée où il se trouvait, les marchands se faisaient détrousser un à un par un équipage inconnu du capitaine, les forbands arboraient des foulards noirs tachetés de vert ainsi que des sabres noirs avec une ficelle verte accrochée à la poignée. La douleur de sa bosse sur son crâne légèrement désué se fit ressentir, et il se souvint alors qu'il avait 60 ans et qu'il n'était plus autant courageux que dans ses jeunes années. Toutefois, il avait mûri son âge vers la science. Discrètement, le capitaine Mortimer se rendit dans sa grange pour y saisir un prototype de grenade à main, et se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur l'allée. 

Il cria : " Attention ! Expérience du capitaine Mortimer numéro 498 !"

Par pur réflexe de survie, les habitants de l'île se mirent à courir vers l'opposé de sa grange. Ils avaient appris à craindre ses expériences aussi vite qu'ils avaient compris que le feu brûlait.

Il lança sa grenade, dont il avait allumé la mèche, vers les forbands qui n'avaient pas saisi cet accès de terreur des marchands. 

La mèche arriva à son terme et rien ne se passait. Un pirate au foulard noir tacheté saisissa la grenade et se mit à rire.

- Alors vieil homme, on se prend pour un justicier aujourd'hui ? On cherche à sauver ses petits potes de l'équipage tacheté ? Mais dis-moi, regardez les gars. Il se tourna vers ses compagnons qui habillaient tous un sourire narquois à ses paroles au vieil homme. On dirait qu'il y a des trésors dans cette grange, et si on y jetait un coup d'œil ?

Cpt. Mortimer prit note dans son esprit : expérience 498 , échec. Il ne craignait pas quelques pirates, aussi endurcis soient-ils, il ne roulait pas sur l'or et rien ne les intéresserait dans sa grange. À cet instant de suspension, où les 5 foulards noirs changèrent de direction pour aller vers la grange, le chef adjoint qui avait donné les ordres à ses pirates lâcha la grenade au sol, la jugeant inoffensive. En moins d'une seconde, un trou béant de 5 mètres sur 5 est apparu après une détonation qui fit sauter au plafond les autres membres de l'équipage pirate ailleurs dans la ville. Quant aux habitants, pour la plupart, ils se dirent : "Mortimer a encore foiré une expérience".

- Expérience 498, réussite ! Ajuster la concentration de poudre en revanche, et la mèche.

La peinture murale bleue de la grange du capitaine, ainsi que quelques étals non loin, furent recolorés d'une teinte rouge sombre, et une odeur de chair carbonisée vint emplire les narines du capitaine. 

- Ce soir, poulet à la broche. Déclara-t-il à haute voix.

 Et il cria de nouveau à sa fenêtre : 

Fin de l'expérience !

Et quelques estomacs noués dans les alentours de l'allée de sa grange, se détendirent.

À quelques pas de là, un pianiste jouait dans sa maisonnette un air nouveau, et il cherchait de l'inspiration sans faire attention aux sons apeurés et aux cris dehors, comme d'habitude, et alors qu'il finissait sa composition en expérimentant, un gros boum vint ponctuer son second extrait, qui Sonnait très bien dans sa nouvelle œuvre, alors il l'ajouta. La question était, comment reproduire le même son ?

Barjow était maintenant ivre, du moins cette fois, il le pensa, et il ne savait pas où son embarcation dérivait jusqu'à ce qu'il reconnaisse l'île du cigare rouge au loin.

- Enfin un cap, je me disais, je tomberai bien sur une île à un moment, tu penses pas ? Je te ressert un verre ?

Il parlait à un perroquet rouge et tacheté avec des couleurs grisâtres et harmonieuses, il s'était posé sur le haut de sa voile sur l'île précédente, et c'est que maintenant que Barjow l'avait remarqué.

Il l'avait fait descendre en lui donnant des fruits et testait maintenant son poisson préféré en pêchant au hasard ce qui passait. Il lui avait déjà trouvé un nom, il avait dit au perroquet :

- Moi c'est Barjow, mais tu peux m'appeler 'Jow', ça sera plus facile pour toi et je vais t'appeler "Rocaille'" parce que t'as un cri rocailleux quand t'aimes pas le poisson et ça fait un peu roche, ça rappelle tes tâches grises.

Il le portait sur un bras et il caressait son plumage sous le bec

- Droit d'avant, île droit d'van ! Se mit à scander le perroquet rouge

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