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Jamais ne se ternit le véritable éclat

Akira rouvrit les yeux. La seconde suivante, il crachait ses poumons. Quelqu'un se précipita à ses côtés.

« Ça alors, vous étiez donc en vie ? » 

A nouveau, Akira eut l'impression qu'un feu liquide se répandait dans ses veines. Une douleur aigüe le transperçait de part en part ; les sons lui parvenaient déformés, sa vue était trouble. Un curieux personnage emmitoufflé dans un manteau de fourrure se penchait au-dessus de lui.

« Ne bougez pas, je vous apporte de quoi vous requinquer. » 

Peu à peu, Akira reprit ses esprits. Il se trouvait dans les ruines d'une église délabrée, où l'herbe et les plantes grimpantes avaient depuis longtemps pris possession des lieux. L'homme en manteau s'affairait auprès d'un feu de camp ; sa monture, un vieil âne, broutait paisiblement, des baluchons pendant sur ses flancs. Un instrument de musique, une sorte de flute, reposait contre le muret.

Le samouraï se regarda les mains. Puis les souvenirs du combat contre le chevalier lui revinrent. Il avait… Il était pourtant… 

« Tenez. » 

L'étrange personnage lui tendit une tasse fumante. Akira le dévisagea. Il était coiffé d'un bonnet également rouge, terminé d'un pompon de laine. Une écharpe lui couvrait le bas du visage. 

« Ne me regardez pas comme ça, buvez donc. » 

Il n'avait pas l'air hostile, alors Akira accepta de bon gré. La boisson était forte et très amère. Secoué par une quinte de toux, il reposa la tasse, mais aussitôt une douce chaleur se répandit en lui.

« Rapprochez-vous donc du feu. » 

Akira le suivit tant bien que mal et s'installa près des buches flamboyantes. L'homme lui tendit une couverture quand il se mit à frissonner.

« Thanadal vous croyait mort », dit-il en cherchant du matériel dans un des sacs de l'âne. « Il était parti chercher de quoi vous enterrer dignement. » 

Il s'appelait donc Thanadal, songea le samouraï en se rendant compte qu'il ne lui avait même pas demandé son nom. 

« Il s'en est donc tiré, murmura-t-il pour lui-même. 

— Il était mal en point quand il est arrivé en vous portant sur son dos. Mais il souhaitait vous offrir une sépulture digne de ce nom. » 

Akira trempa à nouveau ses lèvres dans le liquide brûlant. Ses sens s'affinèrent. 

« Vous êtes un Sans-éclat », reprit l'homme. « Pourtant, je n'ai guère vu des yeux dorés comme les vôtres chez l'un de vous depuis longtemps. » 

Le samouraï fronça des sourcils.

« Si mes yeux étaient dorés, je serais le premier à le savoir », maugréa Akira.

L'homme sortit alors un morceau de verre du baluchon et lui tendit, l'air amusé.

« Voyez donc par vous-même. » 

Akira, pour la première fois depuis des lustres, contempla son reflet. 

Son visage n'avait pas changé d'un pouce. Il était identique à celui qu'il arborait avant de mourir dans sa terre natale. Aucune trace de ride, sa peau était neuve, sans tâche. Ses cheveux conservait leur teinte noire d'encre, même s'ils avaient poussé plus que de raison et cascadait sur ses épaules. L'unique différence était la lueur dorée qui brillait maintenant dans ses yeux.

« Sans doute est-ce l'effet de la grâce qui vous guide », dit l'homme en se réinstallant à ses côtés. « Elle animait autrefois vos semblables et les guidait sur la voie qui est la vôtre. » 

Akira resta silencieux pendant un moment, à siroter son breuvage. Il se sentait de mieux en mieux. 

« Pourquoi m'aides-tu ? lâcha le samouraï. J'ai cru comprendre que les Sans-éclats n'étaient les bienvenus nul part en Entre-Terre. Et qui es-tu ? 

— Votre langue se délit donc enfin », s'amusa l'homme en touillant dans la marmite sur le feu. « Je me nomme Kalé. Je suis pourvoyeur de marchandises précieuses. 

— De marchandises précieuses ? 

— C'est cela. Je suis issu d'un peuple de nomades. Je vends mes marchandises au cours de mes pérégrinations. » 

Kalé décrocha une besace du flanc de l'âne, et en sortit toutes sortes de babioles : des sacoches, des manuels anciens en cuir relié, des kunaïs, des aiguilles empoisonnées. 

« Mais depuis que le Cercle d'Elden a été brisé, cette contrée est affligée par la folie. A part les Sans-éclats comme vous-mêmes, pas grand monde ne vient dépenser ses runes chez moi. Disons que… vous êtes un client très apprécié. » 

Des bruits de pas retentirent à l'extérieur. 

Thanadal pénétra dans l'église en ruine, les bras chargés de fleurs, et se figea net. Un instant plus tard, le bretteur balançait le bouquet qu'il venait de ramasser et le pointait du doigt. 

« Toi ! Tu étais mort ! », lança l'épéiste, d'un ton presque accusateur, en s'approchant de lui. « La Sentinelle t'as tué, tu es tombé juste sous mes yeux ! Comment… » 

Thanadal s'interrompit. En le regardant dans les yeux, il comprit. 

« La grâce t'a accordé une seconde chance. 

— Visiblement », soupira Akira, en se retenant de dire qu'il en était en fait à sa troisième. « As-tu pu la vaincre ? 

— Non », grinça le bretteur entre ses dents. « Je me suis enfuis. Et si je suis encore en vie, c'est uniquement parce que sans son destrier, elle était trop lente pour me rattraper. Contrairement à toi, je n'en ai qu'une, de vie. Et j'y tiens. » 

Thanadal lui tourna le dos pour s'affairer auprès de l'enclume. Il dégaina son épée et l'aiguisa avec des pierres orangées, avant de frapper avec son marteau d'un air rageur. Akira échangea un regard avec Kalé, qui se pencha vers lui. 

« Comprenez bien la chance que vous avez, que la grâce vous ait rappelé une seconde fois », murmura-t-il de sa voix chuintante. « De nos jours, la plupart des Sans-éclats l'ont perdue et meurent pour de bon. Ça ne m'étonnerait guère que vous soyez le dernier à la posséder… » 

Thanadal reposa son marteau. Il lâcha un bruyant soupir. 

« C'est quoi ton nom, le bleu ?

— Akira.

— Au nord d'ici, à Valorage, se trouve la cabane de Bernahl. C'est un ami de longue date. Rejoins-moi là-bas, quand tu seras en état de reprendre la route. 

— Et pourquoi devrais-je t'y rejoindre ? répliqua le samouraï.

— Bernahl est un maître de guerre. Un champion. Un seigneur. Il saura t'enseigner des tours qui te seront utiles, comme il l'a fait avec moi. Tu m'as sauvé la vie après tout, je te dois bien ça. »

Sur ces mots, Thanadal rengaina son épée et se dirigea d'un pas vif vers l'extérieur.

« Au fait, méfie toi des soldats de Godrick », ajouta l'épéiste en lui jetant un regard en coin. « Ils pullulent dans la région, encore plus à Valorage. Ils nous capturent pour leurs greffes, donc prends garde. Je doute que la grâce te rappelle à nouveau si ton corps est complètement déchiqueté. A la revoyure. » 

Et il disparut. Le bruit de ses pas retentit à l'extérieur quelques secondes, avant de s'étouffer lui aussi. 

Akira soupira, et but une ultime gorgée de son thé. La couverture glissa de ses épaules ; de toute manière, il n'avait plus froid. 

« Vous devriez aller le rejoindre », fit le marchand à côté de lui, en versant un potage dans un bol. « Je connais Thanadal depuis un moment maintenant. C'est quelqu'un de fier, mais il sait comment rembourser ses dettes. Et il en a une grosse envers vous. 

— Que sais-tu au sujet de ce Bernahl ? 

— Je ne l'ai croisé que quelques fois dans mon échoppe, mais je peux vous dire que c'est un homme d'honneur, pétri de l'esprit chevaleresque. Il saura vous aider, assurément. » 

Akira réfléchissait. Il avait toujours en tête l'image des crucifiés, torturés pour l'éternité au sommet de leurs croix, gardés par la Sentinelle. S'il souhaitait les libérer, il devait devenir plus fort. 

Le samouraï accepta le bol de légumes que lui tendit Kalé, et il se rendit compte qu'il était mort de faim. Après avoir vidé plusieurs fois sa coupe, il se résolut à aller de l'avant, à se préparer pour survivre dans ces terres hostiles. 

« Que vends-tu qui pourrait m'être utile ? » 

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