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CHAPITRE 15 MUTANTS.

À l'extérieur des mines, les cinq colocataires délibéraient assis en rond près de l'entrée des mines sur la meilleure façon de procéder. Aller trouver les loups garous était risqué, même pour des combattants aguerris, ce qu'ils n'étaient pas encore leur cas. De plus, il y avait plusieurs campements référencés et ils ne savaient pas lequel choisir, d'autant que, leur carte n'était peut-être pas à jour…Eowyn se tapa le front tout à coup.

— Je sais ! dit-elle en sautant sur ses pieds. Je vais utiliser un sortilège de localisation.

— Mais tu as déjà essayé quand on a trouvé les médaillons et le pendule n'a jamais réussi à se fixer, fit Jonathan.

— Parce que j'ai utilisé le médaillon pour retrouver Maître Guillaume ! Mais que se passerait-il si j'utilisais le sabre pour retrouver celui qui le convoite ?

— C'est… commença Mark… brillant !

— Ça a l'air de te surprendre, répliqua Eowyn avec une moue boudeuse.

— Mais non ! C'est juste que nous étions tellement concentrés sur Maître Guillaume, que l'on a oublié qu'il avait forcément été enlevé par des gens…

Mark traça un cercle dans le sol autour d'eux. Yohan déplia la carte sur un plaid amené par le groupe. Katherine disposa cinq bougies qui encerclaient désormais la carte et Eowyn les alluma faisant pendre un pendule d'une main, tenant le sabre de l'autre. Elle murmura alors :

« J'en appelle aux esprits de la forêt.

Venez près de nous, venez nous aider.

Nous recherchons qui convoite cet objet.

Montrez-nous le chemin pour le trouver. »

Aussitôt, le pendule s'agita et fut attiré comme un aimant sur un point de la carte : un campement de loups garous.

— Bingo ! s'exclama Mark. Bien joué Eowyn. Mettons-nous en route, il est tout proche.

Moins d'une heure plus tard, ils virent les fumées qui s'élevaient du feu de camp, qu'ils recherchaient. Tout à coup, Yohan pria vivement ses camarades de s'arrêter. Il les avertit que le sens du vent avait changé, il vaudrait mieux contourner le camp afin d'avancer contre celui-ci et non dans son sens. L'odorat des loups garous était très développé, même sous leur forme humaine.

— En parlant de ça, nous ferions probablement mieux de ne pas traîner, le coucher du soleil approche et à Valinor, pas besoin de pleine lune pour qu'ils se transforment.

Les autres acquiescèrent et ils finirent par se cacher dans un buisson proche du campement. Une demi-douzaine d'hommes et de femmes bavardaient autour du feu, certains se réchauffaient les mains ou les pieds, d'autres séchaient leurs vêtements. Des tentes marron étaient dressées autour du foyer. La plus imposante, au centre du campement, était gardée par deux hommes à l'allure effrayante, tous deux balafrés et couverts de cicatrices sur les bras.

— C'est là qu'il doit être détenu, fit Eowyn sans bruit, bougeant seulement les lèvres et en désignant la grande tente.

Mark désigna Yohan, Katherine et Jonathan. Il leur mima un grand bruit, montra les loups garous, puis fit courir ses doigts sur sa main. Il toucha l'épaule d'Eowyn, plaça sa main sur son coeur et désigna la grande tente. Tous hochèrent la tête. Eowyn se rapprocha de lui et ils se tinrent prêt à agir. Un grand craquement retenti à plusieurs centaines de mètres de l'autre côté du camp. Les loups garous près du feu se précipitèrent en direction du bruit. Les gardes se regardèrent, mais ne bougèrent pas de leur place. Eowyn et Mark sortirent alors des buissons et se dirigèrent vers eux. Les gardes placèrent leur main à la garde de leur épée en voyant les intrus.

— Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? tonna l'un d'eux.

— Nous recherchons Maître Guillaume, dit calmement Mark. Est-il là ?

— Peut-être, peut-être pas, fit le garde en fronçant les sourcils. Qui le demande ?

— Son élève, répondit Eowyn avec brusquerie, et un ami.

— Vous n'êtes pas attendus. Repartez d'où vous venez.

— Nous ne repartirons pas sans lui ! rétorqua Eowyn, commençant à perdre patience.

— Alors vous devrez en découdre, répondit le second garde.

À ses mots il tira son épée et un duel commença entre les loups garous et les sorciers. Les épées cliquetaient, le bruit métallique des armes n'étaient interrompus que par les râles des combattants. Personne ne retenait ses coups et ceux-ci pleuvaient. A peine l'un d'entre eux tombait qu'il se relevait prestement, aussi, aucun des deux camps n'arrivait à prendre l'avantage. Des conversations animées se rapprochaient du camp… La diversion était terminée. Les deux sorciers étaient en bien mauvaise posture.

***

Dans la salle souterraine lugubre, Adrien s'ennuyait ferme. Près d'une heure s'était écoulée d'après ses calculs… Maintenant qu'il était arrivé à trois mille secondes, et que les nombres commençaient à se mélanger dans sa tête, il essayait de trouver une meilleure distraction. Adrien se concentra sur son tatouage magique et le fit apparaître. Le dessin du dragon était très similaire à l'image que le jeune homme gardait en tête du dragon qu'ils avaient délivré.

Quand il serait capable de se transformer en son animal totem, il espérait être aussi impressionnant. Il fixa les yeux du dragon de son tatouage, se concentrant sur la pupille en forme de fente du reptile. Il ferma ensuite les yeux, visualisa les iris rouge sang, puis les narines fumantes, les écailles luisantes, les dents acérées dans la gueule entrouverte et enfin le corps musculeux et puissant pourvu d'ailes recouvertes d'une peau soyeuse…

Il eut soudain très chaud, son corps se mit à trembler et sa main fut encore plus à l'étroit dans l'encoche de la pierre. Il eut l'impression que ses omoplates sortaient de son dos, une douleur lancinante prenait toute sa bouche. Il commença à voir trouble et il lui sembla que le plafond se rapprochait. Un coup d'oeil vers sa main lui apprit que c'était lui qui se rapprochait du plafond. Il voulut crier, mais il ne put pousser qu'un grognement plaintif, crachant un nuage incandescent par la même occasion. Le socle explosa et Adrien se retrouva libre de bouger sa main… enfin… sa patte. Il s'était transformé en dragon.

Tout heureux d'être libre, il tenta de se diriger vers la sortie et comprit qu'il était toujours piégé, ne voyant pas la porte à travers la vision défaillante de ses yeux. Une colère sans nom le submergea alors. Il se projeta avec rage contre les restes du socle, piétinant la roche, comme s'il s'agissait d'un château de sable. Il ne s'arrêta qu'après avoir réduit en poussière chaque morceau de roche. Sa vision trouble lui permettait à peine de voir les murs à quelques mètres de lui. Il cherchait en vain l'escalier, mais le filtre rouge de ses yeux se confondait avec la couleur des murs et il commença à paniquer. Au moment où il ouvrit la gueule pour appeler à l'aide, il sentit l'air frais la toucher. Il goûta l'arôme savoureux de la liberté, cherchant où la saveur était la plus forte et se dirigea vers elle. Mais l'ouverture de l'escalier était trop étroite pour son grand corps et il grogna de dépit. Il fallait qu'il redevienne Adrien pour sortir de là…

Il repensa alors à son corps tel qu'il l'avait en souvenir, se focalisant sur les détails de son visage, mais rien ne se passa. La panique l'envahit et ses pensées s'embrouillèrent. Il se dit alors que même s'ils réussissaient, les autres, trouvant un dragon à sa place, s'enfuiraient en courant, s'ils ne le tuaient pas sur place. Des regrets l'envahirent quand il réalisa le pétrin dans lequel il s'était fourré en expérimentant seul la magie.

Eowyn l'avait pourtant mis en garde. Il pensa alors à elle, à la beauté de ses traits lorsqu'il l'avait regardé dormir, à son sourire paisible tandis qu'un souffle régulier s'échappait de sa poitrine. Il imagina la texture soyeuse de ses cheveux sous ses doigts et la douceur de sa peau froide dans sa main. Il revit ses yeux brillants d'excitation lorsqu'elle l'avait emmené à Valinor pour la première fois et l'odeur délicate de son parfum lorsqu'elle s'était penchée au-dessus de lui.

Alors, il sentit ses omoplates entrer sous sa peau avec des craquements sinistres et sa vue retrouva tout sa netteté, tandis que le sol se rapprochait dangereusement. Il toussa, gêné tout à coup par la poussière qu'il avait remuée. Il était redevenu lui-même. Mais comment ? Il avait pensé à Eowyn… et à toutes les sensations qu'elle lui avait procuré. C'est ça ! Il devait se concentrer sur ses cinq sens en tant qu'humain pour se retransformer.

Adrien se sentit euphorique. Il avait commis une erreur, s'était trouvé dans une situation délicate, mais il avait su trouver la solution tout seul. En plus, maintenant il n'était plus sans défense, car même s'il ne devait probablement pas égaler la taille du dragon de la salle supérieure, il était sûr que les loups garous n'en mèneraient pas large face à lui. Il remonta quatre à quatre les marches de l'escalier, veillant à ne pas se blesser plus encore qu'à l'aller et retourna sur ses pas. Il retrouva son chemin sans difficulté et atteint bientôt l'air libre.

Là, il se transforma en dragon, avec une facilité déconcertante et pris son vol. Comment retrouver les autres maintenant ? Il pressentait qu'ils avaient besoin de lui. Encore fallait-il les trouver ! Il décida de faire confiance à son instinct. Il se reposa au sol et huma l'air avec sa langue fourchue. Il accrocha tout de suite le fumet frais et floral d'Eowyn ainsi que d'autres odeurs. L'une d'elle était très fortement boisée avec un arrière-goût de chien mouillé.

— Yohan, devina Adrien.

Une autre odeur, musquée et épicée, cette fois-ci, était, par endroit, mélangée à celle d'Eowyn. Un petit nuage de fumée incandescente sortit des naseaux d'Adrien en comprenant que c'était celle de Mark. Un fumet frais et salin arriva alors sur sa langue.

— Jonathan, pensa Adrien.

La dernière odeur, fruité et sucrée satura alors ses papilles. Il pouvait presque voir Katherine s'agiter dans l'espace devant lui. Quelque-soit leur décision, ils avaient passé du temps ici. Puis ils s'étaient tous dirigés vers l'ouest. Adrien décida de suivre cette piste. Malheureusement, il était trop volumineux pour le chemin forestier et il dut reprendre son envol. Quelques minutes plus tard, il sentit la fumée d'un feu de camp et il entendit, plus qu'il ne vit, une bagarre. Les pensées d'Eowyn arrivèrent alors à lui comme des feux de détresse. Elle avait peur, ils étaient en sous-effectif.

Adrien se concentra alors, essayant de repérer Eowyn parmi les ombres floues, Peine perdue. Il lui cria alors dans sa tête de lever les yeux et de l'appeler une fois qu'elle le verrait.

— Adrien ?! s'écria alors une voix familière.

Il orienta alors sa trajectoire en direction de son amie et se posa au sol en écrasant une tente au passage. Des cris de terreur accompagnèrent son approche et son atterrissage.

— Par la barbe de Merlin! tonna une voix grave. Mais que se passe-t-il ?

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