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Chapitre 39 : Mi-Juillet 1567

Bien que Shizuko avait été nommée conseillère du clan Oda, il n'y eut aucune nouvelle de Nobunaga depuis près de deux mois.

Il n'y avait aucune nouvelle à propos des soldats ou de l'umamawari et aucun signe que quelqu'un ne les rassemblait.

C'était la façon de Nobunaga d'éviter de la déranger durant la période du travail à la ferme, mais l'absence de nouvelles rendait Shizuko légèrement nerveuse.

Shizuko avait eu le pressentiment que sa prochaine tâche serait de [produire du sel et des tableaux et d'écrire la méthode de fabrication].

Les matériaux nécessaires étaient relativement simples.

Pour le sel, elle avait besoin de rouleaux de bambou et de buches pour les suspendre.

Le tableau noir était fabriqué avec des planches, de l'encre et du kakishibu tandis que la craie ne nécessitait que de la colle et de la chaux.

Shizuko avait pensé à construire un four en pierre, mais elle avait vite fait face à un problème : les briques n'existaient pas à cette période du Japon.

Et bien que les briques pouvaient être fabriquées simplement en pétrissant les matériaux et en les laissant sécher sous le soleil, les fours en pierre étaient construits avec des briques réfractaires.

Pour fabriquer des briques qui retiennent bien la chaleur, il fallait commencer par construire un four grimpant multi-chambres car ils étaient le meilleur four pour fabriquer des briques réfractaires en masse avec leur capacité à maintenir une température maximale d'environ 1 300 °C.

Shizuko avait ouvert son carnet secret avec excitation pour examiner la structure du four dragon multi-chambres type Noborigama et avait été choquée par le contenu.

Les briques réfractaires figuraient sur la liste des matériaux nécessaires à la fabrication du four Noborigama. Shizuko était donc confrontée à l'étrange dilemme d'avoir besoin de briques réfractaires pour pouvoir fabriquer d'autres briques réfractaires.

Ce n'était qu'après une longue période d'angoisse qu'elle avait finalement réalisé qu'elle devait d'abord construire des fours qui seraient spécialisés dans la fabrication de briques réfractaires.

Heureusement, Shizuko avait beaucoup de temps libre, alors elle avait pu prendre son temps avec la construction du four.

Cependant, comme elle ne connaissait que le résultat final, issu des essais et des recherches de ses prédécesseurs, elle n'avait pas réussi du premier coup. Elle avait commis des erreurs à chaque étape et passé du temps à étudier la cause.

Tout d'abord, pour fabriquer l'argile, elle avait besoin d'une extrudeuse, et Shizuko l'avait fabriquée sans réalisé qu'elle commis une grave erreur.

Par conséquent, la charge sur l'extrudeuse avait été déséquilibrée et la structure de la machine avait immédiatement été déformée, la rendant inutilisable. Shizuko avait été contrainte de découvrir le défaut de l'extrudeuse endommagée.

Après avoir passé deux semaines à examiner le schéma et le degré des dégâts pour repérer l'anomalie, elle avait fini par réparer tous les petits problèmes qu'elle avait trouvés et complété l'extrudeuse n°2.

Cette fois-ci, il n'y avait pas eu de dégâts majeurs, mais il avait fallu faire plusieurs ajustements avant que l'appareil soit capable de fabriquer de l'argile.

Mais Shizuko n'était pas immédiatement devenue capable de fabriquer des briques réfractaires, elle avait fait face à d'autres problèmes.

Les briques devaient être refroidies lentement après leur cuisson, mais elle avait oublié cela et les avait refroidit brusquement. Naturellement, les briques n'avaient pas pu endurer le changement soudain de température et s'étaient contractées et fissurées.

Il y avait également eu des problèmes avec les fours destinés à la fabrication de briques résistantes à la chaleur. Il y avait une différence de température entre la face avant et la face arrière et la chaleur n'était pas transférée uniformément.

Pour contrer cela, une cheminée différente avait été construite.

La nouvelle cheminée faisait plus de 3 mètres de haut et la différence de pression atmosphérique provoquait un courant d'air qui expulsait la fumée tout en gardant et propageant la chaleur à l'intérieur.

Contrairement à la sagesse qu'elle avait acquise via la pratique répétée de l'agriculture, qui était sa spécialité, le projet de fabrication de briques réfractaires avait été une série d'échecs.

Mais plutôt que d'être déprimée, elle appréciait ces échecs. Même s'il s'agissait d'un processus monotone d'investigation, de réparation et de vérification de la-dite réparation à chaque fois qu'un nouveau problème apparaissait.

Après avoir passé environ un mois et demi dans la boue, elle avait enfin réussi à faire des briques réfractaires décentes.

Bien qu'elle n'avait réussi à cuire qu'environ 300 briques, ce qui était un faible chiffre, le son métallique produit lorsqu'elle les frappait avec un maillet était la preuve que son dur labeur avait payé.

Elle allait avoir besoin d'en faire des milliers, voire même des dizaines de milliers, mais maintenant qu'elle était capable d'en fabriquer, elle s'était dit qu'elle pouvait prendre son temps.

Mais elle avait oublié un détail important à propos des briques réfractaires : ces briques qu'elle avait préparées pour le four en pierre étaient également une ressource stratégique qui pouvaient servir à la construction de hauts fourneaux capables de faire fondre l'acier.

***

"Haaa~ c'est vraiment paisible…"

À part la lettre occasionnelle de Tadakatsu livrée par un cavalier rapide, le village de Shizuko était la définition même de la paix.

Le transfert des technologies s'était poursuivi sans problème. Et plus agréable encore, la construction d'une repiqueuse de riz manuelle capable de planter des semis par rangées de deux avait été complétée.

Bien que son entretien était quelque peu fastidieux, elle était très efficace et avait immensément réduit le temps nécessaire à la plantation du riz.

"Le coton pousse bien aussi… j'ai été surprise quand Honda-sama a apporté les graines en personne…"

Officiellement, c'était Nobunaga qui avait approché Ieyasu au sujet de la culture conjointe du coton, mais en réalité, c'était Tadakatsu.

Croyant que Tadakatsu avait une certaine motivation, Ieyasu avait accepté.

Cependant, comme cela impliquait de choisir une terre pour le projet, le terrain n'avait pas pu être préparé immédiatement et le projet avait été mis de côté jusqu'à l'année prochaine.

Après avoir entendu cela, Shizuko, voulant faire l'expérience de la culture du coton au moins une fois avant l'année suivante, avait écrit une lettre inoffensive à Tadakatsu comme quoi [elle voulait voir des graines de coton].

Obtenir les graines serait formidable tandis que le cas contraire ne serait pas un drame, mais la réponse de Tadakatsu avait été complètement au-delà de ses attentes.

"Shizuko-dono ! Je vous ai apporté des graines !"

Tadakatsu était venu apporter les graines en personne. Même Niwa, qui servait d'intermédiaire pour leurs lettres, n'avait pas vu cela venir.

Et bien que Niwa avait dit qu'il donnerait les graines à Shizuko plus tard, Tadakatsu avait obstinément insisté à les lui donner lui-même, alors Shizuko avait fini par être convoquée.

"Shizuko-sama, Mori-sama est venu vous rendre visite."

"Urgh, sans prévenir ? Bon, d'accord. J'arrive."

Après s'être ressaisie, Shizuko se rendit dans la pièce où patientait Mori Yoshinari.

"Désolée de vous avoir fait at… tendre ?"

Alors qu'elle entrait dans la pièce et saluait Yoshinari, elle remarqua deux hommes et un enfant qui étaient assis derrière ce dernier.

L'un des hommes était d'un grand gabarit inhabituel pour l'époque Sengoku.

L'autre semblait intègre mais aussi quelque peu sauvage, lui donnant un air mystérieux.

Shizuko s'assit à sa place habituelle tout en penchant sa tête face aux visages inconnus.

Dès qu'elle fut assise, Yoshinari se mit à parler.

"Je suis venu pour vous introduire votre umamawari. Je suis navré de ne pas avoir envoyé de message et d'avoir précipité les choses."

"Ah, non, ce n'est pas un problème."

"Je ne veux pas prendre trop de votre temps, alors je serai bref. Laissez-moi vous présenter votre umamawari. À ma droite : Maeda Keiji-dono, et à ma gauche : Kani Saizō-dono."

L'une des personnes présentées, Keiji, qui regardait Shizuko avec curiosité, prit la parole.

"Appelle-moi Keiji. Alors c'est toi qui as créé une sacrée légende lors du banquet du seigneur Oda ?"

Comment ça, une légende ?!

Shizuko n'avait aucun souvenir de ce qu'elle avait fait durant le banquet il y a quelques mois.

Lorsqu'elle s'était réveillée, elle était dans sa chambre et l'attitude des autres avait drastiquement changé.

Ils se comportaient tous étrangement et refusaient de lui dire pourquoi.

Une fois, elle avait confronté Niwa dans une tentative d'obtenir des réponses, mais ce dernier avait fui de toutes ses forces.

Le comportement de Nobunaga n'avait pas changé, mais Nōhime s'était attachée à elle car cet [évènement] semblait l'avoir influencé.

Shizuko tourna ses yeux vers Yoshinari, et ce dernier fuit immédiatement son regard.

"On m'appelle Saizō depuis toujours, alors j'apprécierai que vous en fassiez de même. J'étais supposé être un officier sous les ordres de Shibata-sama, mais ils n'avaient pas pu rassembler suffisamment de troupes, alors j'ai été transféré ici à la dernière minute."

"Ravie de vous rencontrer."

Shizuko remarqua alors que le jeune garçon n'avait pas été présenté.

"Euh… qui est ce garçon à l'arrière ?"

"Hum ? Ah, c'est mon fils. "

Shizuko avait timidement interrogé Yoshinari, légèrement effrayée par le regard noir du garçon.

Sentant qu'il pourrait lui bondir dessus à tout moment, elle présuma qu'il était le deuxième fils de Yoshinari : Mori Musashi-no-Kami Nagayoshi.

"Il s'appelle Katsuzō."

Shizuko paniqua en voyant que son pressentiment s'était avéré juste, mais elle parvint à ne pas le montrer.

"Oh… je vois. E-Enchantée ?"

Elle lui tendit la main, mais Nagayoshi l'ignora. Au moment suivant, le poing de Yoshinari s'abattit sur sa tête.

Un bruit satisfaisant résonna dans la pièce. Cela avait dû être extrêmement douloureux car Nagayoshi se tenait la tête les larmes aux yeux.

"Mal élevé ! Shizuko-dono est une fille du clan Ayanokōji ainsi qu'une personne importante pour le seigneur."

"M-Mais, père. Peu importe qu'elle soit importante pour le seigneur, ça reste une fille ! J'ai rien à apprendre d'elle !"

Euh, ça a pris une tournure bizarre, là, non ?

Ayant le sentiment que la conversation évoluait dans une direction extérieure à sa compréhension, Shizuko voulut poser une question.

Mais avant qu'elle ne le fasse, Nagayoshi, le visage rougi par la colère et la douleur, hurla en pointant Shizuko.

"Ordre du seigneur ou pas, je ne servirai pas une fille !"

"Euh, j'écoute sans vraiment comprendre… que se passe-t-il ?"

Shizuko demanda à Yoshinari en levant légèrement la main, et ce dernier lui répondit, légèrement troublé :

"Le seigneur a décrété qu'un vent nouveau devait souffler dans notre armée."

"Je vois."

"Par conséquent, il a ordonné que Katsuzō soit entraîné sous votre direction."

"......... Hein ?"

Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Heureusement, elle avait couvert sa bouche avant que ces mots n'en soient sortis.

"La première et la deuxième moitié de ce que vous avez dit ne font aucun sens ensemble… quel genre d'entraînement est-ce que je dois lui donner ?"

"La décision vous revient."

"(En gros, il m'a refilé tout le boulot…) Euh, je n'ai pas vraiment le choix… n'est-ce pas ?"

Yoshinari sourit amèrement face à ses mots. C'était tout ce qu'il fallait pour servir de réponse.

Shizuko soupira légèrement et tenta de penser positivement et de réfléchir à un moyen de persuader Nagayoshi qui semblait toujours mécontent.

Keiji et Saizō ne s'étaient pas encore plaints pour le moment, alors ils n'avaient probablement pas de problèmes avec elle.

Keiji, en particulier, souriait à pleines dents comme s'il avait hâte de voir ce que Shizuko allait faire.

"(C'est plutôt risqué et dangereux, mais… je vais me servir de cette méthode.) Bon, Katsuzō-kun… Je peux t'appeler comme ça, hein ? Tu ne veux pas me servir ou t'entraîner sous ma direction, pas vrai ?"

"…"

Nagayoshi tourna la tête sans prendre la peine de lui répondre.

"Je peux pas savoir si tu me dis rien, je sais pas lire dans les pensées… Bon, c'est clair que ça ne nous mêne nulle part, alors on va régler ça avec un défi."

"Un défi ?"

Nagayoshi la regarda avec un air sceptique qui se changea rapidement en un sourire moqueur.

Il semble qu'à ses yeux, les duels étaient automatiquement des combats d'arts martiaux. Shizuko sourit légèrement face à cela.

"Si je gagne, tu m'écouteras docilement. Si je perds, j'irais convaincre le seigneur d'annuler cet ordre. Tu en penses quoi ?"

"Humph, comme si quelqu'un comme toi pouvait persuader notre seigneur."

"Tu as le droit de refuser, mais dans ce cas, tout le monde dira que tu as [fui un défi qui avait été lancé par une fille]."

Touché à une corde sensible, Nagayoshi ouvrit grand les yeux et regarda férocement Shizuko. Bien qu'elle soit intérieurement effrayée, Shizuko mit de l'huile sur le feu.

"Bon, puisque tu veux pas, on peut rien y faire."

"Hé, qui a dit que je refuse ? Je vais le relever, ton défi !"

"D'accord. Le type de défi sera… je peux choisir, hein ?"

"Vas-y. Quoique tu proposes, je ne perdrai pas contre une fille !"

Voyant que Nagayoshi était tombé dans son piège, Shizuko poursuivit tout en riant intérieurement.

"Mori-sama, accepteriez-vous de servir de témoin pour ce combat ?"

Après avoir vu Yoshinari hocher la tête, Shizuko se tourna de nouveau vers Nagayoshi.

"Bon, récapitulons. Je décide du défi que tu vas relever. Si je gagne, tu vas obéir aux ordres du seigneur. Si je perds, j'irais convaincre le seigneur de révoquer son ordre. Ça te va ?"

"Ça me va. Alors, qu'est-ce que ce sera ? Équitation ? Archerie ? Ou bien—"

"Ha, je savais que tu dirais ça. Mais non, mon défi est bien plus simple."

Sur ces mots, Shizuko prit un pinceau et se mit à écrire sur une feuille.

Ignorant le regard perplexe de Nagayoshi, elle termina son écriture et lui tendit la feuille.

"Traduis ça dans la langue du Hinomoto. Si la traduction est bonne, tu gagnes. Sinon, tu perds."

Tout le monde regarda la feuille. Les mots écrits dessus furent les suivants :

[SHIZUKO : « Why don't you listen to me? »

KATSUZŌ : « No problem. Everything's fine. »

(Traduction :

[SHIZUKO : « Pourquoi est-ce que tu ne m'écoutes pas ? »

KATSUZŌ : « Pas de problème. Tout va bien. »

Le silence régna dans la pièce pendant une vingtaine de secondes avant d'être rompu par un cri de Nagayoshi.

"N-NON MAIS C'EST QUOI CE TRUC— ?!"

"Quoi ? C'est juste des mots dans une langue du Nanban. Alors, tu sais traduire ?"

Shizuko tendit calmement la feuille sans prêter attention à l'agitation et à l'irritation de Nagayoshi.

"N-NE TE FICHE PAS DE MOI ! C'EST QUOI CE DÉFI ?! POURQUOI J'IRAIS APPRENDRE LES LANGUES DES BARBARES DU SUD ?!"

"Je me moque pas de toi, je suis complètement sérieuse. Je t'ai demandé plusieurs fois si je pouvais choisir le type de défi et tu m'avais dit que c'était pas un problème. Du coup, je t'ai défié dans mon domaine."

"Quoi… ?!"

Nagayoshi voulut continuer de débattre mais, ne trouvant pas les mots, il ne put qu'ouvrir et fermer la bouche comme un poisson rouge.

Durant l'époque Sengoku, le Nanban faisait généralement référence aux portugais et aux espagnols. Le célèbre prêtre catholique Luís Fróis, par exemple, était portugais.

Par conséquent, il n'y avait presque personne dans le Hinomoto qui savait parler anglais. Certes, il y avait la possibilité que des visiteurs anglophones soient venus, mais il n'y avait aucune trace écrite à leur sujet.

Mais comme il n'y avait aucune trace d'eux, Shizuko avait pensé que [personne ne savait parler anglais durant l'époque Sengoku].

C'est pour cette raison qu'elle avait délibérément choisi l'anglais pour ce défi.

"De plus, j'ai jamais dit qu'on ferait un duel d'arts martiaux. C'est toi qui avais présumé. Si tu sais pas écouter attentivement, tu te fais avoir de cette façon."

"E-Espèce de lâ—"

"Ça suffit."

Nagasoshi avait été sur le point de rugir en tremblant, mais il avait suffit de deux mots de son père pour l'arrêter.

Shizuko eut l'impression que la température de la pièce avait soudainement baissé. Et elle n'était pas la seule.

Saizō et Keiji s'étaient redressés, des sueurs froides coulaient de leurs joues.

"Tu te plains comme une petite fille lorsque les choses ne se passent pas comme tu le souhaites, c'est insupportable !"

Yoshinari parlait calmement dans son ton habituel, mais ses lèvres ne formaient pas de sourire et son front était profondément ridé.

"Tu avais dit à Shizuko-dono que tu ne perdrais pas, quelque soit son défi. N'essaye pas de prétendre le contraire !"

"M-Mais…"

"Pas de mais ! Ton adversaire ne vas pas toujours agir comme tu le penses. Si cela avait été une vraie bataille, ta tête roulerait déjà au sol. Rentre cela dans ta tête et réfléchis à tes erreurs."

"…"

"La victoire est à Shizuko-dono…"

Après un léger soupir, Yoshinari déclara Shizuko vainqueur.

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