"Quel paradis."
Nobunaga, le corps immergé dans l'eau chaude jusqu'aux épaules, profitait de l'onsen et sentait sa rigidité quitter son corps.
Shizuko, en revanche, était affalée au sol, complètement épuisée.
J-Je suis trop fatiguée… j'arrive pas à croire que j'ai dû laver tout son corps…
Étonné de voir une baignoire remplie d'une aussi grande quantité d'eau chaude, Nobunaga avait immédiatement enlevé ses vêtements et tenté d'entrer dans le bain.
Cependant, entrer dans le bain sans s'être lavé le corps au préalable risquait de salir l'eau chaude.
C'est pourquoi elle avait parlé à Nobunaga de la nécessité de nettoyer son corps avant d'entrer dans la baignoire.
Étonnamment, Nobunaga avait rapidement accepté son raisonnement et s'était assis sur le tabouret de bain que Shizuko avait préparé.
Shizuko avait été prise de court pendant un moment, mais elle s'était vite ressaisie et avait rangé les vêtements de Nobunaga dans un panier.
Puis elle avait lavé la tête, le visage, et le corps de Nobunaga.
Quand même… pour lui, l'entraînement est juste un passe-temps, mais il est vraiment baraqué.
Du point de vue d'une personne du monde moderne comme Shizuko, Nobunaga semble s'entraîner beaucoup trop, au point où son corps était entièrement composé de muscles. Elle se demanda quasiment quelle était sa force de poigne.
Apparemment, sa maison est très propre… Et son corps n'est pas trop sale non plus. Je me demande s'il est du genre à garder les choses propres.
"C'est une bonne opportunité… j'ai quelque chose à te demander."
"(Il y a aussi une histoire comme quoi il adorerait le sumo, alors ce ne serait pas étonnant qu'il soit aussi bien bâti) O-Oui ? Qu'y a-t-il ?"
Nobunaga lui avait soudainement parlé alors qu'elle était plongée dans ses pensées.
Shizuko fut légèrement surprise par la soudaineté de cela, mais Nobunaga ne semblait pas s'en souciait et se contenant de parler calmement mais avec un regard intense.
"Je pense qu'il est temps pour toi de révéler qui tu es exactement."
"… Euh, le droit de garder le silence… vous n'avez pas de ça, hein… ?"
"Si tu refuses, alors je n'ai pas le choix. Il me faudra t'éliminer."
Face à la question que Shizuko avait posée dans la crainte, Nobunaga avait répondu sans une once d'hésitation.
Shizuko paniqua immédiatement car elle savait qu'il ne plaisantait pas.
"(Q-Qu'est-ce que je dois ?! Si je lui dis que je viens du futur, il me prendra pour une folle… le Nanban, c'est ça ! Pour le moment, je n'ai qu'à dire que je viens du Nanban !) L-Le Nanban ! C'est ça, je viens du Nanban !"
"Hoo ? Et quand as-tu quitté le Nanban ?"
"E-Euh… à 13 ans… ?"
Au moment où Shizuko avait répondu avec détresse, les yeux de Nobunaga se resserrèrent légèrement.
Nobunaga se méfiait de Shizuko, et il le montrait en ayant une attitude facile à comprendre.
Shizuko voulait s'inventer une excuse, mais peu importe ce qu'elle aurait dit, elle aurait été incapable de le prouver.
Elle savait qu'elle n'aurait fait que creuser sa propre tombe. Alors elle ne pouvait que se taire.
"… Hmph, aucune importance. Peu importe d'où tu viens, la seule chose qui compte, c'est que tu sois exploitable. Comme je te l'ai dit la première fois, tu ne me quitteras que quand tu seras morte."
"O-Oui (il a vraiment l'air d'être prêt à me tuer si je le trahis)."
L'imagination de Shizuko était correcte, bien que ces mots avaient été dits la première fois, son cerveau n'avait pas été suffisamment calme pour en comprendre le sens ce jour-là.
"Montre-moi tes capacités. Voilà ce que tu dois faire."
"E-Entendu."
"Ce sera tout. Mais je dois dire que cette source chaude est une chose merveilleuse. Je réfléchirai si elle peut être utilisée ou non comme récompense."
"Oh, on croirait entendre Takeda Tarō Harunobu."
Shizuko avait négligemment murmuré ces mots alors qu'elle nettoyait les outils de bain.
"… Tu as dit… Takeda Tarō Harunobu… ?"
Nobunaga avait posé cette question avec une voix qui semblait calme mais qui était remplie d'intention meurtrière.
"Oui. Il s'est servi d'une source chaude cachée pour construire une zone de baignade. Il voulait que ses subordonnés y entrent, alors c'est assez similaire. Ah, maintenant, son nom, c'est Takeda Tokueiken Shingen. Il a changé son nom quand il est devenu moine, je crois… ?"
Plus Shizuko parlait, plus une veine bleue émergeait du front de Nobunaga. Shizuko avait le dos tourné et était en train de nettoyer les outils de bain, alors elle ignorait à quel point ce qu'elle disait était important et dangereux. Et il faut également prendre en compte la fatigue accumulée qui a probablement atténué son sens du danger.
"… Silence…"
Et même si elle sentait un danger maintenant, il était déjà trop tard.
"Oui ? Vous avez dit quelque… chose… ?"
Shizuko, qui tenait un seau en bois et un tabouret de bain dans ses mains, se leva et tourna nonchalamment son visage vers Nobunaga. Au moment suivant, le seau et le tabouret glissèrent de ses mains et tombèrent. Un bruit sec résonna dans la pièce. Mais l'esprit de Shizuko ne pouvait pas se permettre d'y prêter attention. Nobunaga était en train de la regarder avec une immense intention meurtrière. Elle était incapable d'avoir la marge de manœuvre nécessaire pour penser à quoi que ce soit.
"Toi, est-ce que tu es une agent secrète des Takeda ?"
Shizuko secoua vigoureusement la tête face à cette question.
"Une agent secrète du shogun, alors ?"
Elle secoua également la tête à cette deuxième question.
"… Une agent secrète du Nanban ?"
Peu importe les questions qu'il posait, Shizuko secouait la tête. Pour commencer, si elle était prise pour une agent secrète (ancien nom des espions), au mieux, elle serait exilée. Normalement, cela aboutirait par une exécution.
Je viens de me rappeler, à cette époque, la source chaude de Takeda Shingen était une information ultra-secrète !
À l'époque de Shizuko, dans le futur lointain, des informations sur Takeda Shingen pouvaient facilement être cherchées. Cependant, durant l'époque Sengoku, les espions devaient être prêts à risquer leur vie rien que pour savoir où se trouvait quelqu'un. Dans une telle époque, s'il y avait une personne comme Shizuko qui révélait une information aussi secrète sans aucune réserve, c'était comme si elle demandait à être prise pour quelqu'un de suspect.
"Bah, peu importe, je suis quelqu'un qui tient ses promesses. Tant que tu ne me trahis pas, je ne te tuerais pas."
"Ha ha ha…"
N'ayant pas d'autre choix, Shizuko, le visage tendu, poussa un rire sec. Elle avait l'impression qu'un immense poids avait été retiré de ses épaules.
"Mais j'ai encore une chose à te demander. Prépare-toi immédiatement à partir."
"Hein… ?"
"Nous retournons au château maintenant."
Nobunaga avait nonchalamment dit cela à Shizuko qui était complètement figée.
***
Il semble que durant l'époque Sengoku, Nobunaga fut parmi les premiers à avoir commencé à vivre dans un château. Shizuko était actuellement dans une situation qui lui donnait des douleurs si intenses à l'estomac qu'elle voulait à tout prix fuir la réalité.
J'ai l'impression d'avoir un trou dans l'estomac…
Shizuko regarda à sa gauche. Les vassaux d'Oda Nobunaga étaient alignés. À part Mori Yoshinari, tout le monde regardait Shizuko comme s'ils regardaient une personne suspecte. Cela était naturel. Ils avaient été soudainement convoqués par leur seigneur, et la seule chose qu'ils avaient vue à leur arrivée était une femme. Ils ne pouvaient que se méfier de Shizuko.
"… Lève la tête."
"(Argh, mes jambes sont engourdies…) Oui."
Shizuko, libérée du dogeza, obéit à Nobunaga et leva la tête. Son regard croisa celui de Nobunaga, qui avait des yeux sévères et une veine bleue qui semblait être apparue sur son front, mais cela fut extrêmement bref. Elle détourna involontairement les yeux, mais quiconque voyait le Nobunaga actuel en aurait fait de même. Pour preuve, tous les serviteurs avaient eux aussi légèrement détourné le regard.
"Shizuko, parle-moi de Takeda Tokueiken Shingen."
"Oui ?"
Shizuko se remémora Takeda Shingen tout en penchant la tête face à cette question soudaine. Normalement, concernant les choses et les gens tels que Takeda Shingen, une personne ordinaire ne connaîtrait que le nom. Mais Shizuko était une férue d'histoire et de géographie en plus de l'agriculture. Elle ne pouvait pas lire les vieux parchemins, mais elle avait lu la plupart des documents historiques. Elle appréciait particulièrement la période située entre la fin de l'époque de Muromachi et l'époque d'Edo, et elle pouvait réciter par cœur la plupart des événements historiques qui avaient eu lieu durant cette période.
"Alors, euh… Takeda Tokueiken Shingen, gouverneur de la province de Kai et chef de la 19ème génération du clan Takeda. Son vrai nom est Harunobu et son alias est Tarō. Quand il est devenu moine et a reçu un nom bouddhiste, il est devenu Tokueiken Shingen."
Voyant Shizuko parler aussi aisément de Shingen, les visages des serviteurs, y compris Mori Yoshinari, devinrent rigides. Cependant, Shizuko était ravie de pouvoir parler d'histoire, l'un de ses domaines préférés, après un long moment. Elle était si enthousiaste qu'elle ne remarqua pas du tout les expressions sur les visages des serviteurs. Elle s'était quasiment plongée dans son propre monde au cours de ses explications.
"Il a presque soumis Shinano et étendu son territoire tout en ayant eu des conflits répétés avec Nagao Kagetora (ancien nom de Uesugi Kenshin). Dans le même temps, il a activement stimulé les affaires domestiques, et pour renforcer son économie, il a adopté les techniques de minage et de raffinement du Nanban et produit une grosse quantité d'or. Cet or lui a permis d'instaurer un système de monnaie en pièces d'or en créant le Kōshū-kin (ou Or Goishin). C'est la toute première pièce d'or du Hinomoto. Il est également célèbre pour avoir promu des projets d'armements et de prévention des inondations grâce à la puissance économique qu'il a obtenue en faisant circuler ces pièces d'or."
Nous ne savons rien de cela !
"Il a personnellement dirigé l'équipe de prévention des inondations et construit un talus nommé le Shingen Tsutsumi pour lutter contrer les inondations fréquentes dans le bassin de Kofu. Cette prévention des inondations a provoqué le développement de nouveaux champs de riz qui ont augmenté le niveau du pouvoir national. Ça lui avait pris 19 ans…"
"… Assez."
Nobunaga, de par son autorité, ouvrit lentement la bouche. Shizuko fut frustrée d'avoir été interrompue, mais cette pensée disparut lorsqu'elle vit le regard de Nobunaga. Elle avait l'impression qu'il la couperait en deux si elle disait une chose de trop.
"…"
Nobunaga ferma tranquillement les yeux et produisit une sorte de rythme avec son éventail. Un léger « Tac tac tac » résonnait dans la pièce.
"… À mort."
Des sueurs froides parcoururent alors l'échine de Shizuko.
"C'est ce que j'aimerais dire, mais je n'ai pas encore vu les résultats de ta réforme agraire. J'y réfléchirai en fonction du résultat."
"… Haaa."
Voyant qu'elle n'allait pas être tuée tout de suite, Shizuko poussa un soupir de soulagement. Mais cette décision avait seulement été reportée. Si elle échouait à sa tâche, la mort l'attendrait.
"Mais, seigneur, cette personne est beaucoup trop dangereuse. Elle pourrait être une agent secrète qui vous a approché."
Alors que Shizuko se tapotait la poitrine avec soulagement, l'un des serviteurs de Nobunaga fit soudainement cette suggestion.
"Singe, tu penses que cette personne ressemble à un agent secret ? Tout ce que moi, je vois, c'est une stupide petite fille."
L'homme qui était surnommé le « Singe » tourna la tête et regarda Shizuko.
Singe… Toyotomi Hideyoshi ?!
"… Certes, elle n'a pas l'air d'une agent secrète. Si elle l'était, alors même une femme ordinaire des villes serait une agent secrète."
"Je ne suis même pas une femme adulte, alors une espionne…"
"Hein ? Est-ce-pionne ?"
"(Ah, ma langue a fourché) Non, rien."
Il faut que j'évite de faire des commentaires inutiles. Sous cette pensée, Shizuko décida de se prostrer et de se taire.
C'est une époque différente, ici. On a rien pour prouver l'identité de quelqu'un. Les remarques qui attirent inutilement la suspicion sont dangereuses.
Les connaissances de Shizuko n'étaient qu'un simple héritage transmis et enseigné à la postérité. Ce n'était pas quelque chose que les habitants de l'époque Sengoku pouvaient savoir en temps réel. Comme elle ne savait pas ce qui pouvait être vu comme une information confidentielle ou où se trouvaient les espions, elle décida qu'il valait mieux éviter de parler.
"Ça ira. Qui qu'elle soit, elle détient un savoir qui est difficile à acquérir partout ailleurs."
"Oui…"
Hideyoshi tenta de continuer de s'opposer, mais face à la remarque de Nobunaga, il se résigna avec un air insatisfait.
Les autres serviteurs partageaient la même insatisfaction, à la seule exception de Mori Yoshinari qui, au contraire, regardait Shizuko avec un visage inquiet.
"Ah, ça me rappelle. J'ai un cadeau pour vous, monseigneur."
Malgré son regard vacillant, Shizuko s'était souvenue de quelque chose.
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