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Chapitre 3 - Pirate !

Le capitaine du groupe de pirates aux foulards noirs, le dénommé McVert Junior, était confortablement assis sur un siège qui était placé au centre du bar, dont l'affiche "Le fil bleu" traînait au sol. Un de ses compagnons tenait le tenancier, avec une lame dentelée sur son ventre.

- Il raconte qu'il ne sait pas qui on est, et que l'autorité locale va se charger de nous.

Le petit groupe qui encerclait McVert laissa un son grave et moqueur s'élever en écho dans le bar. L'écho cessa lorsque McVert tint son poing levé avant de le poser calmement sur l'accoudoir de la chaise, puis il se releva de manière théâtrale de son siège, les autres foulards noirs avaient une lueur d'inquiétude dans leurs yeux alors qu'il se relevait. 

Il portait une veste rouge sang ornée d'émeraudes finement ouvragés qui marquait ses yeux verts presque luminescents en cet instant. Son équipage savait lorsqu'une idée lui traversait l'esprit à ce signe distinctif, aussi il se dirigea vers le comptoir où s'alignaient les bouteilles non étiquetées.

Il en ouvrit une pendant que le tenancier maugréait et pestait contre cette intrusion dans son établissement, il cracha du mieux qu'il peut des injures.

- Vous ne valez pas mieux que le crotin de cheval dans un feu de cheminée ! La justice va vous attacher un canon au pied et vous jeter par le fond ! Votre père...

Mais il ne finit pas sa phrase car McVert, bouteille ouverte, se tenait devant lui désormais, et une peur s'insinua dans son corps tel une éponge qui absorberait une trop grande quantité d'eau, quelque chose chez cet homme ne tournait pas rond, peut-être était sa cicatrice qui lui traversait le visage ? Peut-être étaient ses rides qui formaient une sorte de masque tribal éfrayant ? Il ne saurait dire. Puis le silence qui s'était installé depuis quelques minutes fut brisé par une voix caverneuse, tout droit sortie des profondeurs, comme le racontera plus tard le tenancier.

- Vous ne savez pas qui nous sommes ? Quelle triste affaire, mais peut-être que vous seriez nous indiquer où se trouve le centre de l'île ? Un tenancier comme vous, ça doit en savoir des choses.

À cette question, le tenancier se cabra instinctivement, nul ne parlait de cela de vive voix, le risque était trop grand et ils pouvaient vous emporter là-bas.

- Je, je, ne sais rien, pitié, ayez pitié, je n'ai que de l'alcool et la caisse est là-bas, prenez tout, je ne sais rien.

- Merci. Le capitaine pirate McVert fit signe à un de ses hommes de suivre les indications.

- Si vous nous donnez de si bon gré. Reprit-il. Je ne vois pas pourquoi nous refuserions, toutefois vous avez oublié de répondre à ma question, c'est curieux que vous ayez si mauvaise mémoire, peut-être quelques nouvelles cicatrices vous rafraîchiraient ?

Toutefois, la crainte de ce qu'il savait était plus forte encore que la torture, le tenancier préférait être mort que de révéler quoique ce soit à haute voix, ce serait sans doute moins pire que ce qu'il avait entendu sur ce lieu, et il savait que toutes les rumeurs étaient vraies.

- Vous restez silencieux ? Très bien. Sa voix s'était adoucie, devenue plus contrôlée, ou peut-être que c'était de la délectation, le tenancier le découvrit rapidement. Voyez-vous, dans une ère pas si lointaine, où les terres étaient contrôlées par les chevaliers munis de leurs armées, la torture était riche et variée, il y avait toujours de nouveaux moyens de faire parler l'ennemi, sans parler de la médecine qui se résumait à saigner le patient. Le tenancier pouvait sentir son haleine et ses mots chauffer sa peau, d'où laquelle perlais des sueurs froides. Et voyez-vous, parmi les nombreuses terres que j'ai traversées, dans le sud, j'ai découvert de nombreuses plantes, que mon équipage testait volontiers pour moi. Un foulard noir fut pris d'un soubresaut et une de ses mains tremblait franchement à cette évocation.

- Le crochet !

Quand plus tard, le tenancier racontait cette histoire, elle s'arrêtait lorsque un membre des foulards noirs entra dans le bar, portant un tissu vert qui dissimulait quelques petits objets métalliques, mais il se souvenait aussi qu'il revint à lui lorsque une explosion survint dans la ville, il était sur une chaise, et deux petits trous espacés de quelques centimètres étaient sur son bras, quant aux pirates, ils avaient quitté le bar. 

- Des pirates ! Des pirates ! Amiral ! Ils sont en train de mettre à sac notre ville. La voix inquiète de l'adjoint de Yul, alors qu'il entrait avec fracas dans son bureau, fit retourner les trois autres officiers du diamant. 

Yul était en train de montrer des cartes de la flotte navale du diamant et expliquait à ses comparses les prochaines actions à entreprendre pour le contrôle des îles lointaines.

- Du nouveau sur le tremblement de terre de la nuit dernière ? Avais demandé l'un d'eux avant que l'adjoint n'entre dans le bureau.

- On a envoyé des missionnaires faire un rapport, ils devraient revenir demain.

- Curieux tout de même, avait rétorqué son voisin, un tremblement marin ? Nous ne sommes pas sur des zones touchées que je sache.

- Nous le découvrirons. Avais ponctué Yul, et l'adjoint entra.

- Comment ça, des pirates ? Ils ne cherchent tout de même pas à....

Yul ne termina pas sa phrase, car le son de l'explosion vers l'atelier du Capitaine Mortimer le fit réagir, et il se mit immédiatement en mouvement.

- Simon, allez alerter la caserne et la prison, s'ils n'ont pas entendu l'explosion, ce qui m'étonnerait, ils doivent se mettre en action dans la minute, c'est la cloche numéro deux pour ce genre de problème, cependant... Yul cessa son mouvement pour réfléchir et l'adjoint lui rentra dans le dos alors qu'ils se dirigeaient vers la salle d'armes. Faites sonner la cloche trois fois.

Rocaille, le nouveau meilleur ami de Barjow, succulait une sardine pendant que celui-ci se battait contre le vent et avait sorti une paire de rames.

- Mais c'est que la houle refuse qu'on accoste, dis-moi !

L'île du cigare rouge était à portée et il pouvait discerner le port, ainsi qu'une grande agitation comparée à ce qu'il était habitué. Des hommes couraient à tout va, vers leur navire et d'autres se réfugiaient dans des maisons. 

- Je crois qu'on a raté la fête. Hasardais barjow avec un sourire et un air légèrement ivre.

Après quelques coups de rames en rythme qui lui chauffèrent ses bras engourdis et ses abdominaux renforcés à l'usure, il parvint à rejoindre un quai du port où se trouvait une bitte d'amarrage sur laquelle il avait attaché à l'aide d'une corde son embarcation. Il fit un nœud de cabestan puis il s'adressa au perroquet :

Tu peux visiter si tu veux, mais sois de retour quand je partirai, je n'ai pas envie de quitter l'île sans mon compagnon de fortune. Rocaille ponctua sa phrase d'un son rocailleux empli de chaleur, et s'envola vers un cocotier près du port.

Au son des clameurs qui s'élevaient sur le port, Barjow se mit en quête d'un local pour lui demander les raisons de ce brouhaha. Il tombait né à né avec trois hommes en tenue officielle, munis de mousquets, alors qu'il avançait dans l'angle d'un lotissement.

- Messieurs ! J'ai besoin de comprendre une chose

- C'est pas l'office de tourisme ici. Rétorqua l'un d'entre eux, qui jugea rapidement Barjow pour déterminer s'il était l'un des assaillants.

- Mais que se passe-t-il ? J'entends des cris et c'est presque si le son des épées parvient à mes mirettes.

- Des pirates attaquent, mettez-vous à l'abri tout de suite, on n'a pas le temps de discuter. Repris l'officier.

Barjow s'inclina pour les laisser passer et se fit petit pour ne pas attirer de soupçons, alors qu'il venait de mouiller l'ancre il y a peine dix minutes.

Fort heureusement, son équipement qui ferait tilter l'un des officiers était habilement dissimulé derrière sa veste de cuir, et bien que son épée dépassât légèrement, porter une lame n'était pas répréhensible ici.

Une seule idée vint à lui, aller voir son vieil ami le Cpt. Mortimer, pour casser la croûte, même si la faim n'avait mystérieusement aucune emprise sur lui en ce moment, le souvenir d'un repas chaud suffisait à lui donner envie de croquer dans une dinde bien cuite.

Il tentait de rassembler ses souvenirs sur l'endroit de sa grange, en vain. Ainsi, il se dirigea sur un chemin avenant, main sur son pistolet, au cas où un pirate viendrait à faire des siennes. Et il n'avait pas tort. Après quelques virages dans les rues à la recherche de Mortimer, il vit sur sa gauche, près d'une fontaine sculptée dans une pierre et d'un petit jardin de plantes chaudes, deux hommes, sabre en main, habillée d'un foulard noir tacheté de vert. Ils tenaient une femme de leurs mains graisseuses et s'étaient mis en tête de la désabiller. Barjow supposait les obscénités qu'ils avaient en tête, alors qu'il s'était caché derrière un mur pour jauger la situation. Puis un souvenir le frappa comme une balle, sa plus jeune sœur qu'il avait vue dans une situation similaire dans la vieille chaumière de "l'île escalier". Il avait été impuissant pendant que des barbares cherchaient à faire de même, et son père était entré alors que sa sœur n'avait que des chaussettes en guise de vêtements. Et il les avait tués de deux coups de son pistolet à double canon. Barjow se souvint de ce sentiment amère et du goût du sang sur sa lèvre alors qu'il était dans un coin de la pièce.

Aujourd'hui, il était plus vieux. Du haut de ses 26 ans, il avait voyagé et vaincu une dizaine d'hommes, parfois honnêtes, parfois moins. Dans un élan, il sortit son arme à feu et tira sur le plus grand. La balle ronde lui perfora l'épaule par l'homoplate, et termina sa course dans la roche de la fontaine. Le son d'os qui se craquait résonna dans les oreilles de l'agresseur et il vint s'étaler au sol, le sang coulant abondamment. Le deuxième agresseur, surpris de cette attaque, détourna ses yeux de la femme qu'il aggripait et celle-ci lui asséna une claque qui vint lui sonner l'équilibre, ce qui lui fit lâcher prise. Barjow courrut dans un rugissement qui lui donnait de la force et de son sabre d'abordage, vint donner un coup d'estoc qui transperça les entrailles du pirate. Barjow lâcha son épée qui demeurait coincée dans le ventre de son adversaire et celui-ci, à son tour, s'étalai au sol, épée vers le ciel.

La femme apeurée, qui était partiellement déshabillée, glissa son regard vers les hommes puis vers son sauveur, et remis sa robe de flanelle en place.

- Oh merci, merci, sans vous, ces hommes m'auraient... Elle eut une expression de dégoût. Dites-moi, comment vous appelez-vous ? 

Sa voix était tremblotante mais teintée d'une assurance qui témoignait qu'elle était de la classe supérieure des habitants. Barjow la trouvait agréable à regarder, bien que ses traits dans l'instant étaient quelque peu déformés.

- Barjow, madame, pour vous servir, j'ai vu les intentions de ces hommes et je n'ai pu m'empêcher d'intervenir. Allez mettre à l'abri avant que d'autres pillards ne rapplique.

- Je vous revaudrai ça un jour, Monsieur Barjow. Répondit-elle, d'un air inquiet, tout en se dirigeant rapidement vers le chemin qui suivait le jardin fleuri.

- C'était pas ton jour. Dit-il en retirant l'épée du ventre du pirate tombé. Il lui fit les poches car après tout, son or ne lui servirait plus où il est, puis il se dirigea vers le plus grand qui était face contre terre, pour faire de même. Au moment où il le tournait pour le mettre sur le dos, une vive douleur lui transperçait le torse, alors qu'il était genoux à terre pour le chercher. 

- C'est fini pour toi aussi, mon gaillard. Dis l'homme dont la balle l'avait perforé, dans des crachotements de sang qui lui coulait de la bouche.

- Qu'est-ce que... 

Barjow se retrouva à son tour dos au sol, à côté du pirate au foulard tacheté.

- Pirate.

- Hahaha, cette dague est empoisonnée, il te reste cinq minutes à vivre, chien galeux. Et une nouvelle effluve de sang coula de la bouche du pirate, avant qu'il ne tire son dernier soupir dans un faible râle.

Tout d'abord, des étoiles dansèrent dans ses yeux, puis le ciel se mouva sous ses yeux pâles qui virèrent au rouge. Il laissa ses paroles sortir calmement.

- Alors c'est comme ça que je finis, une fois encore, la mort viens me cuieillir, j'aurai eu un jour de surcit. Il souris. C'est pas si mal, un épéiste comme moi, un pirate, un forband de bas étage. Sa voix s'assombrissait à chaque mot. Le dernier acte aura été fait la main sur le coeur, étais-ce une erreur ? Puis il ferma ses yeux fatigués par le venin qui se propageai, avant d'entendre une voix familière qui se rapprochais. Il ouvris les yeux dans un effort intense, Cpt Mortimer ? C'est toi ?