Comme ça, en un instant, le bastion de la révolution était passé d'une tranquillité matinale agréable à un raz-de-marée de chaos. Normalement, les soldats révolutionnaires auraient dû voir venir l'attaque. Néanmoins, l'ennemi semblait être sorti de nulle part.
C'était comme s'ils étaient sortis magiquement des murs.
Les troupes révolutionnaires perdirent beaucoup de temps et de vies avant de retrouver une coordination acceptable. Suite à cela, elles réussirent à sécuriser quelques zones et à créer des barrages dans certains couloirs.
Le bastion principal de l'armée révolutionnaire montrait, durant cette bataille inattendue, toute la complexité de sa structure guerrière. Certains couloirs étaient construits de telle sorte qu'un seul soldat pouvait y passer à la fois ; d'autres étaient en pente pour permettre des chutes de pierres. Et surtout, les soldats révolutionnaires connaissaient le terrain.
C'était leur principal avantage. Le Jardin du Colosse avait été pensé pour résister à tout assaut, venant de l'intérieur ou de l'extérieur, et quiconque connaissait bien le bastion complexe pouvait en faire une arme, pour peu qu'il ait un esprit stratégique développé.
C'était la seule raison pour laquelle les forces révolutionnaires n'avaient pas été décimées.
Au contraire, elles avaient même commencé à prendre l'avantage dans la bataille. Tout cela, maintenant, ne concernait que le sud de la forteresse, car au nord, il n'y avait que la destruction.
C'était l'effet d'un combat entre trois Maîtres.
***
Artémis évitait, pour la centième fois, la lourde épée de son adversaire. Si elle venait à se relâcher, la cent-unième fois aurait raison d'elle, elle le savait.
L'architecture de la forteresse n'avait plus aucun sens, car leur combat furieux contre le géant d'acier blanc, Björn, détruisait tout autour d'eux. C'était un chaos de pierres brisées, de poussière et des gémissements de la montagne qui tremblait.
Leur adversaire était puissant et inébranlable, stoïque comme le roi des rochers, et doté d'une capacité de dévastation digne d'un cyclone. Artémis savait avoir déjà entendu le nom de « Björn » quelque part, mais elle ne perdait pas de temps à y réfléchir : toute sa concentration devait aller au combat.
Björn frappa un lourd coup de sa grande épée, encaissé par Loyd. Sous eux, le sol se brisa pour les laisser tomber à l'étage inférieur. Loyd s'écrasa contre la pierre, et Björn fit trembler les murs en atterrissant sur ses deux pieds. Artémis fut plus vive : elle s'appuya sur le mur, prenant de l'élan pour sauter dans le dos de Björn.
La lame blanche de son jian gracieux fut bloquée par l'armure solide. Elle ne possédait clairement pas la meilleure arme pour combattre l'homme colossal, mais heureusement, elle savait où frapper.
Alors que Loyd se lançait dans un assaut frontal à mains nues, Artémis se laissa tomber à plat ventre et enfonça sa lame dans une fente de l'armure. Une armure ne pouvait jamais être complètement fermée, c'était un problème d'articulation.
Elle sentit son épée couper avec peine une cotte de mailles solide, puis mordre la peau résistante de son adversaire. Björn grogna de douleur et recula d'un coup soudain, ce qui laissa peu de temps à Artémis pour se retirer. Elle sauta plusieurs fois en arrière, évitant les représailles de Björn.
Pourtant, le mal était déjà fait : le jian avait goûté au sang de l'ennemi. Ceci se reproduirait sans doute d'innombrables fois. La jeune femme ne se laissa pourtant pas dominer par la confiance et l'arrogance : d'innombrables personnes avaient péri de cette façon, alors qu'elles étaient proches de la victoire.
Elle avait néanmoins une confiance absolue en son épée : après tout, l'épée était la reine des armes.
Une lance était plus pratique à longue distance, une massue plus simple à entretenir, un marteau de guerre plus utile pour contrer un adversaire en armure...
Mais l'épée était la plus polyvalente. Elle pouvait trancher, couper, frapper, percer et toutes ses parties, du manche à la pointe, pouvaient être utilisées pour attaquer.
Artémis gardait néanmoins une pointe de méfiance. Après tout, si Loyd avait déjà sorti ses griffes et si elle-même faisait preuve d'une rapidité hors du commun, Björn ne semblait pas encore avoir libéré les pouvoirs de son Aspect Magique.
Toutes ses leçons, Artémis les avait apprises de son père. C'était également de lui que venait son épée, qui lui était si chère.
Son père, au moins, ne l'avait pas privée de liberté. Il avait accepté son envie de sortir de la protection de son Domaine, sa soif d'aventure, et lui et sa mère l'avaient préparée de leur mieux. Artémis leur était reconnaissante par-dessus tout de lui avoir fait confiance pour s'occuper seule d'elle-même.
... Le roi Throne était allé jusqu'à lui offrir une partie de son Domaine, scellée dans un minuscule anneau d'or. Artémis n'avait aucune idée de ce que cet acte lui avait coûté, mais son père lui avait indirectement sauvé la vie face à Thrór.
Aujourd'hui cependant, ni son père ni sa mère ne feraient d'apparition miraculeuse. Elle et Loyd devaient mener cette bataille seuls. Et malgré tout, Artémis était confiante en leur victoire.
Le chapitre est légèrement plus court que d'habitude, mais pas moins bien ! ;]