webnovel

Étrange forteresse

Noctis ne parvenait pas à fermer l'œil de la nuit. Allongé sur le lit, il écoutait les bruits du couloir : un murmure lointain, le frôlement d'un tissu et le craquement d'un parquet ancien. À ses côtés, Artémis semblait également éveillée, ses yeux scrutant les ombres.

- « Tu entends ça ? » chuchota-t-elle.

- « Oui, ça ne ressemble pas à un simple bruit de maison. »

Hésitant, Noctis se leva, l'inquiétude mêlée à une curiosité irrésistible. Il jeta un dernier regard à Artémis. « Je vais voir. »

Elle hocha la tête, mais ses yeux étaient pleins de reproche. « Fais attention. »

Il sortit lentement de la chambre, fermant la porte derrière lui. Dans le couloir, l'atmosphère était différente, presque électrique. Les murs semblaient vibrer d'une énergie palpable, et la lumière vacillait comme si quelque chose les troublait.

Noctis avança prudemment, ses pas étouffés par le tapis usé. Chaque craquement du sol faisait monter son adrénaline. Il s'arrêta un instant, le cœur battant, pour écouter à nouveau. Le murmure semblait plus proche, presque comme une conversation chuchotée.

- « Qui est là ? » appela-t-il, sa voix à peine un souffle.

Aucune réponse. Il se sentit soudain ridicule, comme s'il s'adressait à des ombres. Pourtant, une force l'attirait vers le bout du couloir, là où une lumière dansait au rythme d'une présence invisible.

Arrivé à un tournant, il aperçut une lueur émanant d'une porte légèrement entrebâillée. Le souffle court, il s'en approcha et jeta un coup d'œil à l'intérieur. La pièce, un ancien bureau, était inondée d'une lumière blafarde, comme si une chandelle vacillante illuminait l'endroit. Mais il n'y avait personne.

Il poussa la porte, qui s'ouvrit dans un grincement sinistre. Sur le bureau, des documents éparpillés et un vieux livre ouvert attiraient son attention. Dans un élan de curiosité croissante, il s'assit et commença à lire un journal de bord. Une page attirait particulièrement son attention :

« Année 1437 du premier âge.

Nous avons trouvé une clé de pouvoir mystique. Mon père veut construire une forteresse autour, il dit que notre famille pourra enfin avoir une maison. Je n'y crois pas. Ils vont encore nous chasser, comme ils l'ont toujours fait. »

« Année 1440 du premier âge.

Mon père a construit la forteresse. Nous n'avons plus à craindre quoi que ce soit. Je suis heureux. Ma soif peut enfin être étanchée. »

Noctis frissonna à l'idée du « premier âge ». Plusieurs âges avaient précédé le cinquième, et l'an 2056, où il se trouvait avec Artémis, et qui marquait leur départ de la forêt Miyang.

Hanté par un mauvais pressentiment, il feuilleta des pages jusqu'à la fin.

« Année 3512 du premier âge.

Mon père est mort. Mon oncle le remplace, en attendant que je développe mon propre pouvoir. Je n'aime pas mon oncle.

Année 456 du deuxième âge.

J'ai tué mon oncle. Alfred était témoin, j'ai dû m'en débarrasser. J'ai dit à tout le monde que c'était mon frère, et ils m'ont cru. Désormais, je suis le maître de ce château.

Année 2345 du troisième âge.

Je suis enfin un Souverain. Le sang de ma famille m'a rendu plus fort. Plus aucun humain ne se montre hautain envers ma race. »

Et enfin, le dernier message :

« Année 2000 du cinquième âge.

Je m'en vais combattre le Monde souterrain aux côtés des humains de l'Empire. Je prends toute l'armée avec moi. Le château saura se défendre seul. Combattre aux côtés des humains m'enrage, mais l'empereur est bien trop effrayant, même pour moi. »

Noctis resta abasourdi un moment. Il rassembla ses pensées, récapitulant l'histoire.

Il y avait, il y a des milliers d'années, un jeune garçon qui avait écrit ce journal. Il faisait partie d'une race mystérieuse chassée par les humains, mais un jour, son père découvrit un pouvoir mystique et construisit un château autour. Le jeune garçon avait grandi, vécu des siècles, était devenu Souverain et, il y a 56 ans, avait levé une armée pour combattre aux côtés de l'Empire.

C'était l'histoire de ce château, mais il indiquait également qu'il était censé être vide. Pourtant, deux personnes y vivaient : Thrór et Soran.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? »

Peut-être les deux hommes avaient-ils trouvé refuge dans cette forteresse, comme Noctis et Artémis. Pourtant, une intuition lui disait que ce n'était pas le cas. « Capable de se protéger tout seul... » Si un Souverain millénaire croyait que le château pouvait se défendre seul, Noctis n'avait aucun doute sur le fait qu'il le pouvait.

Mais si une personne avait réussi à déjouer ses défenses, cela devait forcément être un proche du Souverain.

« Soran et Thrór font partie de cette race mystérieuse. »

C'était sa conclusion. Les deux hommes avaient probablement déserté l'armée du Souverain millénaire pour vivre ici en son absence. Il restait à savoir s'ils avaient de bonnes intentions.

À ce moment, il entendit de nouveau un murmure. Celui-ci venait du couloir.

Noctis déglutit ; il devait bien passer par le couloir pour retourner à la chambre.

Lentement et sans un bruit, il se leva et se dirigea à pas de loup vers la porte, action inutile puisque ses pas auraient été de toute façon étouffés par la moquette.

Les lumières dansaient à travers la porte entrebâillée, et les murmures ressemblaient de plus en plus à un chant. Il atteignit la porte, la poussa de nouveau, et se retrouva au cœur du chaos.

Là, dans le couloir, des dizaines de fantômes dansaient tandis que les personnages des tableaux et des tapisseries chantaient. Les spectres tenaient des balais, des chiffons et des serpillières et nettoyaient l'ensemble de la grande forteresse tout en gambadant au rythme des chants des ornements des murs.

Il observa, pétrifié, ce spectacle étrange. Les fantômes se mouvaient avec une grâce insoupçonnée, balayant les poussières du temps tout en se laissant emporter par la mélodie envoûtante. Les murs, ornés de visages divers, semblaient s'animer, leurs sourires s'élargissant au fil des notes.

Une femme en robe flottante, son visage voilé, se tourna vers lui. Elle l'invita d'un geste délicat à les rejoindre. Hésitant, il fit un pas en avant, le cœur battant, alors qu'une étrange chaleur l'enveloppait.

Il tendit la main vers elle, quand...

- « STOP ! »

Un hurlement retentit, et tous les esprits retournèrent au néant avec des cris à glacer le sang.

Noctis sentit son corps se couvrir de sueurs froides, et il bondit en arrière quand une main lui saisit fermement l'épaule. Heureusement, ce n'était que Soran.

Le jeune homme lui adressait son sourire insouciant habituel, mais son ton était teinté de tension.

- « Noctis, mon ami, il me semblait t'avoir dit de te reposer. Pourquoi avoir quitté ta chambre ? Retournes-y, et ne fais pas attention aux nettoyeurs de nuit, d'accord ? »

Noctis acquiesça rapidement et ne se fit pas prier pour fuir. Il devait tout raconter à Artémis.

***

Au moment où Noctis disparut du champ de vision de Soran, Thrór apparut à ses côtés, et s'adressa directement à son fils.

- « C'est trop tard, Soran. Il a lu le journal. Il faut en finir avec lui. »

Le coin de la bouche du jeune homme se tordit, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres.

- « Je m'en occupe, père. »

Sur ces mots, ils disparurent tous les deux.

Siguiente capítulo