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Salamander

Notre histoire poursuit son cours à un autre temps, dans une forêt d'épineux, constituée de cèdres, sapins, et autres arbres à feuillage persistant.

Un sol dur et rocailleux plein de poussière s'étalait jusqu'aux sommets enneigés des collines et des montagnes, où un manteau blanc commençait à fondre.

C'était la fin de l'hiver, et un nouveau printemps arrivait. Mais malgré cela, la neige persistait encore par endroits. Les villages alentours, en bas dans la plaine, émettaient encore un peu quelques colonnes de fumée par des cheminées restées alimentées en bois toute la nuit.

Toutefois, quelques bruits de pas lents et lourds vinrent troubler la paix des environs où seuls quelques oiseaux chantaient. Une respiration mise à l'épreuve par une longue marche, accompagnée d'un hennissement.

Un jeune homme accompagné d'un cheval cheminait dans cette forêt peu traversée. Ses cheveux ondulés noirs mi-longs encadraient son visage d'une frange en V et de deux mèches épaisses recouvrant en partie ses joues et ses oreilles. Ils s'étaient emmêlés avec quelques épines de pins ayant rejoint sa tête sous l'action de la gravité.

Il portait une tunique mi-longue d'un beige délavé arborant un motif coloré formé de triangles au dessus d'un vêtement bleu foncé, ainsi qu'un pantalon marron en plutôt bon état, malgré la distance qu'il avait déjà dû parcourir. De lourdes bottes noires renforcées de pièces de métal entravaient quelque peu sa marche, mais le reste de son armure avait été enveloppée dans un grand tissu, et mise sur le dos de son cheval, noir comme la nuit, dont les yeux dorés fixaient la route devant lui. Une longue épée était suspendue sur le flanc du cheval, rangée dans un fourreau en cuir, et le jeune homme lui-même portait un sac attaché dans son dos ; une petite dague attachée à son ceinturon complétait sa panoplie. Une sacoche de cuir complétait l'ensemble, attachée à la taille du jeune homme.

Un regard contemplatif souligné par ses yeux de couleur bleu azur fixait les alentours. C'était la première fois qu'il s'aventurait dans cette partie du royaume humain, et qu'il voyait un tel paysage.

Au-delà de la forêt dont il s'apprêtait à sortir, s'étendait une plaine enserrée entre deux flancs de montagne, comme perdue au milieu d'un écrin de roche et de verdure, le tout éclairé par la lumière du soleil, qui se reflétait vivement sur la neige encore présente en petites quantités sur les arrêtes des montagnes. Un bruit de métal cogné provenant d'une forge en lisière de la forêt guida le jeune homme jusqu'au village.

Des toits de tuiles noires et ruisselantes de rosée ainsi qu'une petite route de terre déjà bien foulée pour un petit matin accueillirent l'étranger. Quelques enfants traînaient sur le pas des maisons, tandis que des hommes bâillaient, appuyés contre des barrières de bois où du bétail était attaché. Quelques regards encore hagards et fatigués se tournèrent vers le nouveau venu sans trop y prêter attention. Le jeune homme ne s'en occupa pas, son regard tourné vers une partie du village qui avait entièrement brûlé. Il ne restait que des fondations calcinées s'élevant péniblement vers le ciel. Il tourna à gauche, et après avoir attaché son cheval à un poteau, entra dans ce qui semblait être la seule taverne du petit village, qui faisait également office d'hébergement pour les voyageurs. Seul le propriétaire des lieux était à l'intérieur, et nettoyait à grande eau le sol en bois de sa bicoque. Il s'arrêta net en voyant le jeune étranger entrer dans son établissement.

« C'est pas encore ouvert, jeune homme. » Dit-il.

« Je ne viens pas pour consommer, » répondit le jeune homme.

« Dans ce cas, pourquoi tu viens là ? » Demanda le vieil homme, serpillière à la main.

« Pour une affaire privée. On m'a donné rendez-vous ici, » expliqua-t-il.

Cette déclaration sembla déclencher quelque chose chez le propriétaire de la taverne, car il sembla soudainement très intéressé par le nouvel arrivant. Il laissa tomber sa serpillière dans le seau d'eau à ses pieds.

« Mais, vous ne seriez pas par hasard…. ? »

Le jeune homme fit un de ces regards interrogatifs dont il avait le secret, ses yeux grands ouverts face à ce vieil homme qui n'avait pas fini sa question.

« Excusez-moi, mais qu'est-ce que vous voulez dire par là? »

Le tavernier se renfrogna un peu, mais précisa sa pensée.

« Vous savez bien… Vous êtes cet « homme » auquel le vieux a fait appel, non ? »

Le jeune homme se fit scruter longuement du regard, comme s'il était une marchandise sur un marché dont les passants observaient la qualité.

« Le vieux ? Vous voulez sûrement parler du chef de ce village, non ? »

« Ouais, comme vous dites… Mais honnêtement, je pensais pas que vous viendriez… » Fit le vieil homme, avec une moue.

Il avait l'air surpris de voir devant lui l'homme que le chef du village avait fait appeler. Comme s'il avait pensé dès le départ que personne ne viendrait.

« Pourquoi ça ? » Demanda le jeune homme, un peu curieux face à cette remarque.

« Hé ben, c'est que la bestiole qui menace notre p'tit village a déjà tué deux chasseurs… » Répondit-il en passant sa main sur sa nuque. Par gêne, probablement. « Donc je pensais pas que quelqu'un aurait encore le courage de venir jusqu'ici… »

« … Ils ne font que se trouver une mauvaise excuse pour ne pas venir… » Soupira le jeune homme. « Mais si je ne peux pas terrasser cette créature, j'ai bien peur que personne ne le puisse… »

Le propriétaire de la taverne ne releva pas cette remarque pouvant passer pour une fanfaronnade. Le chasseur qu'il avait en face de lui avait une apparence plutôt jeune, alors il avait des doutes quant à son expérience, malgré ce qu'il avait entendu à son sujet…

Au même moment, un homme d'âge mûr, roux avec une barbe épaisse, et vêtu d'un tablier marron à moitié attaché, fit son entrée dans la taverne. Il jeta un rapide coup d'œil, puis se dirigea vers les deux individus déjà présents.

« Bonjour Tiern. » Dit le nouveau venu en hochant la tête.

Le tavernier lui retourna un signe de tête, et reprit son nettoyage. L'homme fort qui venait d'entrer se tourna alors vers le jeune homme.

« Vous êtes le chasseur que le seigneur Hogain m'a recommandé ? » Demanda-t-il.

Le jeune homme hocha à son tour de la tête pour répondre par la positive à la question.

« Vous êtes le chef de ce village ? » Demanda-t-il à son tour.

Le vieil homme acquiesça et répondit :

« Oui, je suis Angus. Merci beaucoup d'être venu… Monsieur ? »

« Jesabell. Ewan Jesabell. Mais appelez-moi juste Ewan. » Dit-il en tendant une main vers Angus.

Le roux lui prit la main et la secoua franchement.

« Mon cher Ewan, merci infiniment d'avoir accepté notre demande. Nous désespérions de voir cette bête terrassée… Surtout après que deux chasseurs aient perdu la vie… » Il regarda autour de lui, puis retournant son attention sur le chasseur... « Suivez-moi, nous allons aller parler dans un endroit plus approprié. »

Sur ces mots, il entraîna Ewan à l'extérieur, sous les grognements de mécontentement du tavernier qui avait pris à la lettre la critique passive du chef du village.

Ewan détacha son cheval et suivit Angus jusqu'à une bicoque un peu plus grande que les autres. Il rattacha de nouveau son cheval, et suivit son guide et hôte à l'intérieur. Une maison en bois massif et sombre, et pleine de tapisseries de taille imposante posées sur le sol et suspendues sur les murs, se dévoila à chaque pas. Angus mena enfin le jeune homme dans une pièce comportant une très longue table, ainsi que deux fenêtres grandes ouvertes, qui laissaient le froid matinal et le doux soleil rentrer. Il pria le jeune homme de s'asseoir, et lui servit une tisane bien chaude à base de plantes locales.

« Encore une fois, je vous remercie d'être venu… Bien que votre âge me laisse un peu perplexe… » Commença Angus.

« On me le dit souvent. Mais ne vous fiez pas aux apparences, » dit Ewan en reposant sa tasse. « J'ai beau ne pas encore avoir atteint les 25 années, je suis tout de même relativement expérimenté. »

Le jeune homme était relativement franc dans sa façon de parler. Parfois même un peu trop. Mais bien qu'il ait l'air d'un vantard, le vieux Angus ne dit rien.

Ewan était sûr de lui en disant ces mots, ce qui avait tendance à mettre à l'aise les gens, et à les laisser accorder leur confiance à ce jeune homme, même s'ils venaient tout juste de le rencontrer. Et en effet, les apparences étaient parfois très trompeuses.

Ewan Jesabell était un chasseur de première catégorie. Trolls, orcs, géants, brigands renégats… Il avait un énorme tableau de chasse pour son âge, avec quasiment aucun échec à recenser, et aurait pu se vanter d'avoir pratiquement tout affronté, si il avait été le genre à le faire.

Mais bien souvent, les gens se méprenaient à son sujet à cause de cette apparence juvénile. Ce qui lui servait bien en cas de problèmes, car il pouvait s'en sortir en s'éclipsant sans que quiconque ne se doute qu'un jeune homme de 24 ans soit un chasseur de grande renommée.

Toutefois, sa réputation avait fini par l'amener dans cette région peu fréquentée du royaume de Nilferren, loin de sa zone habituelle d'intervention.

« Bien… Je vous explique donc la situation, » reprit Angus. « Depuis plus de deux mois, nous subissons des attaques. Rien qu'à voir les dégâts extérieurs, vous devez déjà vous douter que nous avons affaire à un Salamander… »

« Un cracheur de flammes ? Vous voulez dire un Dragon ? » Demanda Ewan.

« Tout à fait. Il a commencé par voler du bétail, ce que nous avons mis du temps à remarquer, pensant qu'il s'agissait de l'œuvre de loups. Et la Déesse sait qu'ils sont nombreux dans cette région… »

Ewan ne releva pas le discours religieux. Il n'était pas croyant, mais ne critiquait pas non plus. Il y était plutôt… Indifférent.

« Quelques jours après avoir commencé à penser qu'il pouvait s'agir de l'œuvre d'une créature racine, nous avons fini par l'apercevoir… » Reprit Angus. «Ses immenses ailes le portaient dans les airs au dessus du village, et il a alors commencé à venir brûler des maisons en bordure de forêt. Les hommes du village ont tenté de le chasser, mais c'est un dragon. Ces créatures sont viles et intelligentes. Il a donc attaqué en priorité les habitants qui pouvaient opposer le plus de résistance, et depuis, tous les villageois tremblent de peur. Nous avons donc tenté de faire appel à des chasseurs, et pour se faire, nous avons demandé les bons conseils du seigneur Hogain. »

Le seigneur Hogain devait être le chevalier en charge de toute la région, et donc du village, et de la potentielle récompense qu'Ewan pourrait toucher.

Mais à ce qu'il avait entendu précédemment, il avait déjà une nette idée de ce qu'il s'était passé.

« Les deux chasseurs ont échoué ? »

« En effet,» soupira l'homme âgé d'une quarantaine d'années. « Ils avaient réussi à localiser l'antre de la bête, quand ils se sont fait attaquer. On a retrouvé leurs corps calcinés et leurs armes et armures brisées sur le versant ouest de la montagne… il est possible qu'ils aient blessé le Salamander avant de rendre leur dernier souffle… Il faut dire qu'il y avait une quantité impressionnante de sang sur place… »

Ewan sembla pensif, mais leva son regard éclairé vers le chef du village.

« Si le repaire du Salamander est aussi proche, cela deviens urgent. Mais y aller dès mon arrivée serait suicidaire. Je pense partir à la recherche de cette bête demain. Pourriez-vous m'autoriser à passer la nuit ici ? »

« Bien sûr ! » S'empressa Angus, visiblement ravi. « Je vais vous faire préparer une chambre à la taverne ! »

Sur ces mots, il disparut de la pièce, se rendant de nouveau vers la taverne isolée du village.

Afin qu'il puisse passer la nuit sur place, une chambre ainsi que du fourrage pour son cheval furent préparés pour Ewan. Le soleil était déjà couché depuis bien longtemps, et seules quelques lampes à huile apportaient de la lumière à cette heure où tout le monde dormait.

Cependant, Ewan avait un mauvais pressentiment. Le jeune homme ne trouva donc pas le sommeil, et resta accoudé à sa fenêtre, les hennissements des chevaux et le ruissellement de la petite rivière longeant le village étant les seuls bruits audibles dans cette nuit fraîche.

Le vent se leva, et fit bruisser entre elles les feuilles des arbres environnants.

Son regard fut alors attiré par un point brillant. Un reflet, pour être plus exact. Pas plus de quelques secondes. Mais c'était plutôt inhabituel, sachant qu'aucune habitation n'était en cet endroit.

Et il le vit. Un fracas sans pareil éclata, suivi d'une rougeur incandescente. Deux maisons venaient d'exploser, et aussitôt, des villageois affolés, certains tenants des fourches et des lances, sortirent des maisons environnantes.

Le dragon était revenu.

Et hop! Vous rencontrez le héros de cette histoire, et les ennuis commencent déjà! Qu'est-ce qui attends notre jeune chasseur, seul face à un redoutable reptile cracheur de feu?

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