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Il va droit au but.

Tsukasa Heizo avait été assez étonné au départ, de recevoir un appel de son supérieur hiérarchique sur son téléphone portable plutôt que sa ligne fixe ; d'autant plus que les deux hommes travaillaient aujourd'hui. Le jeune homme aurait très bien pu chercher à le voir face à face.

« Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? » Demanda par politesse le Chef Tsukasa.

C'était un réflexe qu'il avait acquis durant toutes les années où il avait travaillé au Département Catastrophes Naturelles, et pendant lesquelles les Directeurs s'étaient rapidement succédés sans jamais vraiment s'éterniser ni s'impliquer. Heizo était donc prêt à parier que son nouveau supérieur hiérarchique allait lui demander quelque chose de totalement irréaliste.

Toutefois, le Directeur Utagawa avait rapidement expliqué qu'il était en dehors du bureau et avait besoin d'une information de sa part, et que lui seul pouvait le renseigner.

C'était plutôt raisonnable, comme demande.

« Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais hier soir, vous êtes arrivé relativement tôt au dîner d'équipe, » dit Takao.

Heizo se gratta le crâne, perplexe. C'était quoi cette question ?

« Oui, j'ai été parmi les premiers à arriver, mais je vois pas pourquoi vous avez besoin de savoir ça... » Dit Heizo, un peu perdu.

« En fait, je me souviens vous avoir vu prendre des photos des gens présents, et j'aurais besoin de retrouver quelqu'un... » Continua Takao, hésitant.

Il devait probablement être gêné de demander quelque chose à son subordonné, et Heizo ne put s'empêcher de faire la moue. S'il continuait comme ça, le nouveau Directeur allait se faire marcher sur les pieds.

« Voyez-vous, je me souviens de ce que cette personne portait, mais plus de son visage, » révéla Takao.

Ah, c'est ce qu'il voulait, n'est-ce pas ? Heizo avait déjà deviné où voulait en venir le Directeur Utagawa, mais était également agacé que le jeune homme reste à hésiter ; vague et imprécis sur sa demande.

Étant un homme assez franc et qui allait toujours droit au but quand il demandait un service à quelqu'un, Heizo n'aimait pas trop perdre de temps avec des palabres inutiles ; et vu l'attitude précautionneuse du nouveau Directeur, il craignait que la discussion ne s'éternise, et il avait très peu de patience dans ces cas-là.

Aussi, il eut la même attitude envers Takao, qui tardait à lui demander exactement ce dont il avait besoin, qu'envers n'importe quelle personne qui ne savait pas s'exprimer directement.

« Vous voulez voir les photos que j'ai prises ce soir, voir si la personne que vous cherchez y apparaît, pas vrai ? » Demanda-t-il brusquement.

Il y eut un léger silence à l'autre bout du fil, laissant Heizo imaginer que le jeune homme avait probablement été surpris par cette déduction si directe et en avait perdu momentanément la parole.

« O-Oui, » si ça ne vous dérange pas... » Concéda Takao. « J'aurais besoin de les voir le plus vite possible. »

Enfin, ils abordaient les choses sérieuses.

« Hum, ça ne me dérange pas, monsieur le Directeur, mais c'est bientôt la pause de midi, et vous n'êtes même pas au bureau, » dit Heizo, dubitatif. « Vous êtes sûr de pouvoir revenir avant la fin de la journée ? »

« Je ne suis pas si loin que ça du bureau, non, » répliqua Takao. « Je peux être là dans un petit quart d'heure. »

Heizo se gratta rapidement le menton. Pour une raison qu'il ignorait, le jeune homme semblait très pressé de voir les photos ; comme s'il allait manquer de temps s'il ne pouvait pas les voir dans l'heure qui suivait.

Y-avait-il quelque chose qu'Heizo ignorait ?

Il hocha les épaules, avant de conclure l'appel par un « À tout à l'heure » cordial, et raccrocha.

Observant pendant plusieurs minutes l'écran d'accueil de son smartphone, il se demanda s'il ne devait pas regarder les photos qu'il avait prises la veille, et ouvrit rapidement la galerie pour les afficher. Parcourant les clichés, il vit avant tout des photos de groupe, de tablées, et des selfies.

Y-avait-il vraiment quelque chose d'utile dans ces photos ? Et qui le Directeur cherchait-il à retrouver dans cette foule ? Et pourquoi ?

Discrètement, il jeta un œil vers l'autre côté de l'étage, vers la section Financière, et vit que tout le monde travaillait dans le calme. Ça n'allait attirer d'ennuis à personne, au moins ?

Le bruit ambiant de tout l'étage demeura égal et sans perturbation, ce qui rassura Heizo. Impossible que qui que ce soit de leur étage ait fait quelque chose de mal. Peut-être que le Directeur cherchait quelqu'un qu'il avait pris en photo, mais qui n'était pas de leur Département.

Au même moment, Takao fixa du regard son téléphone portable. Au moins, il avait déjà une piste à explorer en allant voir le Chef Tsukasa, même si ce dernier n'y était pas allé de main morte pour lui demander ce qu'il voulait. Il fallait juste qu'il retourne à l'immeuble de Marline Insurance pour aller à sa rencontre.

Une copie des enregistrements vidéos en main, il remercia le propriétaire du restaurant et se dirigea vers la ligne de métro la plus proche.

Il traversa les tourniquets en passant son badge de transport sur les bornes, puis consulta une grande carte représentant toutes les lignes de transport de la ville. Dans la précipitation, il avait préféré se déplacer par lui-même, plutôt que de prendre un taxi, ou de faire appel au chauffeur de son oncle. Il avait aussi procédé ainsi pour éviter de s'exposer aux yeux et oreilles indiscrètes qui traînaient près de Marline. Il était déjà passé très près d'avoir été découvert par ces employés qu'Hana côtoyait quotidiennement, alors il était pour le mieux de ne pas se faire remarquer.

Consultant les lignes qu'il devait emprunter pour retourner à Marline, il sentit une vibration répétitive dans sa poche. Il prit son téléphone en main, et fronça les sourcils. Son oncle était en train de l'appeler, avec son propre téléphone portable au lieu de la ligne directe branchée dans son bureau. Ce qui pouvait vouloir dire deux choses : soit son oncle était en dehors du bureau, soit le contenu de son appel était personnel.

Indécis, Takao décida de laisser son téléphone sonner, jusqu'à ce que l'appel soit terminé.

Toutefois, c'était sans compter sur l'insistance d'Utagawa Tetsu, qui non content d'avoir son appel ignoré, envoya un message écrit quelques secondes plus tard.

'J'aimerais manger avec toi, retrouve moi à cette adresse'.

Encore une fois, son oncle lui imposait une décision sans lui demander son avis, ce qui déçut Takao. Il n'était censé rester là que quelques mois tout au plus, et il devrait sûrement supporter en continu le comportement désagréable de son oncle.

Certes, il avait eu besoin d'un emploi, le temps de s'installer ; et le poste lui permettait aussi de développer ses compétences en matière de gestion du personnel. Pourtant, cela ne signifiait pas qu'il cèlerait à tous les caprices de cet homme. Oncle ou pas. Président de la compagnie ou pas.

'Je suis en déplacement, donc je ne suis pas disponible.' Écrivit-il pour lui répondre rapidement avant de ranger à nouveau son téléphone dans sa poche.

Il sentit l'appareil vibrer à de multiples reprises, signe que son oncle devait tenter de l'appeler, ou lui envoyait plusieurs messages à la suite pour le pousser à répondre ; mais ignora toutes les notifications. C'était son oncle qui avait eu besoin de lui au départ, et non Takao lui-même qui avait demandé à être employé dans son entreprise. Il n'était pas à la disposition permanente de son oncle, et étant à peu près sûr que celui-ci avait encore besoin de lui demander un service, le jeune homme jugea plus prudent de ne pas lui répondre davantage.

Au même moment, Utagawa Tetsu s'était retrouvé plutôt agacé par la conduite de son neveu. Il se doutait que ce dernier l'évite volontairement, et fronça les sourcils derrière ses lunettes aux verres carrés,

« Pourquoi est-ce que ce gamin ne réponds pas ? » Se plaignit-il à voix haute, plein de frustration.

Il avait beau essayer, son neveu ne répondait plus depuis son dernier message. Ce n'était vraiment pas de chance.

Serrant les dents, il posa avec agacement son téléphone sur la table pour s'emparer du verre de vin à moitié vide posé devant lui. Il en but lentement plusieurs gorgées, puis reposa le verre et le reste de son contenu sur la nappe blanche aux élégantes broderies dorées et noires.

La lumière provenant des multiples suspensions en laiton parées de pampilles en cristal était d'une couleur chaude, entre le jaune et l'orange, et projetait pour tout objet ou personne qu'elle rencontrait des ombres marrons ou noires .

S'emparant de la bouteille de Château Pavie 1985 posée au centre de la table, Tetsu remplit à nouveau son verre, avant de diriger le goulot de la bouteille vers le bord du verre à pieds de la personne avec laquelle il déjeunait.

« Je vous ressers ? » Demanda-t-il avec la voix toujours teintée par le mécontentement.

La jeune femme en face de lui acquiesça en soulevant son verre en direction de la bouteille, et se pencha légèrement en avant. La posture provocante révéla un peu plus sa poitrine déjà grandement exposée par le décolleté avantageux d'une robe aux drapés virevoltants. Un sourire se dessina sur ses lèvres colorées d'un rouge à lèvres rouge carmin, ses ongles vernis en bicolore avec du blanc et du rouge faisant tinter discrètement la surface du verre.

Puis, reposant la bouteille pour prendre en main le verre qu'il avait délaissé quelques secondes plus tôt Tetsu dit :

« Bon, et si nous parlions de vous, ma future belle-fille ? »

La femme en face de lui, Yamada Kiyo, prit une gorgée de vin avant de sourire un peu plus.

« Avec plaisir, Président Utagawa. »

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