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Le poids des regrets

Livia traversa la maison en ruine avec lenteur, ses pieds soulevant la poussière accumulée depuis des années. Chaque pas la rapprochait d'une confrontation inévitable, d'un souvenir douloureux qu'elle avait passé tant de temps à enfouir. Les murs semblaient respirer, réagir à sa présence, comme si le village lui-même savait qu'elle devait affronter ce qui se trouvait ici.

Son frère. Le souvenir de sa disparition ne l'avait jamais quittée. Une perte qu'elle n'avait jamais su accepter, encore moins expliquer. Ce soir-là, elle n'avait pas su le protéger, et depuis, ce sentiment d'impuissance avait façonné ses choix, l'amenant à fuir ses émotions les plus profondes.

Alors qu'elle s'avançait vers une vieille table couverte de poussière, des bruits de pas résonnèrent dans la pièce. Elle se retourna brusquement. Là, au centre de la pièce, une silhouette apparut : celle de son frère, telle qu'elle se le rappelait ce jour fatidique.

« Livia, pourquoi m'as-tu laissé ? » murmura-t-il, sa voix flottant dans l'air comme un écho lointain.

Le cœur de Livia se serra. Elle voulait parler, s'excuser, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Le village, ce lieu mystérieux, puisait dans ses souvenirs les plus douloureux et les rendait vivants, tangibles. La douleur qui remontait en elle était presque insupportable.

« Ce n'est pas réel, » murmura-t-elle en secouant la tête, tentant de s'ancrer dans la réalité.

Mais la voix de son frère, douce et accusatrice, perça à travers ses pensées. « Tu m'as abandonné, Livia. Pourquoi n'es-tu pas revenue pour moi ? »

Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle savait que ce qu'elle voyait n'était qu'une projection de ses regrets, une illusion forgée par le village et la pierre qu'ils avaient trouvée. Mais cela n'atténuait pas la douleur. Elle se sentait déchirée entre la culpabilité et la rationalité. Elle devait dépasser cette épreuve, accepter la réalité et, peut-être, se pardonner.

Pendant ce temps, ailleurs dans le village, ses compagnons faisaient face à leurs propres démons. Max, devant un miroir brisé dans une autre maison, revivait les conséquences de ses choix impulsifs, les visages de ceux qu'il avait trahis par insouciance. Anaïs, assise seule dans une vieille grange, entendait les échos de sa famille qu'elle avait volontairement abandonnée pour une vie plus libre, mais qu'elle regrettait de ne plus avoir.

Tom, quant à lui, errait dans une ancienne école du village. Les rires d'enfants résonnaient dans l'air, mais ce n'était pas des rires joyeux, plutôt des échos d'une époque lointaine. Il se revoyait adolescent, repoussant ceux qui lui avaient tendu la main, par fierté, ou par peur de l'abandon. Chaque coin de la pièce semblait raconter l'histoire de ses échecs relationnels.

Tous, à leur manière, étaient confrontés à une vérité : la pierre et ce village ne leur demandaient pas un sacrifice physique, mais un sacrifice émotionnel. Ils devaient accepter ce qu'ils avaient perdu, ce qu'ils avaient refusé d'affronter.

Livia, toujours face à la silhouette de son frère, sentit une étrange force la pousser à parler. « Je suis désolée, » murmura-t-elle, sa voix brisée. « Je… je n'ai jamais su comment te sauver. Je n'ai jamais su comment vivre avec ça. »

La silhouette s'approcha, tendant la main vers elle. Mais Livia ne recula pas. Elle comprit à cet instant que ce qu'on lui demandait n'était pas de changer le passé, mais d'accepter son incapacité à l'avoir fait. La culpabilité était inutile si elle n'apportait aucune paix. Il était temps pour elle de s'en libérer.

« Je ne pouvais pas te sauver, » répéta-t-elle, cette fois plus fermement. « Mais je vais me pardonner. »

À ces mots, la silhouette se dissipa lentement, laissant place à un silence apaisant. Livia se sentit soudain plus légère, comme si un poids avait été retiré de ses épaules. Elle ne pouvait pas changer ce qui s'était passé, mais elle pouvait apprendre à vivre avec.

Dehors, dans la nuit sombre, les autres commencèrent aussi à émerger de leurs propres épreuves, chacun portant encore la trace de leurs luttes intérieures, mais plus lucides. Max sortit de la maison voisine, l'air abattu, mais déterminé. Anaïs et Jules apparurent peu après, le regard distant, mais plus sereins.

Tom fut le dernier à rejoindre le groupe. Il ne dit rien, mais la gravité de ses yeux trahissait la profondeur de ce qu'il venait d'affronter.

Livia prit une profonde inspiration, brisant le silence. « Cette épreuve… elle n'était pas seulement pour nous tourmenter. Elle nous préparait pour ce qui viendra ensuite. »

Anaïs hocha la tête. « Ce village voulait que nous nous confrontions à nos plus grandes peurs. Mais il y a encore quelque chose… quelque chose de plus sombre qui nous attend. »

« Le sacrifice, » murmura Max, pensif. « Ce n'était qu'une partie de ce que l'homme a mentionné. Le vrai sacrifice est encore à venir. »

Livia passa une main tremblante dans ses cheveux. Elle le savait, tout comme les autres. Ce qu'ils avaient traversé dans ces maisons n'était qu'un prélude. Ils avaient surmonté une épreuve psychologique, mais il y aurait d'autres obstacles, d'autres sacrifices. La pierre, bien qu'elle leur ait donné du pouvoir et du savoir, leur demandait plus qu'ils n'avaient imaginé.

Ils devaient continuer, mais désormais, ils étaient plus forts, plus unis. Et, grâce à la pierre, ils pouvaient enfin comprendre les textes anciens qui leur avaient jusque-là échappé.

« Maintenant, nous devons trouver la suite, » dit Livia en se tournant vers le livre qu'elle tenait toujours dans sa main. « Ce village n'est qu'un chapitre de cette histoire. Si nous voulons comprendre pourquoi nous sommes ici, nous devons avancer. »

Les autres acquiescèrent. Le village, aussi étrange et oppressant qu'il fût, leur avait révélé une part d'eux-mêmes. Ils étaient prêts à affronter ce qui viendrait ensuite. Mais dans un coin de leur esprit, l'avertissement de l'homme mystérieux résonnait encore : le vrai sacrifice approchait, et il serait inévitable.

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