Une vibration inattendue secoua la terre avec une force impressionnante et un bruit fracassant s'ensuivit. La fresque de biche collée au mur se décrocha et se brisa en heurtant le sol.
La lampe tempête, ainsi que les assiettes et le gobelet sur la table positionnée à gauche de la pièce maîtresse, tremblèrent.
Le vase de roses en porcelaine tant aimé de Babida ne résista pas non plus au courroux de la terre. Il tomba du tabouret en bois au coin, à gauche du lit, et fit un tintamarre qui agressa ses oreilles.
Tel un léopard, l'élagueur se leva rapidement du sol et bondit vers la porte qu'il ouvrit d'un geste brut afin de jeter un œil dehors.
La nuit battait son plein. Le ciel était morose et la lune était grise, de mauvaise augure selon l'astrologie de l'empire Batang.
Les arbres s'étaient délestés de quelques branches. Les tôles de toiture désuètes étaient arrachées. Même la cage du chien du voisin était endommagée. L'animal domestique aboyait et sautillait de manière effrénée sur la pelouse du jardin.
Les gens du quartier sortirent de leurs maisons pour mesurer l'ampleur des dégâts. Ils plongèrent dans un chagrin encore plus grand lorsqu'ils aperçurent les signes de malheurs à venir dans le ciel.
Alors qu'ils interprétaient ceux-ci, un cri strident naquit à l'est. Il semblait provenir bien au-delà des limites de la cité impériale, Ékulé. Son intensité indiquait que son origine était la colline adjoignant le village voisin, Okundé. Et elle n'était rien d'autre que la montagne interdite.
"Quelque chose de terrible s'y produit encore dans cette colline maudite," maugréa Babida.
"Demain matin très tôt, je m'y rendrai pour découvrir le mystère," se résolut-il.
Il retourna à l'intérieur de la cabine et se reposa.
Le tremblement de terre avait cessé et la belle Suzie évaluait les séquelles sur le chalet.
Heureusement mais étonnamment, il était indemne. Même un seul verre ne fut brisé. Juste un peu de poussière se propageait et faisait éternuer la grand-mère.
"Mais, mais, qu'est-ce…qu'est-ce…que c'était, Suzie ?" demanda laborieusement la vieille femme à sa petite-fille tout en essayant d'étouffer l'éternuement.
"Particulièrement, le hurlement étrange qui émana de cette montagne damnée," précisa-t-elle.
Suzie était très occupée à détecter la moindre fissure sur les murs de la maison et ne payait donc pas attention à ce que sa grand-mère lui disait.
Elle menait son enquête très sérieusement. Elle cognait légèrement la façade intérieure du chalet pour tester sa solidité post-tremblement de terre. Cela dura un bon moment jusqu'à ce qu'une voix tonitruante l'interrompit.
"Suzie, m'écoutes-tu?" Grande mamie cria avec véhémence sur sa petite-fille qui l'ignorait.
Effrayée par les décibels élevées du ton de la matriarche, Suzie sursauta et perdit l'équilibre au point qu'elle faillit être renversée par la statue du lion de Katanga qui était placée à même le sol.
"Pardon, grande mamie !" Suzie s'excusa alors qu'elle avait les mains entrecroisées sur la partie haute de son Kaba.
"Euh, oncle Bibi possède certainement des réponses à cela," répondit-elle enfin à sa grand-mère.
Toc, toc!!! Toc, toc!!! Toc, toc!!!