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CHAPITRE 17 VOL

C'est ainsi que la soirée commença au coeur de la vallée des loups garous. Maître Guillaume eut droit à un rapide résumé de la rencontre d'Eowyn et Adrien. Rencontre qui avait motivé son souhait de le revoir. Face à son silence, elle s'était inquiétée et s'était rendue chez lui, où elle avait découvert un décor correspondant à un enlèvement.

Yohan expliqua alors comme il avait suivi la piste à travers le jardin, puis au-delà de la rivière. Il parla de la découverte des médaillons. Katherine expliqua alors comment ils avaient décrypté les messages qui les ornaient. Mark précisa à quel point la demande de Maître Guillaume les avait perturbés et pourquoi ils avaient décidé de ne pas tout lui révéler, faisant passer la vie du vieil homme avant tout. Il décrivit les préparatifs et leur départ au matin. Jonathan s'agaça des nombreux périls rencontrés ce jour, jusqu'à la découverte du campement.

Durant tout ce temps, un étonnement figé avaient progressivement gagné la figure des loups garous. Maître Guillaume caressait sa barbe avec un sourire. Ses yeux brillaient de malice.

— Tout cela est fascinant, mes enfants, fit-il doucement. Et qu'en est-il du rat ?

— Le rat ? s'étonna Mark.

— Curieux ! commenta le vieil homme. Vous ne l'avez pas rencontré, alors que lui vous a clairement identifié.

— Je ne comprends Maître.

— Qui vous a laissé les médaillons à votre avis mes jeunes amis, mis à part celui qui devait trouver le sabre et le rapporter au Capitaine Théodore, celui à qui il ne restait à trouver que mon médaillon pour avoir accès au sabre. Edward, probablement sous sa forme de rat, vous a observé et a vite compris que vous étiez plus habiles que lui à trouver des indices, il vous a laissé passer devant.

— Et il s'est visiblement égaré derrière nous, fanfaronna Jonathan.

— Je me demande… murmura le vieil homme. En tous cas, reprit-il d'une voix plus claire, nous ne pouvons pas remettre le sabre dans son socle, puisque celui-ci a été réduit en poussière par ce jeune sorcier.

Adrien se tassa sur lui-même, un peu honteux. Eowyn lui pressa la main, sentant ses émotions négatives. Maître Guillaume continua :

— Je suppose que le test est caduc. Et, puisque nous ne pourrons pas en faire passer d'autres, parce que le secret s'est ébruité en dehors des murs de l'académie de Traque, Axel, je t'offre ta récompense pour m'avoir camouflé de nombreux jours, sans jamais exprimer de lassitude.

Il s'empara alors du sabre, le tenant à l'horizontal, lame à plat dans ses paumes ouvertes et s'inclina respectueusement devant le chef des loups garous. Celui-ci s'inclina à son tour et attrapa l'arme par la fusée entre le pommeau et la garde ornementés. Il l'observa longuement à la lumière du feu de camp, le soleil s'étant évanoui depuis longtemps. La voix de Jonathan s'éleva alors :

— Mais cette arme porte malheur !

— Seulement si elle est acquise d'une mauvaise façon et pour de sombres desseins, lui répondit Maître Guillaume. Or, je l'offre sans aucune arrière-pensée à Axel et lui ne compte pas l'utiliser pour autre chose que sa propre défense. Les loups garous n'utilisent pas d'armes humaines pour la chasse, leur forme lupine suffit. Allons, jeunes gens, il est temps de prendre congés de nos hôtes, fit-il en se relevant, imités par les sorciers. Mais avant…

D'un geste leste, il leva ses bras et les bougea dans les airs d'une manière si harmonieuse, que l'on eut dit qu'ils dansaient. Les tentes se redressèrent, les toiles se tendirent, le bois qui les maintenait droites craqua, grinça et claqua à de nombreuses reprises, puis le silence revint. Le camp était tel que les jeunes sorciers l'avaient découvert avant leur intervention. Bouche bée, Adrien serrait maintenant Eowyn contre lui. Mark les observait, résigné.

— Merci encore pour ton hospitalité, mon ami, dit Maître Guillaume en enlaçant le chef de meute, qui lui retourna son étreinte avec un sourire.

— Ce fut un plaisir de passer ces quelques jours en ta compagnie, vieux fou.

Les deux hommes se séparèrent le sourire aux lèvres. Les jeunes sorciers s'excusèrent d'avoir détruit le campement et de les avoir attaqués. Axel les assura qu'aucune rancune ne serait gardée à la suite de leur action, qu'au contraire, cela ferait une bonne histoire à raconter autour du feu. Les sorciers s'éloignèrent alors du campement et s'enfoncèrent dans la forêt, suivant Maître Guillaume. Celui-ci s'orientait sans lumière, sans carte et sans hésitation…

Eowyn expliqua silencieusement, via ses pensées, à Adrien, que son Maître voyait les choses différemment des autres. Il percevait les auras, l'essence même des créatures, mais aussi les traces des sortilèges et donc également les portes magiques. Il était probablement, déduisait-elle, en train de les conduire à la dernière porte qu'il avait ouverte pour retourner à la Citée Blanche d'où ils étaient partis le matin même. Le petit groupe ne tarda pas à se retrouver face à une falaise. Les jeunes sorciers s'arrêtèrent à quelques pas de Maître Guillaume, qui, élevant les bras, prononça d'une voix profonde et grave :

« Dans la roche, la porte est close

et cache de nombreuses choses.

Elle s'ouvrira à tout sorcier

Qui aura demandé de l'usité.

Porte magique, je voudrais aller

à la Citée Blanche et ma maisonnée

Montre-toi, quitte ton camouflage,

afin de retrouver ton premier usage. »

 

Un rayon de lune frappa alors la falaise et des traits brillants et argentés se dessinèrent sur la roche formant une arche décorée de runes liées. Il les lut au travers des pensées d'Eowyn, qui les déchiffrait avec curiosité. Il apprit ainsi que ce style de rune était appelé « graphème » et qu'en résumé, il y était écrit la même formule que celle prononcée à haute voix par Maître Guillaume, ainsi que des runes de protection permettant d'éviter le passage de visiteurs indésirables.

Des sillons creusèrent progressivement la roche, qui prit une nuance plus chaude, jusqu'à se parer d'une couleur marronné. De larges poignées en fer pourvues d'anneaux à chaque battant étaient finement décorées de pattes de félin. Les charnières étaient solidement fixées à la porte par des plaques larges clouées dans le bois. Lorsque le sorcier tira sur les poignées, un cliquetis se fit entendre et les portes s'ouvrirent doucement sur un salon. Adrien reconnut la pièce qu'il avait explorée quelques jours plus tôt. Une fois que tous furent passés de l'autre côté, Maître Guillaume tira sur les portes pour les refermer et elles se fondirent dans le mur en pierre.

La pièce était aussi sombre que dans le souvenir d'Adrien. Eowyn se dirigea sans hésiter dans un coin de la pièce. Une flamme jaillit aussitôt dans la cheminée. Elle balaya d'un revers de la main le reste de la pièce et une volée de bougie s'allumèrent. Le vieux sorcier leur demanda alors à tous de prendre place dans les canapés regroupés autour du feu. Ils s'assirent confortablement et il leur proposa un bol de soupe pour les réchauffer.

Mine de rien, le climat tempéré, mais moite de la vallée des loups garous les avaient progressivement refroidis et le coucher du soleil avait rendu encore plus inconfortables leurs vêtements humides. Eowyn frissonna, gardant contre elle la main qu'elle avait tendue en direction des bougies. Adrien prit sa main glacée dans les siennes et souffla doucement dessus. Un sentiment de bien-être émana aussitôt de la jeune femme et il n'en fallut pas plus pour le rendre heureux.

Une fois leur soupe avalée en silence, Maître Guillaume invita Eowyn à le rejoindre. Il tendit alors la main, paume vers le haut et elle la saisit sans aucune hésitation. À travers ses pensées, Adrien comprit qu'elle lui montrait ses souvenirs de ces dernières semaines, de sa prise de bec avec Jonathan ce matin, aux essais culinaires désastreux de sa mère. Quelques gloussements échappèrent à Adrien, ce qui lui valut un coup d'oeil intrigué des autres. Lorsque vinrent des images de lui et son tatouage, le vieil homme lâcha un « Oh » de surprise.

— Puis-je ? Demanda-t-il, en lâchant la main d'Eowyn et en tendant la sienne vers Adrien.

Celui-ci réfléchit quelques secondes avant de répéter le même geste que sa camarade.

— Ne t'inquiètes pas, l'encouragea-t-elle, il ne peut voir que les souvenirs que tu décides de partager avec lui.

Oh ! Voilà qui changeait tout ! De nombreux souvenirs refirent alors surface, mais Adrien essaya tant bien que mal de ne pas penser à l'incident du gymnase. De temps en temps, des flashs de flammes gigantesques faisaient irruption, mais bien vite d'autres événements les remplaçaient. Maître Guillaume le regardait intensément, scrutant ses changements d'humeur au fur et à mesure que le fil de la vie du lycéen se déroulait dans sa tête. Adrien en aurait juré. Bien qu'il n'en montrât rien, le vieil homme décelait un hiatus dans ses souvenirs. Il se tourna vers Eowyn, qui se montrait tout aussi intriguée que son mentor.

— Eh bien, voilà qui est intéressant, jeune homme, se borna à dire ce dernier. Il est dommage que tu n'aies rencontré personne de notre monde avant Eowyn, non que cette rencontre ne te fût bénéfique, bien au contraire. J'ai toujours su que tu ferais un excellent professeur mon enfant.

Il posa un regard bienveillant vers la jeune femme qui rougit en secouant la tête. Son compliment la toucha, mais elle ne put s'empêcher de penser qu'il n'était pas très objectif. Elle ne pensait pas être prête pour prendre un élève en apprentissage. Mais son maître pensait tout autrement, puisque, semblant lire dans ses pensées, Maître Guillaume la regarda avec bienveillance en ajoutant :

— Le destin en a déjà décidé très chère. Adrien est ton élève. Regarde ton tatouage, si tu en veux la preuve.

Intriguée, la jeune femme ramena le tissu de son tee-shirt à son coude, un tigre majestueux regardait Adrien de toute sa hauteur, de fines arabesques entremêlées de runes et de kanjis l'encadraient. Un idéogramme se détachait du lot. Eowyn l'avait déjà repéré, mais ne maîtrisait pas suffisamment les kanjis pour connaître sa signification. Yohan vint à son aide :

— Cela signifie « maître ».

— Adrien a quant à lui « discipulus » tracé près du creux de son coude, reprit Maître Guillaume.

Incrédule, Adrien observa son tatouage, à présent visible sur son avant-bras. Eowyn croisa son regard, partagée entre l'incrédulité et la tristesse. Adrien comprit à demi-mot que sa relation avec la jeune femme n'irait pas plus loin que la courtoisie ne le permettait tant qu'il serait son élève. Elle n'envisageait en aucune façon d'entremêler son rôle de tutrice avec celle d'une petite amie. Son coeur se serra, mais il sourit timidement à Eowyn pour lui montrer qu'il comprenait son choix et le respectait. Leur échange silencieux n'avait pas échappé à Maître Guillaume, qui retint un sourire en détournant le regard vers la cheminée.

— Nous irons voir Théodore demain matin, jeunes gens, décréta le vieil homme. Il se fait tard et nous devrions nous coucher. Je vous proposerai bien de dormir ici, mais j'ai vu que vous refuseriez…

— Nous n'avons pas beaucoup de chemin à parcourir maître, acquiesça Eowyn. Et puis, nous dormirons mieux dans nos lits respectifs, plutôt que sur un canapé ou dans une chambre inconnue.

— Très bien, mes jeunes amis. Je vous donne rendez-vous demain à 9H ici. Vous pourrez passer par la porte d'entrée officielle cette fois-ci. Je serai là pour vous ouvrir.

Quand ils prirent congé de Maître Guillaume, il était vingt-trois heures passées. Arrivés chez eux, ils prirent rapidement le chemin de leurs chambres respectives, soudainement las et fatigués après le stress accumulé ces derniers jours. Seuls Eowyn et Adrien mirent du temps à s'endormir, pensant l'un à l'autre sans savoir s'il s'agissait des réflexions de leur camarade ou de leur pensée propre. Adrien finit par s'assoupir enveloppé par une douce torpeur après qu'Eowyn ait récité une formule d'apaisement, ce qui n'empêcha pas le jeune homme de faire d'elle l'héroïne de ses rêves.

***

Le lendemain, ils prirent le chemin de l'allée des songes en plaisantant gaiement. Arrivés au seuil du manoir, Mark attrapa le lourd heurtoir ouvragé de la porte et frappa trois coups brefs. Des pas et plusieurs voix se rapprochèrent et deux hommes leur ouvrirent la porte. Ils reconnurent Maître Guillaume et Axel. Que faisait le loup garou ici ? Leur hôte leur dit d'une voix grave :

— Mes jeunes amis, entrez. Il semblerait que notre affaire ne soit, comme je le craignais, pas encore réglée.

Se faisant, le vieil homme s'écarta pour les laisser passer et leur indiqua la direction du salon. Les rideaux avaient été tirés et de grandes baies vitrées donnant sur le jardin multicolore inondaient la pièce d'une lumière chaleureuse. Ils prirent place sur les canapés et fauteuils, s'interrogeant du regard.

— Je sais que vous êtes surpris de me voir, commença Axel, mais il est arrivé quelque chose d'étrange cette nuit. Ernest a été attaqué alors qu'il gardait le camp pendant notre partie de chasse. Le sabre nous a été dérobé.

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