Vieille amie

La silhouette s'approcha, un grand sourire aux lèvres. Elle avait l'apparence d'une jeune fille.

Elle avait des cheveux mouillés qui lui tombaient autour du visage et dans le dos. Son visage innocent et enfantin avait deux yeux ronds et rouges, sa peau était livide et elle n'avait pas de jambes visibles. On aurait dit que la moitié de son corps se trouvait dans la brume.

La brume embrassa le corps froid d'Arja et le retourna avant de la soulever, prête à l'empaler sur le pieu dans la rue à côté des autres.

Le pendentif d'Arja tomba de sa chemise et la silhouette remarqua le bijou brillant. La brume ramena son cadavre vers la silhouette, elle attrapa le pendentif avec sa main. Ses longs ongles étaient comme des griffes argentées. Elle analysa le pendentif pendant un moment avant d'ouvrir les yeux avec stupéfaction. Une voix provenant de partout dans la ville s'éleva et brisa le silence de mort.

"Arja ?!"

En quelques mouvements rapides, Arja fut transportée dans une autre zone en dehors de la ville. Le lac où ils passaient du temps pour se détendre autrefois s'était transformé en marécage. Le lac n'était plus et l'eau allait partout, se mélangeant au sang et autres fluides des morts alentours. L'odeur et la vision de cet endroit étaient particulièrement terribles.

De l'autre côté, il y avait une petite cabane en bois. Arja fut placée sur ce qui semblait avoir servi de couchage il y a bien longtemps. Il s'agissait d'une planche sans confort particulier. Seule sa taille pouvait faire croire qu'il s'agissait d'un lit.

La silhouette sauta sur le corps fraîchement mort. En une seconde, elle ouvrit la bouche et deux grandes canines furent soudainement visibles, elle mordit son bras et le jeta sur le visage d'Arja.

"Oh non non non non, il faut que ça marche, dis-moi que ça marche ! Arja !!!"

La créature perdait le contrôle, car elle paniquait de plus en plus. Arja se mit à tousser.

"Arja ? Je suis vraiment désolée Arja. Tu vas bien ?"

Arja ouvrit les yeux, elle chercha d'abord Hagalaz et fut soulagée de le voir dormir par terre près d'elle, puis, elle fut stupéfaite par ce qu'elle vit et ne put retenir un cri.

"Altraya ?!"

Arja réalisa très vite que son amie n'avait pas du tout vieilli. Elle était la même adolescente que lorsqu'elles s'étaient vues pour la dernière fois. Altraya se jeta au cou d'Arja, elle l'embrassa avec joie.

"Arja, je suis si heureuse de te voir. Tu es vivante. Je suis si heureuse !"

Arja n'en croyait pas ses yeux, elle était soulagée de voir son amie puis, lorsqu'elle tenta de la serrer dans ses bras en retour, elle vit ses mains passer à travers son corps. Après avoir regardé de près, le corps d'Altraya n'était plus qu'une moitié de corps, sa partie inférieure et sa taille n'étaient que du brouillard.

"Altraya, que t'est-il arrivé ?

Altraya se releva, toujours assise sur le corps d'Arja. Arja remarqua que son amie n'avait pas de poids, elle n'avait pas de forme solide.

"La même chose que ce qui va t'arriver très bientôt, ma sœur."

Après ces mots, la tête d'Arja commença à brûler. Elle sentit tous ses muscles se contracter, comme s'ils essayaient de s'échapper de son corps. Le feu la brûlait de l'intérieur. Elle cria aussi fort qu'il était humainement possible de le faire.

"Qu'est-ce que c'est que ce b****l !!!"

Arja roula sur le sol, les mains sur la tête, elle essaya de s'arracher les cheveux et la peau. La douleur était insupportable et elle hurlait avec une voix de souffrance indescriptible. C'était un mélange de rage, de douleur, de tristesse et de tant d'autres émotions. Elle fut submergée par l'adrénaline très rapidement et se leva, sans penser à ce qui se passait, elle se jeta à travers le mur en bois, y faisant un énorme trou, puis elle courut à l'extérieur dans le marais. Au bout d'un certain temps, sa vision se troubla. Elle regardait les choses autour d'elle, furieuse. Tout apparaissait rouge devant elle et elle avait ce besoin irrésistible de tout démolir.

Elle avait l'impression qu'une bête se déchaînait, que la frustration de toutes ces années de souffrance la submergea en une seconde. Elle n'eut aucune force de résister. Elle n'avait aucune envie pour le moment de la contrôler. Elle plaça un premier coup de poing dans un mur comme s'il était fait de sable, c'était une vieille maison près du lac. Le poing d'Arja saignait et cela l'excita encore plus. Il lui en fallait plus, alors elle donna des coups de poing, encore et encore. Elle hurla de rage après chaque coup de poing, chaque assaut était plus brutal que le précédent.

Arja démolit un quartier entier en un rien de temps et courut jusqu'au palais. Arrivée à la place principale, elle s'arrêta et cria. Comme dans son rêve, une petite tornade se forma autour d'elle et commença à démolir tout ce qui l'entourait. Les cadavres laissés sur le sol depuis des années volèrent au gré du vent.

Arja était au milieu de la place principale de la capitale, hurlant de rage, entourée de cadavres et de morceaux de squelettes qui semblaient danser autour d'elle tandis que le vent ravageait les bâtiments alentour et éjectait des briques et autres pierres un peu partout. Arja était submergée par la colère. Elle haletait entre deux cris. Sa vision était floue, elle voyait l'entrée du palais où l'explosion s'était produite, et elle voyait la route principale où les corps étaient exposés comme des trophées. Elle plaça ses deux mains sur sa tête, elle avait l'impression d'être sur le point d'exploser. Le sang commença à couler le long de ses cheveux entre ses doigts et lorsqu'elle regarda ses mains, elle s'arrêta immédiatement pour hurler.

Ses doigts étaient devenus des griffes, ses ongles étaient désormais longs, pointus et argentés. Ils étaient solides et tranchants comme des armes. Elle fut horrifiée de voir ses mains. Elle avait changé et elle ne savait pas encore en quoi.

En fermant la bouche, elle sentit un goût sanglant, elle passa sa main sur ses lèvres et elle sentit que sa bouche changeait aussi. Elle avait maintenant de longues canines de chaque côté de ses dents.

Altraya apparut devant elle avec un sourire.

"Je ne m'attendais pas à ce que tu aies autant de haine en toi, Arja. C'était très impressionnant."

Arja eut le réflexe de mettre sa main sur la gorge de son amie, elle était furieuse de la voir, malheureusement, sa main traversa son corps sans rien toucher de solide. Arja était sans pitié et la frappa aussi fort qu'elle le put. Ses poings traversaient son corps. Aveuglée par la rage, elle se jeta sur Altraya et se blessa au sol. Altraya s'approcha, s'accroupit et lui parla d'une voix douce.

"Tu ne peux pas me faire de mal Arja, personne ne le peut. Viens avec moi."

Altraya se déplaçait lentement, flottant dans la brume. Pendant qu'elle marchait, Arja se rendit compte qu'elle était étourdie. C'était une sensation étrange, elle était absente de son corps, mais en même temps, elle souffrait énormément. Elle se sentait lourde et chaque pas était douloureux. Elles suivirent la route principale et tournèrent juste avant l'ancien vendeur de tissus. Arja regardait avec regret les rues de son enfance et toutes ses émotions se déchaînaient. Ils s'engagèrent dans une petite ruelle sombre.

"Quand nous étions jeunes, je le suivais là et je le perdais à chaque fois. Je ne comprenais pas où il allait. Tu te souviens d'Arja ? Le monstre blanc. Il m'obsédait tellement."

Arja écoutait, essayant de garder son calme avec beaucoup de difficultés, elle était complètement désorientée avec une envie irrésistible de tout éclater autour d'elle. Altraya marchait devant elle sans lui prêter attention. La rue sombre se termina et il n'y avait rien à voir. Altraya posa sa main sur quelques pierres du mur devant elle dans un ordre précis. Puis, un mécanisme s'activa, déplaçant les pierres du mur pour laisser l'espace nécessaire à une personne de passer. Derrière, il y avait un tunnel qui s'enfonçait profondément sous terre. Arja s'apprêtait à allumer une lampe, les mains tremblantes. Ses griffes rendaient les choses extrêmement compliquées. Altraya l'arrêta.

"Tu n'as plus besoin de ça. Suis-moi."

Après quelques pas seulement, elles se retrouvèrent dans l'obscurité totale. Arja se rendit compte qu'elle était capable de voir dans l'obscurité totale. Elle ne comprenait pas encore ce qui lui était arrivé, mais elle suivit son amie. Elles empruntèrent un long chemin qui semblait avoir été creusé à mains nues, Arja vérifiait de temps en temps le plafond, elle pensa qu'il pouvait leur tomber dessus à tout moment.

Altraya s'arrêta soudain et lui montra quelque chose. Arja pensa qu'il s'agissait d'un autre de ses rêves étranges, que rien n'était réel. La chose devant elle était un miroir. Elle fut choquée de voir son reflet après tant de temps. Elle toucha inconsciemment le cache-œil sur son visage.

Elle regarda attentivement et vit la blessure dans son cou, le sang séché sur elle était si abondant qu'il couvrait le haut de sa poitrine, son cou et sa poitrine, puis elle regarda l'armure brillante, ce chef-d'œuvre cachait un corps massacré. Elle n'avait pas réalisé à quel point elle avait changé après la perte de Typhon.

Altraya lui prit la main et entra dans le miroir. Arja la suivit sans poser de questions. Une fois de l'autre côté, Arja découvrit une grande salle circulaire. Elle comprit qu'ils se trouvaient sous la salle du trône grâce à la structure de la salle et aux colonnes.