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Une vieille amitié

La mort est une vieille amie. Elle a déjà croisé mon chemin, il y a bien longtemps. J'avais essayé désespérément de la rejoindre. À l'époque, je ne me rendais pas encore compte de mon erreur. J'étais jeune et inconsciente. Je ne voulais pas souffrir, mais tout simplement cesser d'exister. Comme une bougie à qui on éteint sa flamme. Je ne voulais plus faire partie de ce monde. Je pensais que vivre était une dette envers autrui et que sans autrui, je n'avais plus de raisons de continuer ainsi.

Mes parents sont morts dans un accident de voiture lorsque j'avais dix ans. C'était le 15 juillet, pendant les vacances d'été. Nous étions sur l'autoroute, en chemin vers la mer comme chaque année. Un camion qui roulait à notre gauche a glissé et a percuté la voiture. Je ne me souviens plus de grand chose après car je suis devenue inconsciente pendant un moment. Quand j'ai enfin réouvert les yeux, tout était flou, mais je distinguait tout de même les lumières rouges et bleues de la police et des ambulances, arrivés pour tenter de nous aider. Plus tard j'étais dans un lit d'hôpital, à côté d'autres personnes. Je pense que c'était mes parents, mais ils étaient trop défigurés pour que je les reconnaisse immédiatement. Les médecins qui discutaient en nous regardant avait l'air très inquiets. J'ai senti dans leurs regards que quelque chose n'allait pas.

Tout d'un coup, la réalisation de ce qui c'était passé m'a frappée. Mes parents n'allaient pas s'en sortir, ils reviendrait jamais du sombre sommeil qu'était la mort. Le pire dans tout ça, c'est que j'ai assistée sans le savoir aux derniers instants de leur vie. J'ai été au premier rang pour voir la seule famille que j'avais me quitter. Et avant que je ne m'en rende compte, j'étais devenue orpheline.

Dès que j'étais libérée de l'hôpital, j'ai été internée dans un orphelinat. Celui-ci avait été choisit par facilité, car il se trouvait pas très loin de mon école. J'étais attribuée un dortoir, partagé avec d'autres filles de plus ou moins le même âge que moi. Je n'ai jamais pu revoir mon ancienne maison, toutes mes affaires ont été envoyés directement à l'orphelinat. J'avais l'impression d'avoir été transférée dans une prison. Tous les couloirs, dortoirs et salles de bain communes étaient similaires, même les murs se ressemblaient.

Je me sentais très seule dans ce grand bâtiment. J'avais ni soeur, ni frère, ni amies pour me donner compagnie. J'avais beaucoup de mal à m'intégrer dans l'internat. Pour les autres internes je n'avait pas ma place ici, j'étais celle que l'on regardait de travers. Ce qu'ils ne comprenaient pas c'est que je ne voulais pas rester ici non plus. Même à l'école les choses ont changées, les rumeurs se sont vite répandues. Mes amies se sont distancées de moi, et après quelques semaines j'étais réellement seule.

À quinze ans, je n'avais plus aucun sentiment, émotion, plus aucune envie de vivre. Sans envie j'avais plus de faciliter à vouloir rejoindre mes parents. Mon premier essai de suicide était tout simplement en sautant du haut du bâtiment. Tout simplement vous me diriez est un drôle de choix de mots, mais c'est le bon car à ce moment cela me semblait comme la chose la plus facile à faire. J'avais trouvé l'escalier qui menait au toit de l'établissement, après quelques mois d'avoir vécu ici. C'était simple, j'allais me jeter au dessus du bord et tomber jusque'à rejoindre le sol et la mort en même temps. Malheureusement ou heureusement, cela dépend de la manière dont on regarde les choses, quelqu'un m'avait vu monter, et est venu m'empêcher de sauter.

J'étais alors envoyer tous les mardis et jeudis soirs chez une psychologue, qui essayait de me dissuader de recommencer. Malgré sa gentillesse et sa patience, elle ne pouvait rien faire, car j'avais seulement cette idée en tête. Quitter cet endroit, quitter ce monde. Cela me semblait être la seule solution possible.

L'année suivante, j'avais retenter de me suicider, cette fois en me coupant les veines avec un couteau que j'avais pris de la cuisine. Je me souviens que j'avais eu du mal à me le procurer, car les cuisiniers rodaient toujours autour des ustensiles. Une fois de plus, un interne m'a aperçu tenant le couteau lorsqu'il passait dans les couloirs et est aller alerter les surveillantes. Je me détestait tellement en ce moment-là, je n'étais capable de rien, même pas de mourir. La psychologue et les docteurs qui m'ont soigné avaient tout de même de l'empathie pour moi, la fille qui a essayé sans réussir. Personne ne voulait de moi, même pas la mort.

Malgré mes essais précédents, je ne recommença plus. J'ai terminé mes études, et à dix-huit ans je suis sortie de cet orphelinat. J'étais enfin libre, et le traumatisme de mon enfance pesait beaucoup moins sur mes épaules.

Aujourd'hui je fête mes quatre-vingt neuf ans. Je suis tellement contente que je n'ai jamais réussit à rejoindre la mort avant que mon heure ait sonnée. En écrivant ce petit mémoire, je me rappelle de tout ce que j'aurais pu rater si j'avais réussit à me suicider. Je n'aurais jamais rencontré toutes les belles âmes qui m'ont aidées, et aimées. Je n'aurai jamais connu mon mari, cette personne si charitable, emphatique, généreuse, qui m'aime tant et que j'aime tant en retour. Je n'aurai jamais vu l'Italie, l'Afrique, la Chine, le Brésil, et tous les endroits de mes voyages durant ma vie. Je n'aurais jamais connu le sentiment de pleinement aimer vivre, de vouloir continuer. Toutes ces choses que j'ai vécu, n'auraient jamais pu avoir lieu si la mort m'avait prise toutes ces années auparavant.

Je sens en ce moment que la mort viendra bientôt me chercher, pour m'emmener avec elle. Je rejoindrai enfin mes parents, dan l'au-delà. Mon heure a sonnée et je ne regrette rien de ma vie. Même si ma vie vient à sa fin, je n'ai plus peur et j'accepte la mort à bras grands ouverts. La mort est une vieille amie.

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