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Chapitre 54 : Un dure présent.

Un violent retour à la réalité, voilà ce que venait de vivre le jeune homme brun aux mèches blondes, Salvatoris, étendu dans un hangar en ruine. Il venait de lire les souvenirs d'une autre personne, Reiner. Plus rien ne lui paraissait normal. Sa propre personne ne lui paraissait plus normale. Était-il Reiner, cet homme ayant vécu il y a des millénaires quand l'humanité était à son apogée, ou Salvatoris, ce jeune nécromancien ayant toujours rêvé de ressusciter le héros légendaire ?

Plus rien ne lui paraissait logique, ni même réel. Toute l'adoration qu'il vouait à ses dieux se mêlait à un dégoût indescriptible, étant pourtant fusionné à une immense gratitude. En parallèle, toute la haine qu'il ressentait à l'encontre des démons s'était transformée en gratitude. À moins que ce ne soit pas réellement ses sentiments lié à ses nouvelles connaissances du passé, mais plutôt ce que lui dictait les souvenirs de Reiner. Cependant, avant qu'il ne se perde dans cet affre de confusion, une voix à la fois si familière et étrangère l'appela.

"Sa-alvatoris ? Salavatoris ? Tu vas bien ?"

La voix provenait d'une magnifique synthétique aux longs cheveux roses assise non loin de lui. Son état était déplorable, à peine réparé avec le bric et le broc présent dans le hangar où ils résidaient. C'était un véritable miracle de la voir encore fonctionnelle. Cependant, sa voix douce et dépourvue de la moindre impureté contrastait grandement avec cette apparence si vieillie. Elle-même n'y croyait pas alors qu'elle fixait sa gorge. Sa voix était redevenue ce quel était autrefois, et non plus ce bruit parasite à peine audible !

"Je...oui ça va Alice."

Répondit maladroitement Salvatoris en fixant les longs cheveux roses d'Alice ayant depuis bien longtemps perdu de leur éclat, ainsi que de leur superbe. Il n'avait même pas remarqué sa voix tant il était perdu dans ses pensées. Et, bien que revenu à la réalité, son air confus n'échappa pas au regard d'Alice. Après avoir balayé du regard le hangar vierge de toute présence autre que celles des androïdes mis en veille proche d'eux, elle prit la parole d'une voix incertaine.

"Te sououviens-tu de qui tu es-est ?"

Salvatoris fixa Alice d'un air confus. "Qui il était ?" C'était une excellente question. Ses souvenirs étaient clairs, limpides même, mais, était-ce vraiment les siens ? Plus il y pensait, moins arrivé à une conclusion semblait probable. Remarquant celà, Alice mit l'une de ses mains sur son épaule, parlant en essayant difficilement de se relever.

" Tu n'appartiens pas à mon monde. Nous ne nous connaissons pas. Tu n'es qu'un homme ayant vécu en ce bas monde, pas Reiner."

Ses paroles semblaient quelque peu brusques, cependant, ce fut le déclic qui fit écarquiller les yeux de Salvatoris. Reiner. En-dehors d'être le nom par lequel on l'appelait, c'était aussi le nom du héros de la légende qu'il aimait tant. La légende que sa mère lui comptait chaque soir. 

La légende d'un jeune garçon s'étant dressée en compagnie des dieux contre les tyranniques démons. La légende de la libération de l'humanité et toute autre espèce. Une légende qui n'était rien de plus qu'un tissu de Mensonge.

" Non...on ne m'a jamais appelé Reiner..."

Murmura en réponse Salvatoris. C'était comme si sa tête menaçait d'exploser à tout moment. Peu importait à quel point il serrait sa tête, la douleur ne cessait de croître. Oui, il était Salvatoris, mais chaque souvenir qu'il avait vu, ils étaient les siens désormais. Alors, comment arriver à trouver un équilibre pour retrouver qui il était vraiment ?

C'est à cet instant que la porte poussiéreuse du hangar dans lequel ils étaient s'ouvra, révélant une silhouette inconnue qui ne prit pas même le temps de parler, fuyant à la place immédiatement après les avoir vu.

Quelques instants plus tard, ce fut au tour d'une autre silhouette de passer la porte laissé grand ouverte. Une silhouette rousse et élégante si familière dont les yeux verts semblaient percés l'obscurité, Mélissa.

Elle se précipita vers Alice, parlant de sa voix brisé avec un certain empressement mêlé à la joie de la voire de nouveau consciente.

" Alice ! Ca fa-it des jours que tu étais immobile, tu aurais dû me pr-é-évenir ! Je commençais à penser qu'il se pas-sait quelque chose... de... mal ! "

"Mélissa ! Désolé..."

Le regard d'Alice devint légèrement fuyant alors qu'elle s'excusait. Cependant, il redevint fixe quand elle esquissa une nouvelle phrase, à la fois empli de joie et d'incompréhension.

"C'est toi qui as réparé ma voix ? Et...et la tienne ? Pourquoi est-elle encore comme ça ?"

Avant que Mélissa n'ait le temps de répondre, levant à peine le bras, Salvatoris prit la parole, incertain quant à quoi faire."

"Je... je suis désolé, mais je dois rentrer chez moi, ma...ma mère est blessée et je ne suis toujours pas allé la voir, et tout est si confus...j'ai besoin de temps avec elle pour remettre mon esprit en place."

Mélissa sursauta légèrement en l'entendant, elle avait totalement oublié sa présence, rougissant imperceptiblement. Cependant, quand Alice mit l'une de ses mains sur sa tête en se redressant, elle se calma.

" Je suis désolé de t'avoir fait subir tout ça. C'est vrai que ce combat n'est plus celui des hommes... Cependant, j'aimerais venir avec toi. Je veux voir ce qu'il est advenu de notre pays, du monde après notre dernière bataille..."

Déclara Alice en fixant Mélissa, puis Salvatoris, l'air déterminé.

" Cet endroit est en ruine, il n'a plus rien de son apparence d'antan, et...même avec ce que tu m'as dit Mélissa...je refuse de croire qu'on à pu tomber si bas. Je suis peut-être resté trop longtemps seul. C'est peut-être à cause de ça, mais...je veux voir ce qu'il est advenu de notre monde. Comme je me suis connecté à ta mémoire je connais environ ta langue, ça devrait aller."

Salvatoris parut tout aussi confus que Mélissa, ne sachant d'abord pas quoi répondre, avant de secouer la tête, luttant contre lui-même. Son instinct lui dictait de rester avec Alice, mais sa raison n'avait de cessé de lui hurler le contraire, menant à ses paroles incertaines.

"Je...je ne sais pas si c'est une bonne idée."

Toutefois, son visage s'éclaircit à une pensée fugace, comme si il venait d'apercevoir une lumière dans l'obscurité la plus profonde.

"Peut-être que ça pourrait marcher !"

Il fixa ensuite Alice, plein d'espoir.

" D'accord, suis moi ! On va directement à mon village."

Les lèvres d'Alice se retroussèrent légèrement à la réponse. Elle allait pouvoir voir le monde extérieur après être restée enfermée un temps inimaginable, seule, dans un bunker. Et en plus, elle ne serait pas seule ! Elle fixa Mélissa, son regard empli d'espérance.

"Viens avec nous ! Je suis sûr qu'on pourra même trouver des gens qui pourraient aider cet endroit ! Il ne manque qu'à réparer ta voix et on sera prêt."

Sa voix débordait d'enthousiasme, comme si pour la première fois depuis des lustres, elle était enfin libre. Cependant, la réponse incertaine de Mélissa brisa cela.

" Je...j-ee ne peux p-as... et m-a voix re-stera comm-e ça..."

Le visage d'Alice se décomposa. Le refus lui avait fait un choc, mais au fond, elle se doutait que ça ne serait pas aussi simple. Cependant, pourquoi sa voix resterait comme cela ? L'utiliser pour chanter était son rêve le plus cher, alors, pourquoi ? Et cela se matérialisa par un simple mot, empli de désillusion.

" Pourquoi...?"

" Des gen-s com-ompte sur moi ici. Je suis la cell-le en qui ils o-nt placé leurs esp-oirs... Je ne pe-u-ux pas par-tir aussi simplement que ça..."

Répondit Mélissa d'une voix à peine audible, chargé de tristesse et d'envie refoulé. Celà pouvait se lire sur son visage, elle désirait pouvoir dire oui plus que tout. Jeter l'entièreté de ses responsabilités au vent et accompagner Alice ! Mais c'était impossible, et elle le savait mieux que quiconque.

"D'accord... je...je peux comprendre ça. En plus c'est à cause de moi si...enfin ce que je voulais dire, c'était...Pourquoi garder ta voix comme ça ? Chanté n'était pas ce qu'il te tenait le plus à cœur ?!"

Déclara Alice avec une incompréhension si grande que de la rage semblait en émerger. Cependant, la réponse emplie de mélancolie et de regret de Mélissa la fit se figer, refroidissant les sentiments qui brûlaient en elle.

"C'est pour me rapp-elé de Lina, et de mes ér...reur.."

Le visage d'Alice s'assombrit soudain. C'est vrai qu'elle n'avait pas croisé la jeune fille que Mélissa avait prise sous son aile depuis son arrivée ici. Il n'y avait même aucune trace d'elle, comme si elle n'avait jamais existé. La voix d'Alice devint moins expressive. La joie qui la teintait sembla disparaître alors qu'elle revenait sur terre, qu'elle se souvenait de la froide réalité qui les entouraient.

" Je suis désolée...".

"C-e n'est rien. Mai-s si -tt-t-u veux partir...je t'attendrai ici, co-omme je l'ai toujours fait."

Mélissa adressa un sourire radieux à Alice, comme pour lui dire que ce ne serait pas grave d'être séparé une fois de plus. Cependant, celui-ci disparut alors qu'elle ajoutait un avertissement.

" En plus, je ne veu-eux pas te retenir prisonnière ici... On n-e fait que sur-vivre. On ne peut plus rien ac-complir en ce monde..."

Mélissa fit une pause reflétant son dilemme interne. Elle faisait tout l'inverse de ce que son cœur lui dictait. Pourtant, elle poursuit.

" Mais...si tu veux réellement partir, fais très atte-ntion à toi. Les gens qu-e tu vas rencontrer sont encore plus cru-el qu'avant. Ils sont à peine mieux que les bêtes qui rôdent partout autour de n-ous. "

Alice hocha la tête, ne sachant pas quoi faire, ni pourquoi le faire. Après être libéré d'une cellule nous ayant retenu prisonnier des millénaires, qui n'aurait pas envie de voir le monde ?! Cependant, qui n'aurait pas envie de passer ce précieux temps avec ceux que l'on aime ? Qu'elle était l'intérêt de découvrir ce monde avec un inconnu, et sans Mélissa. Peut-être avait-il les souvenirs de Reiner, mais ce n'était tout de même pas lui. Il pourrait les aider, mais à quoi bon l'accompagner si même Mélissa, qui avait vécu à l'extérieur toutes ces années, redoutait le monde dans lequel elle s'apprêtait à mettre les pieds ?

Elle se sentait responsable vis-à-vis de Salvatoris, responsable de l'avoir incombé des souvenirs d'une époque déchue. Mais ce sentiment était-il vraiment suffisant pour abandonner Mélissa ? C'est justement en voyant son dilemme interne que Mélissa prit une grande inspiration. Son visage était devenu écarlate, cependant, elle s'avança et prit Alice dans ses bras sans un mot. Ses bras étaient tremblotants, toute la force qu'elle avait montrée jusque-là, toute l'assurance d'un chef qu'elle exsudait en permanence devant les autres, ne semblait qu'être une illusion en la voyant ainsi. Pourtant, ce geste était clair pour Alice. Ce n'était pas une incitation à rester, mais à partir.

Aucun mot n'avait été échangé entre elles durant leur longue étreinte, toutefois, c'était comme si elles avaient passé une journée entière à dialoguer. Alice prit donc l'une des mains de Mélissa qui reculait en fixant le sol, essayant de masquer sa démarche pleine de gêne.

" Je... Je veux rester avec toi. Je ne vois pas l'intérêt d'explorer ce monde sans toi."

" Moi auss-i je veux être auprè-ès de toi. Mais...je te l'ai dit... on ne f-ait que survivre ici. Personne ne vit, p-lus personne n'a de réel esp...oir en l'avenir. Ils se racc-rochent à moi, car j'ai été là, comme tu me l'avais confié. C'est tout. Ce...ce serait encore plus cruel de te garde-er avec moi ici. On ne peut rien faire à pa-a-a-art se cacher en redoutant le prochain humain qui nous ata-ta-taquerait..."

Le mouvement de retrait que fit Mélissa n'était plus aussi fluide qu'autrefois. Il était mécanique, millimétré pour se déplacer le plus loin possible en bougeant aussi peu qu'il était physiquement possible. Son visage était tordu entre l'envie d'implorer Alice de rester, celui de la suivre, et l'irrépressible sentiment la poussant à exhorter Alice de ne pas rester ici, et finir comme elle. Cependant, alors qu'elle se retournait, elle esquissa une phrase en se dirigeant vers la sortie du hangar. De légères larmes semblaient ruisseler sur son visage avant de s'écraser au sol.

" Rien ne t'empêche-ra de revenir...Ne t'enferme pa-s ici avec moi. Personne ici n'a la volo-nté de sortir d'ici...ne deviens pas co-omme nous. Continue de fa-ire ce que tu as toujours fait, ton m-aximum pour survivre. "

La porte se ferma alors, ne laissant que les sanglots de Mélissa devenant de plus en plus éloignée, résonner dans cette pièce à peine cloisonnée.

" Pourquoi ?..."

Chuchota Alice, ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer. Elle s'était bien rendu compte que le temps avait laissé une trace sur Mélissa, mais...pas autant que cela.

Cependant, c'est à cet instant que Salvatoris déclara quelque chose. Son cœur était incertain, pourtant, il se sentait comme poignardé chaque seconde alors qu'il fixait Alice, dont la tristesse pouvait se lire sur le visage. Il ne savait toujours pas si cette sympathie venait de sa personne, ou de ce qu'on avait ajouté de force en lui, cependant, c'était un fait. Il considérait Alice comme une amie, et si il savait quelque chose qui pourrait l'aider, il n'hésiterait pas une seule seconde à lui dire. Après tout, il avait eu tout le temps nécessaire pour réfléchir durant la discussion qu'avaient entretenue Mélissa et Alice.

" Il y a un moyen de sauver Reiner. "