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-2- Le saut de L'ange

Les portes des diverses classes s'ouvrirent laissant apparaître un attroupement d'élèves que je ne connaissais pas. Certains découvrant leurs affaires "secrètes" sur le sol s'insurgèrent, pendant que d'autres se précipitaient pour ramasser ce qui pourrait leur être utile. Tous, ou presque avaient les yeux braqués sur moi, la fille habillée de noir qui était à genoux par terre, enlacée par une psychologue qui ne savait pas comment réagir. 

Ma tante se mit à pleurer de plus belle pour une raison que j'ignore. Elle se rapprocha de moi en hâte me faisant me lever au plus vite puis un peu paniquée, elle regarda le proviseur avant de lui lâcher.

- On doit y aller !

Elle me traîna vers la sortie, comme si une force démoniaque ou je ne sais quoi la poursuivait. Une fois à la voiture, elle m'invita à mettre ma ceinture et détala aussi vite qu'elle le pu faisant crisser les pneus sur la chaussée. Je ne parvenais pas à comprendre pour quelle raison elle agissait ainsi, et surtout qu'est ce qui venait de se passer avec les casiers ? Comment avaient-ils pu exploser de la sorte ? Était-ce une attaque à la bombe ? Une sorte de blague ? Je ne savais pas quoi penser de tout cela, et encore moins de ma tante. Sa présence, son état actuel ...

Elle fixait la route, elle n'avait pas eu un seul regard pour moi depuis que nous avions fui le lycée. Elle ne m'avait donné aucune explication sur la mort de mes parents, je ne savais rien. J'ai attendu de nouveau quelques minutes lui laissant le temps de se remettre. Elle aussi après tout, elle avait perdu sa sœur, elle en était affectée tout comme moi. Cependant, quand je posais les yeux sur elle, je ne voyais pas une larme, juste de la peur. Triturant la fermeture de ma veste, je ne savais pas comment aborder le sujet. Je souhaitais savoir ce qui leur était arrivé, je désirais comprendre ce qui m'avait amené à cette situation. Celle d'une orpheline, du jour au lendemain. 

Je ravalai ma question quand la voiture s'arrêta dans l'allée de sa maison, sa maison et non la mienne. Pourquoi ne sommes-nous pas allées chez moi ? Ne serait-ce que pour prendre quelques affaires ? Je la fixais, la bouche ouverte, aucun son n'arrivait à sortir tellement tout ce qui venait de m'arriver m'avais perturbée. J'étais là comme une idiote la fixant du regard, incapable de formuler la multitude de questions qui s'entrechoquaient dans mon esprit. Je n'aimais pas quand j'étais comme cela, incapable de réagir. Je me sentais tellement impuissante.

Une fois de plus, une sorte d'angoisse me saisit, comment allais-je faire sans ma mère pour m'aider ? Comment allais-je vivre sans mon père pour me conseiller ? Je n'avais plus rien et le fait de me retrouver ici, en sa compagnie rendait tout cela tellement plus réel à mes yeux et à mon cœur. Mon souffle sembla se couper l'espace d'un instant, je manquais d'air, je n'étais plus en état de respirer et j'étais en train d'étouffer. Était-ce ainsi que mes parents étaient morts ? En manque d'oxygène. À cette pensée, mon cœur se mit à battre beaucoup plus vite qu'il ne le pouvait. Je le sentais, il frappait fort, tellement fort qu'il me faisait terriblement, mal. Ma tante se tourna vers moi, posant ses mains sur les miennes, elle me dit alors, le plus calmement possible. 

- Aurora, ferme les yeux, respire calmement, ça va passer, respire en même temps que moi.

Elle se mit à respirer bruyamment, et je tentais avec difficulté de suivre le rythme qu'elle m'imposait. Elle était stressée, je le sentais à la manière dont ses doigts s'enfonçaient dans ma chair. 

- Continue, c'est bien !

Progressivement, mon cœur calma sa course effrénée, et mon souffle reprit son cours régulier. Ouvrant de nouveau les yeux, je voyais de l'inquiétude dans son regard, elle semblait plus humaine. Pour être honnête, Eudora ne m'aimait pas particulièrement, il y avait constamment eu une certaine animosité entre nous pour une raison que j'ignore.

Depuis ma naissance, elle s'était montrée hostile envers moi et particulièrement froide. C'était la première fois que je voyais en elle un semblant d'humanité. Après s'être assurée que j'allais mieux, elle reprit son visage fermé et froid que je connaissais que trop bien. Fixant la porte blanche du garage, les mains posées à 10h10 sur le volant, elle prit une grande inspiration, comme pour se donner du courage. Au vu de notre relation, il allait nous en falloir pour vivre toutes les deux ensembles ! Quelle idée a donc traversé la tête de mes parents de la déclarer tutrice légale en cas de décès ? La tension était palpable. J'attendais patiemment qu'elle dise quelque chose, qu'elle m'aiguille sur la suite, sur ce qui allait se passer les prochains jours, mais elle demeurait silencieuse. Allions-nous rester ici toute la journée, à contempler cette porte de garage ? 

- De quoi as-tu besoin ? Je vais aller chercher ce qu'il te faut chez tes parents, fais-moi une liste. Me dit'elle au bout d'un moment.

Je la fixai, ne comprenant pas pour quelle raison elle ne souhaitait pas que je l'accompagne. Une fois sur place, il serait plus aisé que je récupère moi-même mes affaires non ?

- Je viens avec toi, tu ne sauras pas où trouver certaines choses !

- Non ! Cria t'elle un peu trop précipitemment.

- Pourquoi ? Demandais-je surprise par sa réaction.

Elle resserra ses mains sur le volant, contrôlant visiblement un élan de colère. Il est vrai qu'elle n'aimait pas quand je la contredisais, elle n'aimait pas l'insolence que je lui inspirais. 

-J'ai dit non, ... C'est trop dangereux ! Se résigna t'elle à m'avouer.

Ses mots faisaient écho en moi, en quoi me rendre dans ma maison était devenu tout d'un coup dangereux ? Ne souhaitant pas jeter de l'huile sur le feu, j'acquiesçai, et lui fit une liste succincte de ce dont j'avais besoin. Vêtements, affaire d'école, affaires de toilettes, et surtout une photo de mes parents, mon couvre-lit aussi. Je sais cela fait un peu bébé, mais il avait été fait par ma mère et j'y tenais particulièrement. Elle me donna les clés de sa maison et partit sur-le-champs chercher ce que je lui avais demandé. Entrant dans la maison, rien n'avait changer, tout était parfaitement rangé, nettoyé, astiqué. On dirait une maison témoin. Posant mon sac dans l'entrée, je me dirigeais vers le salon et m'affalai dans le sofa qui trônait au milieu de cette pièce aux allures de musée. 

Prenant mon smartphone en main, je regardais les nouvelles. J'éprouvais le besoin de comprendre ce qui s'était passé, et comme jamais rien ne passait inaperçu ici, le Dailypress devrait savoir de quoi il en retournait. Je zappais rapidement ce qui ne me concernait pas jusqu'à ce titre qui attira mon attention. "Double homicide à Wingston, la sûreté du territoire en charge de l'enquête."

La main tremblante, je tapais dessus et découvris en photo ma maison. Mon Dieu ! Étaient-ils morts chez moi ? Dans ma maison ? J'avalais ma salive difficilement, hésitant encore à franchir le pas de la lecture. Ces lignes, relataient sûrement les faits, mais éprouvais-je réellement le désir de tout savoir sur la mort mystérieuse de mes parents ?

Lisant l'article en diagonale, plusieurs mots me frappèrent "sauvagement" "inconnue" "lutte" "meurtre". Je pris alors mon courage à deux mains, et commença la lecture de l'article.

" Ce jour, à Wingston, un meurtre a été commis. Un couple d'une trentaine d'année a été sauvagement assassiné au terme d'une lutte visiblement acharnée. Alaric et Adonia Trevil, avaient un enfant et enseignaient à l'école pour enfant particulier "Montmur". Tous les deux ont été assassinés dans des circonstances des plus mystérieuses. Une enquête est en cours pour déterminer les raisons de cet acte et ce qui les a tuer, car à ce jour, nous ne savons encore rien à ce sujet. Pour la police présente sur les lieux, la cause de leur mort reste inconnue."

Je tremblais, pourquoi ? Pourquoi eux ? Ils œuvraient pour aider les autres, c'était leur métier, venir en aide, pourquoi quelqu'un leur en voudrait-il ? Qu'avaient-ils fait de mal ?

Mes larmes se mirent à couleur, si fort que je ne pouvais plus les arrêter. Je ne saurais dire pendant combien de temps je suis restée dans cet état. La douleur vive que je ressentais en moi m'avait fait perdre pied avec la réalité, et perdre la notion du temps.

Quand j'ai ouvert les yeux, la pièce était sans dessus dessous, comme si un ouragan s'était déchaînée ici-même. La peur me saisit, il venait de se passer ce qui s'était produit dans le couloir, j'en étais persuadée. Prenant ma veste, je me mis à courir sans but. J'avais peur, j'étais terrifiée et je n'avait plus personne pour me protéger. Je me demandais ce qui me suivait, ce qui m'en voulait au point de faire autant de dégâts autour de moi. L'évidence me frappa alors que je courrais encore plus vite sous la pluie battante. Et si le danger, c'était moi et non quelqu'un d'autre ? Et si mes parents étaient morts à cause de moi, et si ma tante risquait de mourir elle aussi à cause de moi ?

J'accélérais le pas à en perdre haleine J'étais dans l'obligation de faire quelque chose, je n'avais pas la force de regarder mes proches se faire tuer sans rien tenter pour éviter cela. Je m'arrêtais, le cœur au bord de la crise cardiaque. Reprenant mon souffle, je remarquai que je me trouvais sur le pont Rotchild. Celui qui se trouvait au nord de la ville, celui qui me faisait tant peur étant enfant. Celui-là même qui s'élevait à plus de 40 mètres de haut laissant tout en bas, presque imperceptiblement la rivière couler. Je m'approchais de la barrière devinant la rivière en contrebas. Avec la pénombre, je ne la distinguais plus, mais j'arrivais en tendant l'oreille à entendre l'eau suivre son cours si paisiblement. Poussée par une force libératrice, pensant que j'étais la source du problème. La culpabilité mêlée à la solitude me pesant. Je me retrouvais rapidement de l'autre côté de la barrière. N'étant pas suffisamment courageuse pour affronter ma mort en face, je lui tournai de dos avant de lâcher la barrière et de me jeter dans le vide. J'avais l'espace d'un instant l'impression de voler. Je me sentais particulièrement bien, je me sentais libérée de cette vie qui à présent ne pouvait plus rien m'apporter.