3 Opération coordonnée.

« Alors, on attends quoi ? » Demanda-t-il en gesticulant avec impatience sur le siège passager.

« Le bon moment, » répondit-elle fermement, regardant avec attention leur objectif.

Cela faisait déjà plusieurs heures qu'ils planquaient devant l'issue de secours du bar Lumine, et à peine une demi-heure depuis qu'une de leurs cibles s'était pointée pour y entrer.

Assis dans une voiture banalisée plongée dans l'obscurité, Ogata Kaede et Kentaro Jun, deux inspecteurs de police travaillant à la criminelle, menaient conjointement une opération avec le service de lutte anti-drogue.

Ils devaient être une vingtaine de policiers, issus des deux services, à surveiller toutes les entrées de la boîte de nuit située dans un des quartiers de la ville très agités de nuit. Les passants étaient donc nombreux sur les routes principales, et même dans les ruelles adjacentes, ce qui pouvait rendre l'observation des cibles assez difficiles. Fort heureusement, cette même activité nocturne leur permettait également de passer inaperçus, garés à proximité dans une voiture quelconque.

« Ils sont déjà rentrés depuis un moment, pourtant, » se plaignit Jun.

« Vu qu'on a pas d'yeux à l'intérieur, on doit attendre qu'ils ressortent, pour être sûrs que l'échange a bien eu lieu, » expliqua Kaede.

Jun et elle avaient beau avoir presque le même âge – elle avait 27 ans, soit deux ans de plus que lui - le jeune homme n'en restait pas moins capricieux et immature.

« Ça aurait tellement été plus simple d'envoyer un agent à nous là-dedans, » soupira-t-il avec frustration.

« Et risquer de les trouver balancés dans le fleuve ou sous un pont ? » Rétorqua Kaede. « Ces types ne rigolent pas. C'est pas un tueur isolé ou un gang de voleurs, là. On a affaire à une branche d'organisation criminelle... »

« Des Yakuza, hein ? » Dit pensivement Jun.

« Ils sont bien plus que ça, » développa Kaede. « Les Yakuza, c'est passé de mode, et c'est que la partie visible de l'iceberg, de toute façon. »

« Pas faux... » Dit-il. « Même les Yakuza sont réticents à l'idée de s'en prendre à la police, de nos jours. Ils préfèrent payer sagement leurs amendes. »

La jeune femme ne l'écoutait déjà plus, le laissant marmonner tout seul. Son regard concentré fixait avec anticipation la porte noire sans poignée extérieure.

Si ces types étaient entrés par là, ils ressortiraient sûrement par le même côté, pour éviter d'éveiller les soupçons.

Elle avait bien dit qu'ils avaient à faire à une 'branche' de l'organisation, mais elle se doutait bien que les personnes entretenant ce 'verger du mal' étaient toujours rapidement tenues au courant de l'apparition de pommes pourries dans leur champ. Même une 'branche' était surveillée de près, et nul doute que l'opération de ce soir, si elle avait du succès, aurait rapidement des répercussions sur la maison mère de ces criminels.

C'était ce que Kaede espérait. Ces types ne bronchaient même pas quand la police perquisitionnait leurs locaux. Mais s'ils venaient à intercepter l'objet de la transaction de ce soir, l'histoire risquait d'être différente.

La somme en jeu risquait de faire défaut à cette organisation, et à défaut de pouvoir intercepter l'argent qui transitait constamment par des comptes bancaires anonymes, ils pourraient confisquer la drogue physiquement présente sur les lieux. Enfin, le service des narcotiques la saisirait. Eux, ils étaient juste là pour attraper les hommes de main et tenter de leur faire cracher le morceau sur leurs supérieurs, même si c'était peine perdue.

« Ah, les voilà, » dit Jun, sortant Kaede de ses pensées.

Se focalisant à nouveau sur la sortie de secours, elle vit deux hommes sortir, les mains vides. Preuve qu'ils avaient bien laissé derrière eux les deux sacs qu'ils avaient amené plus tôt en entrant.

Au même moment, la radio posée sur le tableau de bord grésilla.

« À toutes les unités, intervention immédiate ! » Ordonna une voix.

Kaede et Jun se lancèrent un regard.

« C'est le moment de serrer ces types ! » Déclara avec malice Jun.

Aussitôt, les deux jeunes en tenue civile sortirent de la voiture banalisée, et s'approchèrent rapidement des deux hommes en costume qui venaient de sortir dans la ruelle, badge de police à la main brandit au visage des deux suspects.

« Messieurs, vous êtes en état d'arrestation, » déclara Kaede.

« Pour quelle raison ? » Demanda l'un des hommes.

Jun lança un regard discret à Kaede. Ces types n'allaient probablement pas se laisser faire.

« Vous êtes suspectés de trafic de stupéfiants, » annonça calmement Kaede.

« Stupéfiants ? C'est ridicule ! » S'exclama un des deux hommes.

Jun fit alors un pas en avant, sortant ses menottes.

« Ridicule ou non, vous devez nous suivre au poste de police, » dit le jeune homme en s'approchant d'eux.

Les deux suspects le regardèrent avec défiance, et Kaede fut la première à réagir.

L'un deux venait de sortir un couteau d'une de ses poches de veste, dirigeant la lame tout droit vers Jun.

La jeune femme eut tout juste le temps de faire un bond en arrière, tandis que le jeune policier esquivait de justesse la lame dirigée vers son estomac.

Le suspect tenta alors de diriger la lame vers la jeune femme, tandis que son complice commençait à s'enfuir en courant.

« Jun ! Attrape le ! » Ordonna-t-elle tout en ne quittant pas du regard le suspect armé.

« J'men charge ! » S'écria-t-il en se lançant à la poursuite du second homme.

L'homme en face d'elle semblait plein de confiance, persuadé qu'il avait le dessus avec un couteau, et face à une femme.

C'est donc sûr de lui qu'il se jeta sur Kaede, cherchant à lui donner un coup de couteau dans la poitrine.

La lame fila tout droit, dans l'alignement du bras tendu de l'homme, ce qui apparut comme une excellente opportunité à la jeune femme.

Se décalant soudainement sur la gauche, elle donna un coup de poing de sa main gauche dans le poignet de son agresseur pour écarter le bras de l'homme loin d'elle, puis le frappa de son poing droit en plein milieu de l'articulation intérieure de son coude avant de rabattre ce même poing vers le visage du suspect. Ce dernier eut alors un mouvement de recul, déstabilisé par le coup qu'il venait de recevoir en pleine tête.

Profitant de la soudaine perte de force dans le bras du suspect et de son étourdissement, elle resserra alors sa main gauche sur son poignet avant de soudainement le tordre en le faisant pivoter vers l'extérieur.

Son adversaire essaya alors de se libérer de cette posture l'immobilisant, et donna un coup de poing au visage de Kaede ; sa bague glissant sur la peau de la jeune femme dessinant une estafilade rouge sur sa joue gauche. Il l'avait prise suffisamment par surprise pour qu'elle oublie de lever son bras droit et de se mettre en position de garde haute.

Ça allait sûrement demander à utiliser de la pommade, et plusieurs jours avant de disparaître, mais pour l'instant, c'était loin d'être la priorité de la jeune femme.

Elle devait terminer de désarmer son adversaire, et de le maîtriser avant qu'il ne lui porte un autre coup.

Dans l'intervalle où son adversaire reprenait sa posture, elle balaya de la gauche vers la droite son poing droit pour venir frapper la joue droite de l'homme, avant de soudainement ramener sa main vers le cuir chevelu du suspect, forçant sa tête à s'incliner vers le bas.

Et quelques secondes plus tard, l'individu armé était à présent allongé sur le ventre, son bras droit tenu en clé de bras derrière son dos, et le couteau enfin lâché jeté au sol quelques mètres plus loin.

La jeune femme ramena alors l'autre bras de l'homme et s'empressa de le menotter, avant de relever la tête, et de voir qu'à une vingtaine de mètres de là, Jun avait également arrêté l'autre suspect, lui aussi menotté et allongé sur le sol.

Le jeune homme avait apparemment fait partie de l'équipe d'athlétisme au lycée, et avait toujours eu de très bonnes notes aux épreuves de course à pieds. La jeune femme savait donc parfaitement que c'était à lui que revenaient les poursuites de suspects non motorisés.

Quant à elle, c'était surtout au corps à corps qu'elle excellait. Certes, tous les policiers devaient apprendre les arts martiaux, mais lorsqu'il s'agissait de se mesurer à un individu armé, c'était là où Kaede brillait.

'Ne jamais sous estimer un policier sous prétexte qu'il ne braque pas son arme sur vous.' Pensa-t-elle fièrement.

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