Toujours en compagnie de son élément, lui-même épaulé par Chijo, le jeune gradé reste contemplatif de savoir qu'ils sont aussi des êtres vivants comme eux. Le seul truc qui le tracasse en ce moment, c'est l'état de son corps. Cette petite interrogation, si minime en apparence, se manifeste en un léger changement de température que perçoit clairement Hotto.
« Un souci ? » lui demande ce dernier.
« Tu sais, ça doit lui faire quelque chose de voir un élément si on se met à sa place. Rassure- toi, petit, seule notre énergie peut exister et se matérialiser dans Faironne. Sur son volcan, il peut apparaître que sous la forme d'une flamme. Une barrière élémentaire opposée à son énergie l'entoure et l'empêche de circuler librement. Sinon, nous serions tous puissants. Ce n'est pas notre fonction. Ton corps y est toujours, ne t'en fais pas. Il est à l'abri et n'est pas en train de brûler. » lui explique l'autre.
Aussitôt, cette nouvelle le soulage au plus haut point.
« Commençons, le Kuwanoren est une technique très exigeante et brève. Chaque Kihon a ses spécialités et ses conséquences. » entame Chijo.
« Le mien mise principalement sur un dégagement explosif et soudain de température de ton corps, qui augmente considérablement la capacité de tes flammes à tout brûler. »
Si ce qu'il dit est vrai, il est convaincu qu'aucune glace et qu'aucune pierre ne pourra lui résister. Le tournoi est gagné d'avance ! Excité par ça, il arbore tout de suite un large sourire.
« Ton corps inclus. C'est une technique très dangereuse pour son utilisateur s'il la maîtrise mal ou en abuses trop. N'oublie pas que tu restes un être vivant. Si tu en abuses, ton corps en subira les conséquences. En clair, soit tu consumes, soit tu es consumé. » ajoute Chijo avec une sobriété telle qu'elle casse immédiatement l'euphorie de l'apprenti.
Tout de suite, Tencubo fait le rapprochement avec la phrase que lui avait laissé l'homme qui tenait la barque.
« Enclencher le Kuwanoren te permettra de la libérer. Mais tu ne pourras l'utiliser que sur une courte période de temps ou ton corps se consumera. Car, n'oublie pas, vos corps n'ont pas été conçus pour gérer une telle quantité d'énergie. Pour l'utiliser, tu dois être en parfaite harmonie avec la part d'énergie reçue à ta naissance. Tu vois ces courants de feu là ? C'est l'énergie que tu as en toi et que tu ne t'es pas encore appropriée. »
« Quoi ? Mais alors... Je pourrais être beaucoup plus puissant ! » s'excite-t-il après les avoir regardé.
« Tu dois les avoir tous assimilé. Plus tu en assimileras, plus tu seras fort et plus tu te rapprocheras de ton Kuwanoren. »
« Premièrement, calme-toi. Tes émotions pourraient te faire perdre pied. C'est la clef. » lui préconise Chijo.
« Regarde-moi. »
Son élément tend un bras vers eux. Son aura s'active dans la foulée et, de manière quasi- instantanée, un courant de feu vient vite entrer en lui.
« Hé ! Vous m'avez volé de l'énergie ! »
Pour réparer ça, il lui jette un courant de feu provenant de lui-même qui rentre dans Tencubo. Son aura de est soudainement réactivée.
« Exploite-le. »
Grâce à une intense concentration de sa part, dirigée vers sa main droite, deux petites flammes apparaissent sur deux doigts.
« Incroyable ! Avant, je n'arrivais qu'à en faire apparaître une ! »
« Et ce n'est que le début. Le maître mot : harmonie. Tu ne dois pas vouloir maîtriser toute cette énergie mais en faire une alliée, ici, dans ta tête. Tes efforts se traduiront dans la réalité. Ici, tu n'as rien à craindre, mais quand tu reviendras à Faironne, ton corps, vu qu'il n'y est pas préparé, sera plus fragilisé si déjà mentalement tu es incapable de te l'approprier. Compris ? » explique l'autre élément.
Revient dans la mémoire du Shirenai les propos tenus par son collègue Tetsuo sur la raison pour laquelle ils possèdent des armes : leur imposer une limite, ne pouvant approuver, avec une légère amertume en bouche, qu'il ne mentait pas. Aussitôt, il se rappelle que personne ne lui a donné de raison sur pourquoi il devait arborer une arme de Kigen et non de chez lui. L'hypothèse de la volonté ferme des conseillers à vouloir les brider se confirme de plus en plus.
« Si je veux protéger Faironne, je dois devenir maître conseiller ! Je dois être solide ! Je serai l'incarnation d'une institution Shirenai juste et droite ! Je battrai Tetsuo et Shipé ! »
Il assimile plus de courants de feu. Son aura s'en retrouve immédiatement intensifiée. Il se concentre une nouvelle fois sur sa main. Deux flammes supplémentaires sortent de ses doigts. Mais celles-ci s'éteignent subitement. Il se met à genoux et son aura est désactivée.
« Attends un peu avant de poursuivre. Ne sois pas pressé. A trop vouloir en prendre d'un coup, tu ne le supporteras pas. Familiarise-toi avec ce que tu as et, seulement après t'y être habitué, tu pourras recommencer. Calme-toi. Concentre-toi et le reste suivra. N'oublie pas. Harmonie. »
Sur ses précieux conseils, il s'assoie en tailleur et entame sa phase de concentration. Le chemin sera long s'il se laisse aller de la sorte. C'est ce que pense en tout cas Hotto. Afin de ne pas le déranger plus que ça, lui et Chijo cessent leurs connections avec son espace spirituel. Pendant ce temps, dans la dimension dans laquelle se trouve Rai, posé sur l'un des multiples débris flottants, paraît mal en point, se tenant le bras gauche. Il s'impose une décharge électrique dessus un court instant. Depuis le temps qu'il s'est retrouvé dans cet endroit, son adversaire, contrairement à lui, ne montre aucun signe de faiblesse. Depuis qu'il n'a plus son katana, il sait qu'il ne peut plus utiliser la foudre seule et éprouve beaucoup plus de difficultés à attaquer à distance. Deux projectiles noirs passent au-dessus de lui.
« Fargresaz ! » répète la fameuse voix qui le hante depuis ses aventures avec Yoru et Rajik.
Cette dernière le harcèle encore plus qu'avant. La douleur psychique est telle qu'il se tient la tête dès qu'elle se manifeste.
« Non... Qui que tu sois, je ne t'écouterai pas... » murmure-t-il sous la souffrance.
« Énergie blanche ! » hurle le Kirioku.
Avec prudence, le Shirenai vérifie la position de son opposant en se collant doucement contre un mur partiellement détruit. Il voit le corps de Fraya, entouré d'une aura noire et flamboyante, une boule noire dans sa main droite.
« Montre-toi ! Le combat n'est pas terminé ! »
Pour le provoquer, elle la balance sur un débris qui se trouve désintégré à son contact. Elle se pose sur un autre de très grande taille.
« On ne vient plus m'affronter ? On a peur ? Ou est-ce qu'on réalise qu'on a été trop sûr de soi ? Ou trop faible ? Quelle déception... Alors qu'on doit se battre... Encore et encore… »
Où veut-elle en venir ? Pourquoi elle ne l'achève pas pour repartir le plus vite possible sur Faironne ?
« C'est inacceptable ! »
Elle fait exploser son aura et envoie des projectiles dans tous les sens, ce qui détruit une partie du décor.
« Ramène-toi !! »
Sa puissance ne cesse d'augmenter. Rai se demande pourquoi il n'arrive pas à déployer autant d'énergie qu'elle.
« Fargresaz ! »
Une légère lumière blanche émerge de ses mains, largement suffisant pour que le Kirioku le repère et tire une sphère noire. Le porteur de l'Hoshaku saute vers un autre débris. Dès qu'elle l'aperçoit, elle s'empresse de balancer une multitude de projectiles noirs à une cadence effrénée. Impossible de les esquiver, forcé d'activer son aura électrique et de tous les bloquer en la projetant vers eux. Cependant, sa maigre tentative trouve vite ses limites. Il a beaucoup de mal à les retenir.
« C'est tout ce dont tu es capable ?! Que c'est pitoyable ! Faiblard ! Ce n'est pas avec cette quincaillerie d'un autre temps que tu m'empêcheras d'atteindre Faironne et d'exterminer tous tes amis ! »
« Fargresaz ! »
Malgré l'acharnement de cette voix et les provocations à répétitions lancées par son ennemi, Rai résiste tant bien que mal, se refusant de leur obéir et de devenir comme elle. Il se jure de ne jamais la laisser partir d'ici, quitte à la contenir éternellement s'il le faut. Cette situation a le don d'agacer l'étrange silhouette qui semble vivre ici. C'est que cette homme est bien têtu ! La plaisanterie a assez duré. Tout à coup, le collier du Shirenai se met à briller sans explication et vient lui donner la force nécessaire pour désintégrer les projectiles noirs, qui avaient gagné du terrain entre temps sur sa protection, en se manifestant par d'éphémères légères lignes blanches. Des éclairs portant cette même teinte complètent son aura.
« Arrête de te moquer de moi en utilisant la foudre ! »
Il subit encore les interventions de cette étrange voix. Plus elles se multiplient, plus la douleur mentale devient insupportable, l'obligeant à se tenir la tête. Combien de temps pourra-t-il la retenir ainsi, alors qu'elle continue de progresser ? Pourquoi l'énergie noire ne se fatigue pas ?
« Décidément, tu es bien comme son premier porteur, lorsqu'il osait m'affronter. Au début, lui non plus ne voulait pas tendre les bras à l'incroyable puissance de sa nouvelle énergie. Mais, au bout d'un moment, sa piètre comédie d'incarner une sagesse futile prit fin. »
« De qui… Parles-tu ? »
« A quoi bon ça te servirait à le savoir ? »
« Je veux comprendre ! Tu ne voulais que moi, n'est-ce pas ? Je t'ai donné ce que tu as demandé. J'exige des réponses ! »
« Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi ce sont les Shirenais qui sont maîtres du monde ? N'as-tu jamais cherché les failles derrière la vérité qu'on vous fourre ? Je sais tout ! Tout ce qui vous intéressait c'était de dominer tout le monde ! Cette arrogance me dégoûte au plus haut point... A l'image de celle qui en est l'origine : Faironne ! » affirme-t-elle en tendant un bras vers lui.
Cette tirade sème encore plus de doutes dans son esprit. Profitant des méandres se déchaînant en lui, son adversaire produit de fins rayons noirs attaquent, parvenant à percer l'aura dégagée par Rai et l'atteignant simultanément. Elle enchaîne ensuite en tirant quelques projectiles de feu noir qui touchent de plein fouet leur cible. Quand la salve est terminée, son aura s'évapore. Il tombe inconscient. L'entité du Kirioku désactive la sienne.
« Si tu peux encore m'entendre, écoute-moi bien, Shirenai. Tu t'acharnes à ne pas y céder ? Très bien, quelqu'un d'autre s'en chargera. Pendant ce temps, je m'occuperai de tes compagnons. Quitte à ce que j'en choisisse un pour le porter. Lui aussi subira la même chose que toi. Ce n'est pas ce que tu veux, n'est-ce pas ? »
Aucune réponse.
« Me ramener ici était le pire choix à faire. Mais tu as voulu faire le malin, comme tes semblables, et maintenant, tu vas en payer le prix fort. Voilà ce qu'il se passe quand on veut être ce qu'on ne doit pas être. Une fois que je serai sorti d'ici, je mettrai ma si chère Kigen à feu et à sang. Cette cité que j'ai construit de mes mains ! Ça ne te rend pas triste ?... Je me délecterais des énergies de tous ses habitants jusqu'au dernier. Le déséquilibre qui en résultera plongera Faironne dans le chaos et la désolation ! Les Shirenais auront payés ! »
Face à ces mots lourds de conséquences, après avoir craché un peu de sang, la main droite du porteur de l'Hoshaku bouge légèrement.
« Et tout à cause de qui ? D'une petite énergumène dans ton genre qui s'enferme dans son idée ! Bien fidèle à l'image de ses ancêtres ! Ces futures rivières de sang et ces futurs tas de cadavres, tout ça, ce sera de ta faute ! Tu entends ?! Je peux déjà percevoir les cris de tes compagnons t'implorant encore et encore ! Et je les massacrerai un à un ! »
Il ouvre les yeux subitement après avoir entendu ça. Pendant tout ce temps, l'étrange silhouette sans nom observait. Sa posture témoigne une certaine déception. Envers quoi ? Envers qui ? Rai ? En tout cas, pour elle, aucun doute. L'énergie noire écrase de loin sa sœur, parfait pour remplir sa fonction. Pourtant, lorsqu'elle pose les yeux sur sa jumelle, il sent une force grandissante envahir progressivement le corps de l'ex-sabreur. Se serait-elle trompée ? Le Kirioku ne se rend pas compte que Rai se remet debout.
« Non… Tu ne le feras pas… » lui déclare-t-il en serrant les poings.
Rassurée que le combat va reprendre, elle sourit avant de se retourner lentement.
« Parce que je t'en empêcherai ! »
L'aura du porteur de l'Hoshaku explose. Le souffle généré repousse son opposant. L'émanation physique d'énergie de Rai blanchit. Une lumière éclatante émane de lui. Ses yeux prennent une teinte de plus en plus claire jusqu'à totalement disparaître. La déception précédemment présente chez l'être sans nom s'efface dans la foulée.
« Peu importe si je porte en moi une énergie jugée interdite par les miens ou autre ! Je t'empêcherai de nuire ! Je t'empêcherai de toucher à tous ceux qui consacrent leurs vies à défendre l'équilibre vital de Faironne ! »
Ses mains émettent de la lumière, témoins évidents d'une croissance exponentielle en puissance chez lui.
« Tu ne sortiras jamais d'ici ! »
Son aura explose encore. Des rayons lumineux venant de lui viennent percuter le ciel sombre de la faille, donnant ainsi naissance à des faisceaux lumineux. L'un d'eux touche le Kirioku, la brûlant à l'endroit de l'impact. Elle hurle de douleur. Le spectateur de tout ça, ravi de ce qu'il se passe, tend une main vers le Shirenai. L'œil unique inversé et violet qu'avait aperçu Rajik à de nombreuses reprises se dessine dessus avant d'être brièvement répliqué à l'arrière de la tête de Rai.
« Bokfar. » prononce l'étrange silhouette avant que sa victime ne le répète à son tour, comme s'il était sous son emprise.
L'énergie noire se tourne vers lui, s'apercevant alors qu'il est en position de tir.
« Denkobaél ! » complète-t-il avec la voix du spectateur se superposant à la sienne.
La formule prononcée en deux temps, signifiant « Rafale Dévastatrice », pousse Rai à produire plusieurs projectiles blancs la percutent de plein fouet. Pour chacun d'eux, elle hurle de douleur. Une fois sa salve arrêtée au bout de plusieurs secondes, beaucoup trop longs pour sa cible, ses mains émettent toujours de la lumière. Avant que le Kirioku se laisse tomber sur un débris, ce dernier semble reconnaître l'intrus derrière les cris de Rai. Aveuglé par sa colère, facilitant la prise de contrôle pour le spectateur à l'œil unique, il saute en l'air, chargeant une attaque dans une main qu'il tend vers elle, recopiant alors ce qu'elle avait réalisé sur Faironne, avant de devenir la cible privilégiée du sort de neutralisation des conseillers.
« Kaylar ! »
Sans pouvoir se défendre, encore affectée par l'assaut précédent, elle se prend une sphère de pure énergie blanche. S'en suit une explosion. Après quelques secondes d'inaction, il revient au sol. A travers le silence insondable de cette dimension, juste le bruit de l'aura de Rai fait office d'environnement sonore. Soudain, celle de l'artefact maudit explose et détruit les décombres dans le souffle généré par cette dernière. L'entité de la bague arbore un grand sourire.
« C'est tout ? » déclare-t-elle ironiquement avant d'essuyer le sang sur le coin gauche de sa bouche.
Malgré la preuve évidente que sa résistance commence à vaciller, elle continue de sourire. Deux flammes noires apparaissent dans ses mains.
« Viens te battre ! »
De multiples tirs noirs sont lancés. Leur cible esquive sans problème grâce à des déplacements si vifs qu'ils ressembleraient à des téléportations soudaines. Tout de suite, le Kirioku crée une énorme sphère assez dense qui aspire graduellement tout élément tangible du décor se trouvant à proximité.
« Oposam ! » hurle le détenteur de l'Hoshaku.
Une énorme lumière la désintègre et aveugle son ennemi. Cette ouverture lui permet d'arriver subitement devant elle afin de lui décocher un direct du droit. Contre toute attente, elle parvient à le bloquer. C'est à ce moment-là que Rai reprend connaissance. Tous les deux reculent. Le Shirenai comprend qu'il a cédé à cette voix. Point le temps de ressentir quelconque remord que le Kirioku prépare un poing. Son aura s'y concentre.
« Allez ! Je suis sur que tu peux aller encore plus loin ! »
D'abord réticent à cette idée, il sait à présent qu'il doit se résigner à laisser cette force immense l'envahir intégralement, malgré les conséquences qui pourraient en découler. Le sort de Faironne est en jeu. C'est alors qu'il se met à imiter son opposée. L'aura blanche de Rai vient se concentrer dans le sien à son tour.
« Sale copieur ! Tu te foutais de moi depuis tout ce temps c'est ça ? Tu es bien comme celui que j'ai pu voir dans la mémoire de cette femme. Un menteur. Un manipulateur. Un escroc. Bref, un vrai Shirenai. Vous méritez tous de mourir. » poursuit le Kirioku.
Face à ces multiples provocations odieuses, Rai ne trouve plus rien à lui rétorquer.
« Attends un peu. Tu vas voir qui domine qui. » ajoute-t-elle avant que son poing soit totalement enveloppé d'une couche de feu noir et qu'elle fléchisse légèrement les jambes.
Afin de lui donner un nouveau coup de pouce, la silhouette sans identité, semblant elle aussi pour parler dans le vieux dialecte utilisé par Ki-Igno, tend sa main gauche vers lui. L'œil inversé apparaît une nouvelle fois sur elle ainsi qu'à l'arrière de la tête de l'ancien sabreur. Soudain, ce dernier disparaît. Le pauvre Kirioku, n'ayant rien perçu de ce brusque déplacement, n'a point le temps de comprendre qu'il se prend un violent coup au ventre, aussitôt suivi par un coup de coude dans le dos. Alors qu'elle allait percuter un débris, Rai revient à la charge avec un autre coup de poing sur le haut de la poitrine, suivi par un puissant crochet du gauche qui l'envoie ailleurs. Cette fois-ci, elle s'écrase sur une plate-forme. Après s'être difficilement relevée à cause de la douleur, elle essaye de percer le mystère entourant les mouvements quasi-invisibles effectués par son adversaire.
« Comment… Est-ce possible ? »
Tout à coup, il réapparaît juste devant elle. Par peur ou instinct de survie, qui sait, elle recule. Afin d'encore plus accentuer l'effroi qui l'assaille, Rai marche lentement vers elle. Agacée qu'il puisse contredire le fait qu'elle ne constitue pas une œuvre parfaite, sous une rage impromptue, grâce à un dégagement soudain de feu noir sous ses pieds, elle se propulse à vive allure vers lui, poing chargé. Sa cible ne bouge pas d'un poil. Alors qu'elle était persuadée de l'atteindre, le Shirenai bloque son attaque avec sa main gauche. Une totale incompréhension s'étale sur le visage de son assaillante. Rai confirme sa domination avec plusieurs coups de poings. Plus elle s'en prend, plus la résistance conférée par l'énergie neutre éveillée par Fraya s'effondre. La colère dans les tripes, elle tente de répliquer aveuglément par un direct du droit tout de suite bloqué.
« Oposam ! » répète-t-il une seconde fois, toujours avec la voix du spectateur se mêlant à la sienne.
Sa main émet un rayonnement qui brûle le poing du Kirioku. La douleur lui est si insupportable que la seule manière de s'en extirper consiste à puiser dans le ki encore présent dans le corps de sa prisonnière et de reculer. Aussitôt, il lui décoche un direct du droit chargé en énergie blanche, la projetant sur plusieurs mètres avant d'atterrir lourdement. Un tel spectacle ne peut que plaire à l'unique public présent dans les alentours, jusqu'à le pousser à applaudir. Malgré le cadre chaotique du milieu, la pauvre victime l'aperçoit.
« Ma... Majesté... Que suis-je pour vous ? » balbutie-t-elle.
Après quelques secondes de passivité totale, lorsqu'elle se rend compte que l'être qu'elle interroge continue de lui témoigner sa joie, l'énergie noire se relève avec difficulté et regarde son rival, ignorant si elle doit être enthousiaste ou consternée. Enfin, il lui offre un vrai défi. Enfin, il lui donne tout ce dont elle a besoin. Cependant, les choses semblent plus corsées que prévues. Jamais on ne lui a fait mention d'une telle puissance. Serait-elle pas assez développée pour satisfaire la demande de celui qui la chargea de sa mission existentielle ?
« C'est tout ce que tu as ? » ose l'énergie noire malgré tout ce qu'elle vient d'encaisser.
Satisfaite du résultat, l'étrange silhouette silencieuse se retire doucement. Avec sa sortie, Rai parvient à reprendre connaissance. Que s'est-il passé ? Aussitôt, il ressent un affaiblissement chez son ennemi. En est-il à l'origine ? Lorsqu'il se focalise exclusivement sur ce qu'il perçoit en lui-même, il ne peut que dénoter l'inexplicable et incroyable évolution coulant dans ses veines. Étant la seule capable de sentir qu'ils sont désormais seuls, l'énergie noire parvient à une seule conclusion : pour réussir, pas le choix, il faut souffrir. Elle doit absolument prouver sa valeur. Poussée par cet objectif, elle rassemble ses forces.
« Tu crois en avoir terminé avec moi ? Tu crois avoir déjà gagné ? Nous n'en sommes qu'au début, énergie blanche. Que tu le veuilles ou non, que tu sois puissant ou non, peu importe, je sortirai d'ici et je mettrai Kigen à feu et à sang ! »
« Fargresaz... »
Finie la torture. Cette voix est en réalité son allié. C'est la seule conclusion logique qui lui vient. Sans elle, jamais le Kirioku ne se trouverait dans cet état. Sans elle, toutes les fois où il fut pris dans de mauvaises passes, il n'aurait jamais pu s'en sortir. Plus aucun doute possible. Cette confiance désormais bien installée dans son esprit, Rai ose enfin s'accaparer la puissance que renferme son collier. Ses cheveux commencent à pâlir. Désormais, plus soulagé de savoir qu'il peut à présent protéger ses amis à distance. Les lignes jaunes translucides qui survenaient aussi dans des situations critiques reviennent subitement, semblant se détacher de son corps. Une fois totalement séparées de lui, elles éclatent dans l'atmosphère.
« Je me fiche de tes ridicules piques verbales, énergie noire. Je vais te battre et libérer par la même occasion cette pauvre femme de tes griffes ! Tu regretteras de t'en être pris à plus faible que toi ! » déclare-t-il avant qu'une vive émane jaillisse de ses mains.
En réponse, un feu noire envahit les bras du corps de Fraya.
« Arrête d'imiter tes pères ! Ramène-toi ! »
Les deux combattants se regardent intensément dans les yeux. Tout autour d'eux, quelques débris présentent de plus en plus de fissures. Le violet dominant servant de ciel dans ce décor chaotique tantôt prend soit une teinte plus claire soit plus foncée. Les deux rivaux sont désormais prêts à tout donner, quitte à rendre encore plus sans dessus dessous cet environnement bien mystérieux.