Avec une concentration extrême, et ses deux bras tendus vers l'avant, Valshesia contrôlait sa lance pour la forcer à accélérer de plus en plus. Entre chaque attaque portée à la créature, l'arme était constamment téléportée entre les différents cercles magiques, tombant ainsi depuis divers points de chute.
Au fur et à mesure que les minutes passaient, elle ajoutait un nouvel enchantement de vélocité sur l'arme, tout en combinant un autre enchantement à un sort.
Si sa magie devait être simplifiée, en dehors des calculs de dépense de mana qu'elle avait dû faire dans son esprit, il s'agissait d'utiliser une téléportation d'objet dans son champ de vision une première fois, en partant de chaque cercle magique de départ qu'elle avait ouvert. Elle faisait émerger de chaque cercle sa lance, puis appliquait au tout un sort de répétition. La cible était alors forcée de reproduire le même comportement, encore et encore, jusqu'à ce que ledit sort soit interrompu.
L'ingéniosité et le talent de Valshesia avaient fait le reste, permettant de maintenir une attaque continue sur une cible pour autant de temps qu'elle le souhaitait ; et du moment qu'elle n'épuisait pas entièrement son mana.
Toute personne découvrant sa technique de combat s'en retrouvait à la fois émerveillée et terrifiée : elle représentait, après tout, un allié précieux, mais un ennemi redoutable.
Géandre avait donc eu l'extrême chance de pouvoir la convaincre de former un duo avec lui, augmentant ainsi leurs prises et le nombre de récompenses que le duo accumulait.
Dans la situation actuelle, sa technique et les invocations de Géandre étaient une combinaison diablement efficace : lui, immobilisant la cible, et elle, l'attaquant sans relâche. Pourtant, même avec ce travail d'équipe formidable, leurs pratiques de la magie en étaient d'autant plus différentes.
La magie d'invocation du jeune homme reposait sur un sort de stase et de stockage combinés, qui permettait d'enfermer dans une plaque préalablement imprégnée de mana une créature de taille variable. La bête devant rester contenue, l'utilisateur devait régulièrement injecter du mana dans les plaques afin de maintenir l'état endormi et passif des monstres stockés de cette façon. Il ne restait alors plus qu'à appeler la créature par son nom, qui servait de 'clé' pour les libérer de leur sommeil.
La magie des dresseurs de monstres était donc à utilisation lente et continue, tandis que la magie spatiale de Valshesia était à utilisation occasionnelle mais intense.
Pourtant, ces deux utilisations si opposées se combinaient parfaitement en une forme de combat à la fois défensive et offensive ; tirant parti des utilisations différenciées du mana.
Satisfait de voir que leur plan se déroulait sans accrocs, Géandre donna un nouvel ordre à son monstre.
« Erzebrun ! Pousse ! »
Immédiatement, le monstre aux six membres fins se pencha en avant, et usant de ses quatre pattes avant, il commença lentement mais sûrement à repousser le Béhémoth qui était à présent recouvert de son propre sang et tremblait sous le choc subi suite à toutes ces blessures. Les griffes de la créature poilue, bien qu'enfoncées dans le sol, se dérobèrent en créant un sillon derrière elles.
Thervis, l'expert en combat à distance, en profita pour tirer deux nouvelles flèches derrière la créature ; reliées entre elles par une corde posée au sol. Attendant patiemment le moment où le Béhémoth serait suffisamment près, il tira sur l'extrémité de la corde pour la tendre entre les deux flèches et la fixa solidement au tronc de l'arbre où il s'était réfugié.
Les pattes arrières du Béhémoth entrèrent en contact avec la corde, mais il en fallait plus pour que la créature trébuche et bascule.
Voyant cela, Géandre donna un nouvel ordre à la créature longiligne.
« Erzebrun ! Écrase ! »
Laissant échapper un grognement, la créature à la tête plate relâcha momentanément la pression qu'elle exerçait sur son ennemi pour prendre de l'élan, et soudainement, se redressa en arrière avant de venir s'écraser de tout son poids en avant sur le Béhémoth qu'elle saisissait toujours par ses quatre membres antérieurs.
En retour, le Béhémoth se tassa sur lui-même pour former une grosse boule, tout en laissant échapper un gargouillis mêlant douleur et férocité.
Il était en train de se faire écraser par son adversaire, et étant coincé de chaque côté par des murs de terre et de roche que l'alchimiste maintenait et renforçait toujours, il n'avait comme échappatoire possible que le chemin vers la clairière qui se trouvait derrière lui. Sans se rendre compte du piège dans lequel il était tombé, il fit donc un pas en arrière, et trébucha enfin sur la corde que Thervis avait tendue.
À cause de ses pattes postérieures perdant momentanément tout contact avec le sol, son train arrière s'affaissa en premier, avant que Erzebrun ne finisse par le pousser pour le faire basculer en arrière.
La créature se retrouva soudainement projetée en arrière, et s'effondra au sol sur son flanc droit en poussant un cri de détresse.
« Maintenant ! » S'écria Géandre.
Aussitôt, l'attaque de la lance de Valshesia s'intensifia, et tandis que l'alchimiste créant des monticules de terre solide sur les pattes du Béhémoth pour restreindre ses mouvements, l'épéiste s'avança pour aller attaquer la créature au corps à corps.
Sans hésitation, il plongea sa lame dans les articulations de la bête afin de trancher les muscles et les nerfs qui contrôlaient ses pattes.
Une fois totalement immobilisé, le Béhémoth ne poserait plus de menace et pourrait être achevé sans aucune difficulté ; ce qui fit sourire Géandre. Malgré l'état de leur expert en défense, cette chasse était une réussite.
Ravi, il sortit de son fourreau son épée, pour s'apprêter à rejoindre l'épéiste auprès du monstre.
Cependant, il avait à peine fait un pas, qu'il se rendit compte que quelque chose n'allait pas.
La lance de Valshesia s'était soudainement arrêtée, et un râle de douleur lui parvint depuis l'arrière de sa position. Avait-elle déjà épuisé tout son mana ?
Si c'était le cas, il lui fallait une potion de mana en urgence pour éviter qu'elle ne s'évanouisse.
Il se retourna, et écarquillant les yeux, vit que l'immobilisme de la jeune femme n'était pas causé par une carence en mana.
Soulevée au-dessus du sol, la jeune femme était tenue en l'air par la gorge par un homme qui tournait le dos à Géandre et au reste du groupe.
« Valsh ! » S'écria-t-il.
L'homme vêtu de noir et d'une cape avec un col en fourrure sombre tourna alors le visage vers lui, et le sang de Géandre se glaça.
L'agresseur portait un masque totalement lisse, dissimulant complètement son visage.
Pourtant, le jeune chasseur était absolument sûr que l'agresseur le fusillait du regard.