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Chapitre 1

Une immense pleine lune brillait dans le ciel nocturne du royaume d'Erganane. La pâle lumière argentée illuminait les flancs de la montagne des éléments. Au pied du massif, formant la frontière naturelle avec le royaume d'Inguadia, pays des amazones, le village du clan Arginanes dormait d'un sommeil profond. Seule une légère brise perturbait le silence de la vallée, ainsi qu'un écho métallique résonnant depuis le sommet du pic.

Là, dans une petite forge située sur un plateau rocheux, logé contre le flanc nord de la montagne, Udiir, le jeune forgeron, poursuivait son œuvre malgré l'heure tardive. Il devait finir cette commande d'épées pour le seigneur du fief d'Arguane. Mais travailler tard ne le gênait pas. Forger était sa passion et il appréciait le seigneur Jayce Marteau-Stellaire ainsi que son fils Mathias. Mener à bien une tâche confiée par cet homme, la rendait plus gratifiante à ses yeux.

Udiir martela l'acier rougeoyant pendant de longues minutes, puis il stoppa son geste. Il inspecta la lame et le plus naturellement du monde, l'empoigna fermement de sa main nue. Il sentait à peine la chaleur produite par la lame chauffée à blanc. Voyant un défaut, le jeune forgeron se concentra. Aussitôt son poing tenant la pièce d'acier, irradia d'une lueur orangée et s'embrasa. Il se remit alors à marteler sereinement la pièce de métal.

Il fallut une demi-heure à Udiir pour être satisfait de son travail et une heure complète pour empaqueter les quarante épées qu'il avait forgé. Épuisé et couvert de suie le jeune homme s'écroula sur son lit, sans prendre la peine de se déshabiller.

Il fut réveillé par un rugissement familier ; il savait très bien ce qu'il signifiait. Udiir se redressa d'un bond sur son matelas, jetant un regard sur l'horloge accrochée au mur de sa demeure ; il était presque neuf heures du matin et le seigneur Jayce arriverait dans une heure et demie. Le forgeron comprit qu'il n'avait pas le temps de se laver, il se contenta donc de se décrasser le visage et les mains.

D'une main il saisit le paquetage en cuir, contenant la commande, et de l'autre sa tunique en peau d'ours. Enfilant cette dernière à la hâte, il en rabattit la capuche sur son visage. Puis, il dévala les quelques marches, faite de planches, du perron de sa demeure. Devant l'entrée l'attendait la responsable de ce rugissement : Alka, son ourse apprivoisée et amie de toujours. Udiir fixa la selle en cuir sur le dos de sa monture, attacha le paquetage, enfourcha l'imposante bête et la lança à toute vitesse en direction du village, espérant arriver à l'heure.

***

D'un air pensif, Mathias Marteau-Stellaire gardait ses yeux rivés sur la montagne des éléments. Avec son armure de plaques et son lourd marteau de guerre, il en imposait ; personne ne pouvait douter de son adresse aux armes.

« Tu sembles perdre patience, mon fils.

Les paroles du seigneur Jayce, son père, le tirèrent de ses pensées.

─ En effet, père, Udiir est en retard.

─ Non, c'est nous qui sommes en avance et puis il faut un peu de temps pour descendre de la montagne.

Mathias pensa répliquer, mais s'abstint. Il était vrai que le village du clan Arginanes et la forge d'Udiir étaient assez éloignés. À pied, il fallait à peu près une heure et trente minutes à cheval. De plus, il était certain que le forgeron avait travaillé jusqu'à très tard dans la nuit afin d'achever la commande de son père.

─ Vous ne pensez pas lui en avoir demandé trop cette fois père ?

L'intéressé, l'air pensif, gratta sa longue barbe brune tressée. Il avait commandé à Udiir quarante épées en acier d'Arguane, le meilleur acier du royaume – ainsi que le plus long à forger – et ce, seulement trois jours auparavant.

─ C'est possible Mathias. Mais à qui d'autre aurais-je pu confier cette tâche ?

─ Certes, mais tout de même père, autant de lames en deux jours, on ne pouvait pas diviser la commande entre plusieurs artisans ?

─ Impossible, presque tous ceux du fief sont déjà employés à temps plein pour soutenir l'effort de guerre.

De l'autre côté de la frontière, Inguadia, le royaume amazone, était en pleine guerre civile. Guerre qui, depuis plusieurs années maintenant, concernait également le royaume d'Erganane. Les clans amazones, renégats, avaient scellé une alliance avec la secte des cultistes de Djinn'Rha, le dieu démon de la magie noire – un groupe de fanatiques, vouant un culte aux démons et à la magie corruptrice du chaos. Leur objectif : semer la discorde dans les différents royaumes, afin de créer un état exclusivement dirigé par des sorciers, vénérant les démons.

Voyant la menace d'une telle alliance, la reine guerrière Artha Lance-d'orage, dirigeante d'Erganane, décida d'envoyer des troupes de soutien à ses voisines amazones. Cependant, malgré les renforts, la ligne de front s'était rapprochée de la frontière nord-est du royaume allié, depuis presque deux ans. Devant l'urgence de la situation, la mobilisation des artisans erganiens était montée d'un cran.

Le clan Arginanes avait lui aussi dû augmenter son taux de production d'armes, au point que les apprentis forgerons devaient également mettre la main à la pâte, Udiir inclus.

Les soldats n'en savaient rien mais beaucoup des meilleures armes avaient été forgées par ce jeune homme. Enfin « jeune homme », Jayce ne savait pas vraiment si ce terme s'appliquait vraiment à Udiir. Car, après tout, personne – pas même ses parents – ne savait d'où il venait, à quelle race il appartenait. Ils ne connaissaient que son âge : dix-sept ans.

Jayce Marteau-Stellaire releva les yeux, à la vue des personnes qui venaient à sa rencontre il cessa ses réflexions.

─ Bonjour Roy.

Roy Arginanes, un grand gaillard aux cheveux et à la barbe rousse, ainsi que sa femme, la sorcière Allisya, une femme aux cheveux noirs et aux courbes généreuses qu'une robe de mage couvrait, s'avançaient, un grand sourire aux lèvres.

─ Bonjour Jayce, répondit le chef de clan en lui serrant la main.

Allisya regarda autour d'elle avant de prendre la parole.

─ Udiir n'est pas encore arrivé ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

─ Non, confirma Jayce en secouant la tête. Faites-moi penser à lui donner une avance pour la prochaine commande, celle-ci était vraiment sur le fil et je m'en excuse.

─ Vous allez pouvoir le faire père, dit Mathias.

Il désigna de sa main la porte du village donnant sur la montagne qu'Udiir, juché sur le dos d'Alka, venait de franchir.

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