Le refuge était un lieu d'énergie intense et de chaos organisé. Abritant près de deux cents âmes, il s'étendait dans une clairière naturelle entourée de forêts denses, presque impénétrables. Les marrons récents, affaiblis et terrifiés, se mélangeaient aux marrons anciens, rompus aux exigences de la vie dans les montagnes. Les rires des enfants, les murmures des femmes et les grognements des hommes à l'ouvrage formaient une symphonie de survie.
Marie-Louise, tenant toujours fermement son grigri, attirait l'attention de la mambo. Cette dernière, une femme âgée aux yeux perçants et à la présence imposante, observait la jeune femme avec un mélange d'intrigue et de respect.
— Ce grigri… murmura la mambo en tendant une main osseuse vers l'amulette. Il contient une puissance ancienne. D'où le tiens-tu, ma fille ?
Marie-Louise baissa les yeux, hésitant à répondre. Ses doigts se refermèrent sur l'amulette comme si elle craignait qu'on la lui prenne.
— C'était à ma mère, finit-elle par dire. Elle me l'a laissé avant de… avant de partir.
La mambo inclina la tête, ses yeux brillants d'une compréhension silencieuse.
— Il serait sage que nous parlions. Ce grigri porte une histoire, et peut-être une mission.
Marie-Louise acquiesça doucement, se promettant de revenir voir la mambo une fois qu'elle se sentirait prête.
Pendant ce temps, Victor était submergé par les demandes. Dans un coin du refuge, il avait installé une sorte de clinique improvisée. Les marrons blessés par des balles, les éclats de pièges ou simplement affaiblis par les privations se pressaient autour de lui. Son visage était grave mais concentré, ses mains sûrement guidées par son expérience et son instinct.
— Prochaine ! dit-il sans lever les yeux, enroulant un bandage autour du bras d'un homme qui avait été gravement lacéré par des chiens.
— Merci, murmura le blessé avant de se lever, cédant sa place à une femme portant un enfant fébrile.
Victor attrapa une fiole de son sac, examinant rapidement l'enfant.
— De la fièvre, mais il survivra, dit-il en versant quelques gouttes d'un mélange dans la bouche de l'enfant. Donnez-lui ça toutes les six heures. Beaucoup d'eau aussi.
Au centre du campement, Aniaba, de son côté, était conduit à une petite hutte à l'écart. Là, il rencontra un homme d'une quarantaine d'années, à la carrure impressionnante et aux yeux vifs. Ses cheveux étaient tressés et son visage portait les traces d'une vie de combats.
— Aniaba, je présume ? dit l'homme en se levant pour tendre une main ferme.
Aniaba étudia son interlocuteur avant de serrer sa main.
— Et vous êtes ?
— Jean-Baptiste, répondit-il avec un sourire discret. On m'a dit que vous étiez la raison pour laquelle beaucoup de ces gens sont encore en vie.
— Je fais ce que je dois faire, répondit Aniaba, son ton pragmatique masquant une pointe de méfiance. Et vous ? Pourquoi êtes-vous ici ?
Jean-Baptiste se rassit lentement, invitant Aniaba à faire de même.
— Parce que, comme vous, je crois que la liberté ne se donne pas, elle se prend. Et si nous devons briser leurs chaînes, il faudra le faire ensemble.
Aniaba plissa les yeux, évaluant l'homme en face de lui. Jean-Baptiste semblait sincère, mais Aniaba savait que les apparences pouvaient être trompeuses.
— D'accord, dit-il finalement. Mais sachez que je ne fais confiance qu'aux actions, pas aux mots.
Jean-Baptiste hocha la tête avec un sourire entendu.
— Alors laissez-moi vous montrer ce dont je suis capable.
Leurs regards se croisèrent, un accord tacite se formant entre les deux hommes. Le refuge était peut-être une halte, mais il devenait également un point de départ pour une alliance qui pourrait changer le cours de leur combat.