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RETH
Il détestait cela.
Chaque pas au côté des tambours grattait sur Reth comme une griffe tirée le long de son échine.
Il savait que son peuple avait besoin des traditions anciennes, pour sentir les instincts de leurs ancêtres s'exprimer dans les tribus. Mais le Rite de Survie était brutal. Incivilisé. Mortel. Il apaisait la chair mais n'apportait rien à l'esprit.
Alors, il redoutait chaque pas qu'il effectuait vers le cercle. Et il haïssait le fait qu'en tant que Roi il ne pouvait le dénoncer — au contraire, de fait. Il devait protéger les traditions, peu importe leur horreur. Cette nuit se terminerait avec du sang sur ses mains, avec le goût cuivré de celui-ci dans sa bouche.
Reth laissa échapper un grognement sourd dans sa gorge. Le tambourineur à côté de lui le regardait avec méfiance.
Lentement, lentement, ils faisaient leur douloureux chemin vers le bain de sang. Bien qu'il n'y avait aucun doute qu'il avait vu que les Humains Purs étaient souvent marqués par une faiblesse tant physique que mentale, il était aussi vrai que s'il avait été un souverain humain il ne se serait probablement jamais retrouvé à superviser un combat à mort où les femelles se battaient pour devenir sa compagne.
Il y avait des choses que les puristes comprenaient bien.
Les tambours battaient jusqu'à ce que finalement Reth fasse son premier pas dans la clairière, se tournant, hochant la tête pour se montrer à son peuple, qui murmurait et papotait d'excitation en s'inclinant en signe de soumission à lui. La plupart d'entre eux. Il savait que certains s'inclinaient les dents serrées et les griffes dégainées. Mais, au moins pour l'instant, ils déguisaient leur trahison.
Reth scannait lentement le cercle, laissant son parfum appeler la dévotion des loyaux.
Jusqu'à ce qu'il atteigne l'extrémité nord de la clairière et que ses yeux se posent sur le Pur qui avait été choisi.
C'était comme un ensemble de griffes dans son ventre. Seules des années d'entraînement et de discipline empêchèrent la mâchoire de Reth de tomber ouverte de choc.
« Elia ? » souffla-t-il pour lui-même.
Ce n'était pas possible. Cela ne pouvait pas être possible.
Et cela ne pouvait pas non plus être une coïncidence. Pourtant, personne ne savait. Et si elle était ici… elle était destinée à mourir.
Cette pensée lui glacait l'estomac.
Elle se figea sous son regard — non pas parce qu'elle le reconnaissait, mais parce qu'un instinct enfoui en elle comprenait le danger qu'il représentait. Elle réagissait à sa présence, non à sa personne.
Comment était-il possible qu'elle soit ici ?
Instinctivement, il se tourna pour regarder les loups. Il était certain que c'était leur oeuvre. Mais il ne pouvait se permettre de lui montrer une attention particulière — ou de les laisser savoir qu'ils avaient réussi à le troubler. Ainsi, après avoir croisé le regard de chaque Alpha des meutes, il passa aux autres tribus. Mais son esprit revenait vers elle à chaque souffle.
« Bienvenue, Anima ! » cria-t-il à travers la nuit, répondant à un chœur d'aboiements, de toux, d'appels et d'applaudissements. « Vous venez ce soir en mémoire de vos ancêtres. Les sacrifices que vous offrez garantiront que le sang le plus fort continue de couler dans les veines des Souverains d'Anima. Ces offrandes seront honorées pendant des générations. Le Chef de Clan et son père, et le père de son père, vous remercient. »
Il fit une pause pour l'effet — et pour recevoir leurs applaudissements — mais il fut forcé de prendre une profonde inspiration pour se ressaisir. « Ce soir, le futur d'Anima fera un pas en avant. Ce soir, les Tribus reçoivent leur Reine ! »
La réponse aurait semblé chaotique pour des oreilles humaines, mais Reth pouvait distinguer le crépitement d'avertissement des Avalines semblables à des oiseaux, le fredonnement de soumission des équidés Équines, les grognements des lupins Lupins — même les Amphines semblables à des crapauds élevaient leurs coassements, avec les autres tribus. Tout Anima était représenté ce soir, et malgré leurs différents espoirs pour cette nuit, tous anticipaient la prochaine étape.
Même Reth.
Il ne savait pas comment les Loups avaient trouvé Elia, mais il savait que la stratégie de combat des Lupins était sans égale. Il ne pouvait rien faire pour la sauver sans affaiblir la position de tout le Royaume. Cette pensée arracha un grognement à sa gorge qui résonna à travers le bavardage et fit taire l'assemblée.
Il laissa le silence peser dans l'air pour rappeler aux loups qui avait le contrôle.
Il gardait son visage exempt d'émotion, sachant qu'ils le surveilleraient de près. « Seulement en cette nuit, une fois par génération, nous amenons les Purs à Anima pour leur offrir l'occasion de prouver leur sang. Et ainsi, j'appelle les Tribus à reconnaître notre sœur humaine, la Pure. » Il balaya une main vers Elia, et les Tribus répondirent avec leurs sifflements, coassements, aboiements et bêlements, chacun appelant vers son sang humain ancien dans leur propre langue.
Il était de tradition de donner à la victime Pure l'occasion de prononcer des paroles à retenir. Alors qu'ils se taisaient, Reth retenait son souffle, se forçant à feindre l'indifférence à ce qu'elle pourrait dire, malgré tout son corps désirant se pencher en avant.
Elle fixait, bouche bée, la foule et lui, alors qu'ils attendaient tous. Il lui fallut un moment pour réaliser qu'ils ne parleraient pas avant qu'elle ne le fasse. Mais ce fut avec un cœur lourd que Reth entendit ses mots.
« Je... Je ne vous connais même pas, vous tous ! Pourquoi suis-je ici ? »
Des murmures s'élevaient dans le cercle — certains avec inconfort, d'autres amusés. Il y avait une grande variété d'opinions sur la poursuite de la tradition d'amener un Pur dans le Rituel. Mais peu importe combien étaient tendres de cœur, Anima ne respecterait jamais une marque de peur.
Reth ne rata pas que pendant que la foule murmurait leurs pensées les uns aux autres, Lucine — la sacrifice Lupine — écarquillait ses yeux en direction d'Elia et traça un doigt crochu devant sa gorge. Pour quiconque d'Anima, elle aurait griffé son ventre pour faire cette menace. Mais elle savait assez des humains pour comprendre qu'ils manqueraient la référence à la pratique des loups consistant à éviscérer leur proie.
« Commençons ce merdier, » murmura-t-il sous son souffle. Il hocha la tête une fois et le tambourineur à côté de lui claqua son bâton sur le tambour trois fois à la suite. « Que le Rituel commence ! » rugit Reth et fut répondu par la foule tandis que les femmes à l'intérieur du cercle bondissaient en vie — ou plutôt vers la mort.
Se tournant pour prendre sa place dans le cercle, il savait qu'il ne pouvait laisser son visage exprimer sa pitié pour Elia. Mais il la ressentait jusqu'à ses os. Pitié pour elle, et colère contre les loups qui l'avaient traquée. Mais aussi pour lui-même.
Elia ne méritait pas de mourir parce qu'il avait été trop faible pour en finir avec ses ennemis.
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