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Étoile - Le temps presse

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Étoile

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Mon rêve semblait s'étendre à l'infini. Je revivais simplement ma vie entière, souvenir après souvenir. Vu que je n'en avais pas tant que ça en dehors de cette pièce, ils se confondaient les uns avec les autres.

Il m'était difficile de distinguer quoi que ce soit dans ce que je voyais, à moins que je ne voie d'autres personnes dans les souvenirs. J'essayais de me concentrer sur mes souvenirs de Bailey et de Reed. Ces souvenirs étaient les seuls qui m'apportaient de la joie, enfin, la plupart du temps en tout cas. Ils me manquaient tellement, mais ils n'étaient plus vraiment autorisés à venir à la maison. L'oncle Howard avait limité leur accès à moi parce qu'il pensait qu'ils essayeraient de m'emporter.

Lorsque je me suis réveillée, j'étais encore allongée sur le sol. Cela signifiait que personne n'était venu me déplacer pendant mon sommeil. Ça, en fait, ça me rassurait.

Il n'y avait eu que quelques fois où je m'étais réveillée pour trouver que j'avais été placée dans mon piètre excuse de lit. C'était toujours après avoir été battue si fort que j'avais littéralement perdu connaissance sur le sol à cause de la douleur ou d'un coup particulièrement dur à la tête. Mais, je détestais chaque fois que je réalisais que j'avais été déplacée. J'avais le sombre soupçon que c'était l'oncle Howard qui m'avait bougée et je ne voulais même pas penser qu'il m'avait touchée.

J'avais l'impression d'avoir été piétinée par quelque chose de gros et de lent. Il avait pris son temps en marchant lentement sur mon corps meurtri.

Me tordant de douleur, je me suis assise aussi délicatement que je le pouvais. Mon épaule semblait être le pire pour le moment, ayant été la dernière blessure que j'avais reçue avant de perdre connaissance. Mon pied et ma jambe gauche, que je m'étais blessés en forcant la porte pour m'échapper la nuit dernière, guérissaient, quoique lentement. Mes cheveux ne donnaient plus l'impression que j'avais été scalpée, heureusement ils étaient restés attachés et ma tête ne brûlait plus autant.

Les coupures et éraflures dues à ma traversée à dos sur le sol de la forêt avaient saigné, mais pas beaucoup et elles étaient toutes fermées maintenant, il y avait encore des lignes çà et là où les coupures avaient été. Ces lignes disparaitraient en deux jours maximum, en fonction de leur profondeur.

Plus mes blessures étaient graves, plus il me fallait de temps pour guérir, c'était évident, mais je ne savais pas ce qui était normal pour un loup-garou et ce qui ne l'était pas. Tout ce que je sais, c'est la vitesse à laquelle je guérissais la plupart des choses, et que si je n'étais pas capable de guérir aussi rapidement j'aurais mouru il y a très longtemps.

Alors que j'essaie de me mettre debout pour au moins m'asseoir sur mon lit, je grimace de nouveau et failli crier de douleur. Cependant, je me mordis la langue et réussis à ne faire aucun bruit. Je me reprends sur ce que je pensais plus tôt, ma jambe était le pire. Ou était-ce mon pied ? Je ne pouvais pas faire la différence. La douleur fusait en moi si intensément que je ne voulais rien de plus que de crier. Pourtant, je ne le ferais pas. Je ne pouvais pas le faire.

J'avais fait de mon mieux pour empêcher ma famille d'entendre le moindre son de ma part ces dernières années. Je ne leur accorderais pas la satisfaction d'entendre mes cris de douleur, de terreur, ou mes sanglots pour toutes les nombreuses raisons pour lesquelles je devrais pleurer.

Non, ils ne valaient pas ma voix. C'était quelque chose que je pouvais choisir de garder pour moi, et bon sang, je la garderais.

Tout ce que je pouvais faire, c'était de boiter et m'asseoir sur le lit pour ne pas rester accroupie sur le sol.

'Mince, ce n'est pas bon.' pensais-je en essayant de penser à un moyen de fuir quand je ne pouvais pas courir. Comme l'Oncle Howard l'a souligné hier soir, il ne me restait pas longtemps avant d'avoir dix-huit ans et ensuite je deviendrais rien de plus qu'un jouet, un outil, pour ma vile famille à utiliser à leur guise.

Que ça non. Je préférerais mourir plutôt que de laisser cela arriver. À moins que je sois paralysée, ou morte, je m'enfuirais. Je courrais, et courrais encore. Chaque jour jusqu'à ce que je sois libre.

Je crois qu'il était midi quand je me suis réveillée et je devais attendre ce soir pour faire mon geste. D'ici là, je ferais juste passer le temps.

Attendre que le temps passe m'avait vraiment rendu douée en maths. Rien de compliqué mais c'était ainsi que j'avais perfectionné mes compétences en comptage, puis en addition et en multiplication. J'avais appris tout ça après avoir lu des dictionnaires et d'autres livres étranges que mes cousins m'avaient apporté.

Après six mille huit cent trente-deux secondes d'attente, près de deux heures, j'ai entendu le son caractéristique de la porte s'ouvrant en haut des escaliers. Tiens, c'est étrange, je ne m'attendais pas à ce qu'ils me nourrissent aujourd'hui. Tant mieux, la nourriture m'aiderait à guérir plus vite.

"Oh, regarde qui est finalement debout." entendis-je la voix de ma tante Tina me railler quand elle atteignit le bas des escaliers. Je l'ignorais simplement alors qu'elle s'approchait de moi, les yeux fermés pour bloquer son visage. C'était une femme vile à plus d'un titre.

Tina était laide, c'était le seul moyen de la décrire. Ses cheveux étaient si bouclés qu'ils avaient l'air emmêlés au lieu d'être bouclés et ils étaient de la couleur de la terre sèche. Mais ils perdaient lentement leur teinte et devenaient de la même couleur grise que les murs de pierre qui m'entouraient. Et ses yeux étaient d'un jaune moutarde répugnant.

Je détestais la regarder, surtout parce qu'elle me haïssait. J'étais jolie, ou en tout cas c'est ce que l'oncle Howard m'avait dit maintes et maintes fois au cours des cinq dernières années, et je suppose que cela rendait Tina jalouse. Le regard que j'avais toujours vu dans les yeux de Tina me paraissait jaloux et envieux, de quoi pouvait-elle m'envier ?

"Tiens, prends ta nourriture, espèce d'ordure." Elle claqua en jetant la bouteille d'eau vers moi et suivi en jetant un sandwich vers ma tête ensuite. Il était enveloppé dans du plastique, ce qui était tout ce qui l'empêchait de se désintégrer et de se répandre sur le sol en volant à travers l'air.

Je détestais manger de la nourriture tombée du sol, mais croyez-moi, vous devenez assez désespéré pour manger à peu près n'importe quoi quand vous n'avez rien mangé depuis presque une semaine. Donc j'étais vraiment content que la nourriture ne soit pas éparpillée comme une pathétique excuse de smorgasbord.

"Tu ferais mieux d'apprécier ça. Howie l'a acheté lui-même." Je n'ai pas bougé, je n'ai pas même flanché. Je n'avais pas bougé un muscle depuis qu'elle était entrée, je restais simplement là en comptant les secondes qu'elle passait dans la pièce avec moi.

'Trois cents quarante-neuf. Trois cent cinquante.' Mon compte mental m'aidait à gérer des moments comme ça où je ne pouvais pas bouger ou me défendre de quelque manière que ce soit.

"Pourquoi tu ne veux pas me regarder, hein ? Espèce d'omega sans valeur." Elle lança les mots sur moi comme si c'était une malédiction vile, comme si je devais me pâmer devant elle pour être plus forte que moi.

'Quatre cent dix-sept.'

"Je ne sais pas ce que Howie trouve en toi. On aurait dû te tuer il y a bien longtemps." Elle riait maintenant. "Argh, c'est inutile. Tu es probablement juste montée dans ce lit et tu t'es évanouie de nouveau, tu étais inconsciente toute la journée de toute façon hier, alors qu'est-ce qu'un autre jour sans que j'ai à m'occuper de toi?"

J'ai failli rompre ma couverture, et j'ai presque perdu le compte, quand elle m'a dit que j'étais inconsciente hier. C'est pour ça que j'avais de la nourriture aujourd'hui, ils avaient sauté mon repas hier mais avaient au moins vérifié si j'étais vivante.

'Super.' Je soufflai dans mon esprit. J'avais été si blessée que j'étais inconsciente pendant plus d'une journée entière. C'était si long et ma jambe me faisait encore si mal, j'avais sûrement vraiment cassé quelque chose. Et mon épaule était aussi en mauvais état, même après tout ce temps. Est-ce que ma guérison s'affaiblissait ? J'espérais que non. Je devais me remettre sur pied et sortir d'ici.

Peut-être qu'en réussissant à garder cette nourriture, je pourrais récupérer un peu de force pour guérir davantage.

Grâce à mon comptage, j'ai pu rester immobile et ne pas bouger lorsque Tante Tina est revenue vérifier sur moi de nouveau. Elle semblait satisfaite de me voir inconsciente et blessée, cette fois elle ne fit que marmonner de mépris avant de partir de nouveau.

"Si putain de faible." Ce furent les mots qu'elle marmonna avant de remonter les escaliers. J'étais toujours assise au même endroit, adossée contre le mur comme la fois précédente. Peut-être qu'elle pensait que j'étais morte.

'Trente-six mille six cent quarante-cinq.' Je comptais toujours dans ma tête. Cela faisait plusieurs heures et j'espérais qu'il était le milieu de la nuit. Il n'y avait pas un bruit venant de l'étage. Personne ne marchait, j'espérais que cela signifiait que tout le monde dormait. J'avais besoin de ce temps pour réaliser mon prochaine grande évasion. Je devais faire cette tentative aussi silencieusement que possible. Si je faisais trop de bruit, je les alerterais tout de suite, tout comme je l'avais fait l'autre nuit.

Rapidement, je mangeais le sandwich que j'avais laissé intact toute la journée. Mon estomac vide essayait de rejeter la nourriture plutôt que d'en tirer de la subsistance. Cela arrivait souvent lorsque j'avais passé tant de temps sans manger, mais après quelques minutes je pouvais sentir l'énergie se diffuser en moi et la guérison commencer à fonctionner un peu plus vite.

Cela faisait toujours un mal de chien de bouger. Je pouvais à peine marcher mais je faisais de mon mieux pour passer outre, je ne raterais aucune opportunité de m'enfuir. Aussi silencieusement que je pouvais, je montais les escaliers, c'était plus une escalade vraiment car marcher était une corvée et je ne voulais pas m'épuiser trop tôt.

Je ne savais pas exactement comment je prévoyais de passer la porte réellement. Je comptais essayer de briser la serrure, les temps désespérés exigeaient des mesures désespérées après tout. J'ai atteint la poignée de porte et étais prête pour un long combat silencieux avec la serrure, mais la poignée a tourné facilement. Comment était-ce possible ?

J'ai eu de nombreuses pensées quand la porte a ouvert. Était-ce un piège ? Était-ce une négligence de la part de Tina parce qu'elle pensait que j'étais trop faible, trop blessée, pour essayer de m'échapper ? Est-ce que je marcherais droit dans une embuscade ?

Je me fichais que ce soit un piège, une négligence ou un cadeau des Dieux, je saisirais ma chance et je m'enfuirais.

J'ouvrais la porte doucement et silencieusement. Je ne sentais personne de l'autre côté. Bien. Je marchais prudemment, traînant presque ma jambe gauche au fur et à mesure que je m'échappais. Je n'étais pas à plus de cinq pas de la porte quand j'ai entendu un grand bruit de crash et un coup sourd provenant du côté opposé de la maison.

'Dammit! Ils m'avaient tendu un piège!' pensais-je. 'Peu importe, je cours quand même.'

Je courais maintenant en ignorant la douleur. J'avais atteint la porte extérieure, je pouvais presque sentir l'air dehors. J'ouvrais la porte à la volée et sentis quelqu'un juste devant moi. Je ne pouvais pas arrêter ma trajectoire, j'allais trop vite et me suis écrasée contre quelqu'un, encore une fois.

Cette personne était tout aussi dure et immobile que la dernière. Mais là où la dernière personne sentait la menthe et les herbes apaisantes, l'odeur de cette personne était épicée, exotique, enivrante et effrayante. Ce n'était pas une odeur que je reconnaissais du tout. Qui était-il ? Qu'était-il ? Et qu'allait-il me faire ?

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