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De nouveau convoqué

[Ce samedi, à vingt-deux heures, vous serez de nouveau convoqué en ces lieux.]

C'était les derniers mots que Norval avait lu sur la fenêtre virtuelle, avant d'être renvoyé dans son corps.

Ce soir... je mettrai toute cette histoire au clair.

Ses yeux observant les nombreuses étoiles qui illuminaient l'espace, Norval affichait un air déterminé. Même s'il avait pu en revenir, il ne savait toujours pas pourquoi le Chronarque l'avait convoqué là bas, ni même qui était l'autre homme qui s'y trouvait. Le fait qu'il soit de nouveau convoqué cinq jours plus tard ne pouvait pas être une coïncidence. Norval se fit la réflexion que la première fois n'était peut-être qu'un test. Dans tous les cas, cette fois Le Chronarque révélerait probablement ses intentions. 

Est-ce que le mendiant sera là aussi ? Je ne sais pas si le message était adressé à nous deux.

Le voyage du galion dans l'astral avait pris fin et le vaisseau survolait maintenant le royaume de Lirion, un royaume vassal du royaume d'Heole. 

« Nous arriverons à Dryadalis en fin d'après-midi ! » annonça le capitaine au microphone.

En dehors de son évanouissement « anormal », il n'y avait pas eu d'autres incidents causés par l'astral au cours du voyage. La doctoresse le surveillait toujours attentivement après cet épisode, mais Norval continuait de nier tout problème, et elle ne poussa pas davantage. Puisqu'ils allaient bientôt arriver, Norval se rendit au dortoir pour faire ses bagages, et y trouva Mars qui faisait de même.

« Tiens, te voilà enfin, tu sais que tu es le seul à ne pas avoir encore rangé tes affaires ? »

Norval releva un sourcil. — « Qu'en est-il de toi ? »

— « Je suis en train de le faire, ça ne se voit pas ? »

Norval soutint son regard un moment, avant de finalement laisser tomber. Il n'avait pas la force de le contredire.

« Au fait, tu as trouvé une solution pour qu'on ne découvre pas ton secret ? »

Perplexe, Norval releva la tête, les yeux écarquillés. — « Mon secret ? »

— « Oui, tu sais, vu que tu as été invité par un doyen, il ne fallait pas que tu trouves une excuse pour pas qu'on ne finisse par découvrir... ta réelle identité ? »

— « Mars, est-ce que tu insinue que cette identité n'est pas la mienne ? »

— « Tu as déjà avoué que c'était le cas, non ? »

Ce n'était peut-être qu'une impression, mais Mars eut la sensation que la température avait grandement diminué dans la pièce. Frissonnant presque de froid, il était sur le point d'en parler à Norval. Cependant lorsqu'il croisa son regard, un sentiment étrange l'envahit et il resta pétrifié.

— "Une fausse identité ? Je ne pense pas avoir évoqué quelque chose qui aurait pu laisser penser cela. Et tout cela est inexact, il doit s'agir d'une erreur de ta part, non ?"

Quoique un peu crispé, Mars lui sourit en retour. — "Bien sûr, c'était une erreur de ma part, désolé."

La température ambiante revint à la normale et Norval commença à ranger ses affaires comme si rien ne s'était passé. Mars resta ébahi un instant avant de continuer à préparer ses bagages également.

***

Dans le domaine de Dryadalis, parmi les habitations des étudiants les plus fortunés. Un nouvel étudiant venait d'emménager dans l'une des plus belle demeure du domaine. C'était un petit manoir style baroque, disposant d'un vaste jardin et d'un bosquet. La saison actuelle ne mettait pas pleinement en valeur les atouts de cette résidence. Mais il était facile d'imaginer le magnifique paysage qui se dévoilerait à la fin de l'hiver.

"Albert"

— "Oui, votre altesse"

Le jeune homme aux longs cheveux blancs, installé sur le sofa, s'amusait avec une pièce d'échecs entre ses mains, arborant un sourire des plus raffinés.

— "Je souhaite que personne ne vienne me déranger ce soir. J'ai un nouveau projet sur lequel travailler et la moindre perturbation pourrait provoquer un grave accident."

Le majordome s'inclina légèrement. — "Je comprends votre altesse."

***

En temps normal, les étudiants étaient affiliés à une résidence de l'académie en première année, et ils y demeureraient tout au long de leur scolarité. Cependant, Norval entrait en sixième année en tant que nouvel étudiant et fut donc logé dans une résidence de moindre renommée dans laquelle il restait de la place. Le bâtiment était dans un état déplorable, loin des standards de la prestigieuse académie Dryadalis. Cette petite résidence, comptant seulement quelques étudiants, était d'une taille telle que Norval ne s'attendait même pas à avoir sa propre chambre. Cependant, il fut agréablement surpris de constater qu'il en avait une. Bien que la pièce puisse être comparée à un placard à balais par rapport à ce qu'il avait toujours connu, c'était préférable à partager une chambre avec quelqu'un d'autre. Les murs étaient revêtus d'une tapisserie verte et bleue aux motifs floraux d'une grande laideur, avec de grandes fenêtres donnant sur un jardin mal entretenu. Le parquet, usé, présentait des taches difficiles à enlever en raison d'un manque d'entretien. 

Epuisé par le voyage, Norval poussa ses bagages dans un coin, repoussant le rangement à plus tard, et s'affala dans le lit. Il ne tarda pas à somnoler et s'endormit rapidement.

Après ce qui lui à parut être un court moment, il fut réveillé par des cris provenant du couloir. La scène lui parut étrangement familière. S'il n'était certain que les aventures de ces derniers jours étaient réels, il aurait presque pû croire qu'il se trouvait toujours à Kastellin, dans sa chambre princière. Cependant, la légère odeur de moisi dans la pièce, l'inconfort des couvertures et le matelas dur sur lequel il était allongé, étaient là pour lui rappeler la triste réalité.

"Qui est le fou qui se permet de faire un boucan pareil devant ma chambre" murmura-t-il, encore somnolent.

N'ayant aucune envie de se lever, il attendit de voir si les choses allaient se calmer d'elle même dehors, mais la situation ne semblait pas s'arranger. Les cris étaient de plus en plus fort et Norval entendit même des objets être balancés.

Les sourcils fortement froncés, l'un d'eux tressautant même à intervalle régulier, Norval se leva subitement, partant ouvrir la porte et voir ce qu'il se passait. 

Au bout du couloir, il aperçut un garçon grassouillet, une chaussure à la main, la secouant dans tous les sens. 

"Qui penses-tu être pour te pavaner dans ces vêtements ! C'est une insulte envers le seigneur !"

— "Qu'est-ce que tu ne comprend pas dans le fait que je sois un putain de pasteur !"

— "Tu n'as rien d'un pasteur ! Les saints clercs ne sont pas autorisés à étudier en dehors de leur culte !"

— "Va te faire voir ! J'ai mes raisons d'être là !"

Norval n'en croyait pas ses yeux. Il ne savait pas si cet étudiant était réellement un pasteur, mais dans tous les cas cette dispute était surréaliste. Celui qui se prétendait être un pieux fidèle, bien qu'il en ait l'apparence et la tenue, n'en avait absolument pas l'attitude. Tandis que l'autre, alors qu'il n'était probablement qu'un simple croyant, semblait être encore plus fidèle que le fidèle lui-même. 

Norval massa ses tempes, fatigué de chercher à donner un sens à cette scène.

"Hé, je peux savoir ce qu'il ce passe ici ?"

Les deux étudiants arrêtèrent de se lancer les objets qu'ils avaient sous la main et se tournèrent vers lui, remarquant tout juste sa présence.

"Hein ? T'es qui toi ?" Demanda le garçon grassouillet.

Le second parut stupéfait par ces mots. Il regarda le grassouillet de travers. — "Est-ce que tu ne vis pas ici ? Comment peux-tu ne pas connaître les élèves de ta propre résidence ?"

— "Hé ! Pour qui est-ce que tu me prends ? Bien sûr, je connais tous ceux qui vivent ici ! Mais celui-là, je ne l'ai jamais vu, il n'était certainement pas là l'an dernier.

— "Oh ? Alors je ne suis pas le seul nouveau ici ?"

Le rouquin vêtu d'un costume de pasteur, afficha soudain une mine moins aigrie. D'un pas nonchalant, il s'avança jusqu'à Norval et lui tendit une main.

"David Morley, et toi ?"

Norval n'appréciait pas son attitude désinvolte, mais il accepta quand même la poignée de main.

— "Emile Jacob"

Mais quand sa main entra en contact avec celle de l'autre garçon, il sentit une décharge lui traverser le bras et retira immédiatement sa main. Il dévisagea l'étudiant et, maintenant totalement réveillé, s'adressa à lui sur un autre ton.

"Tu es bien impoli pour un prétendu fidèle !"

Le visage sombre, le rouquin avait l'air de quelqu'un venant de subir un très grand choc.

— "Toi… tu n'es qu'un illuminé de premier palier ?!"

Le garçon grassouillet derrière lui prit la parole d'un ton moqueur.

— "Qu'est-ce que tu racontes comme bêtise ? Sais-tu dans quelle académie nous sommes ? Même les premier année n'ont pas un niveau aussi bas. Si tu comptes mentir afin de l'intimider, essai au moins de le faire correctement !"

— "Je suis un putain de pasteur ! Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ?!"

Pendant que les deux autres continuaient de se chamailler, Norval vit mille et une pensées lui traverser l'esprit en un instant. Qu'est-ce qui venait tout juste de se passer ? Un illuminé de premier pallier ? N'avait-il pas restreint son Vis de sorte à avoir le niveau d'un illuminé de cinquième palier ? Est-ce qu'il avait fait une erreur ? Non, c'était impossible. Le collier de perles n'était pas une relique difficile à manier. Lorsqu'il avait restreint son Vis avant, il avait clairement eu l'intention de s'abaisser au niveau du cinquième palier. Il avait même vérifié si cela avait bien fonctionné, et c'était assurément le cas. Il y a six jours, lorsqu'il avait embarqué sur le galion, il avait le niveau d'un saint illuminé de cinquième palier. Alors que s'est-il passé entre-temps ?

D'une main nerveuse, Norval se massa les tempes. Mais une idée qui le soulagea un peu lui vint à l'esprit. Peut-être que cet étudiant s'était simplement trompé. Après tout, cela pouvait arriver de se tromper sur le niveau d'une personne en consultant son Vis. Et vu comme le sien avait été trafiqué par tous les artefacts qu'il possédait, cette situation était d'autant plus envisageable.

Bien… il suffit de vérifier.

Prenant une inspiration, Norval ferma les yeux et vu les canaux énergétiques qui habitaient son corps, se manifester devant lui. Il y voyait une énergie bleu violacé s'y déplacer rapidement. Mais le flux n'était pas bien large. A peine plus épais qu'un fil de laine.

"Impossible…"

— "Quoi ?"

Les deux garçons se tournèrent vers lui. 

"Tu as dit quelque chose ?" demanda le rouquin.

Norval reprit son calme, et leur adressa un sourire crispé. — "Quelle heure est-il ?"

— "Il doit être pas loin de vingt-deux heures" répondit le grassouillet. "Pourquoi ?"

— "Je pense que je devrais aller dormir maintenant. Faites en sorte de ne pas me déranger. J'ai le sommeil fragile."

— "Oh, alors bonne nuit ?"

Norval disparut dans sa chambre et verrouilla la porte. Voyant cela, les deux garçons se regardèrent hébétés. 

"Heu, tu ne trouves pas son comportement étrange ?"

— "Hm, c'était bizarre…" 

— "Tu crois que c'est à cause de nous ?"

***

Après avoir verrouillé la porte, Norval jeta un œil à l'horloge posée sur son bureau et vit qu'il était vingt-et-une heure cinquante-quatre. Il allait être convoqué dans la zone d'influence onirique du chronarque dans exactement six minutes. Le seul incident s'étant produit au cours de ces cinq derniers jours, avait été sa dernière convocation en ces lieux. La raison pour laquelle il avait été restreint au niveau d'un illuminé de cinquième palier, n'était-elle donc pas indubitablement liée au propriétaire de ce lieu ?

Je serais davantage étonné si ce n'était pas lui le responsable…

Se rappelant de son évanouissement de la dernière fois, Norval prit cette fois des précautions et s'allongea directement sur son lit. A l'approche de l'heure de la convocation, il se demanda s'il y aurait un signe de prévention, pour prévenir du moment précis auquel aurait lieu sa perte de connaissance, mais il n'y eut rien de tout cela. Il cligna seulement des yeux, et l'instant d'après il se trouvait assis sur la première rangée des bancs d'une cathédrale, face à un autel lui étant familier.

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