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♛ Chapitre 2 ♕

Caarl marchait dans les rues animées de la haute ville, l'air perdu et incertain. Il avait toujours habité en campagne dans une région reculée, c'était bien la première fois qu'il voyait autant de personnes! Même que... le nombre de personnes dans cette rue marchande dépassait déjà le total de tous les individus qu'il avait rencontrés jusqu'à maintenant! Il y avait donc de quoi être impressionné.

En plus, tous ces stands et magasins avaient une telle variété de couleurs...  cela pouvait être presque aveuglant.

Hésitant, le jeune homme s'approcha d'un stand sur le bord de la rue. C'était un guichet d'information où avec un peu d'argent, on pouvait s'acheter instantanément des nouvelles précises. Caarl déposa alors doucement quelques pièces sur le comptoir et se pencha vers le marchand de nouvelles pour s'assurer de bien entendre malgré le fort bruit ambiant.

— Les dernières nouvelles de la mère de l'héritier inconnu, s'il vous plait, demanda le garçon poliment.

L'homme assis de l'autre côté du stand regarda le montant devant lui, il manquait une pièce mais... c'était clair que c'était un petit gars innocent qui venait en centre-ville pour la première fois. Il n'allait pas trop être pointilleux par pure pitié.

— Morte assassinée, répondit-il indifféremment avec les deux jambes entrecroisées sur le comptoir.

Caarl déglutit et porta sa main inconsciemment à sa poitrine, où un pendentif était dissimulé sous ses vêtements. Il ferait mieux de se dépêcher et de se remettre vite en chemin.

— Hum... La Cité Royale, elle est dans quelle direction?

— Descends la rue jusqu'au bout et tu y seras.

— M-Merci!

Le garçon se remit en chemin à grands pas, il se sentait mal à l'aise dans son habit simple et brun, comparé à toute cette foule chic et colorée. Tout le monde parlait fort, mais lui était trop timide pour riposter quand quelqu'un le bousculait dans la rue. Une vraie tache d'encre sur un tableau à l'aquarelle.

Après un dur chemin à travers la foule, Caarl arriva enfin devant les grandes portes de la Cité Royale. Il était obligé de se tordre le cou pour pouvoir voir le sommet des arcs qui formaient l'entrée, c'était la première fois qu'il s'était senti aussi petit.

« Tu viendras à la capitale et demande de mes nouvelles. Si jamais je ne suis plus de ce monde, porte ce pendant et rends-toi à la Cité Royale. »

Pensant à ces paroles siégeant si loin dans sa mémoire, Caarl s'avança vers l'entrée d'un pas décidé seulement pour se faire arrêter par deux gardes, grands, forts, mais surtout armés...

— Hé toi! Pour qui tu te prends pour vouloir entrer comme ça? cria un des deux se mettant directement devant le garçon.

— Je... je dois entrer! répliqua le jeune homme en rassemblant tout son courage.

Le garde commença à s'énerver, croyant que le garçon se moquait de lui. Il leva la lance qu'il tenait dans sa main afin de paraître plus menaçant. Il n'était vraiment pas d'humeur pour s'occuper de ce bouffon.

— Halte! Que se passe-t-il? s'écria une voix ferme et autoritaire.

Caarl se retourna par réflexe et aperçut une jeune femme en uniforme s'approcher avec plusieurs gardes derrière elle.

Helen n'était pas du genre à se mêler des affaires des autres, mais elle voyait que les deux gardes étaient dans une situation plutôt difficile. Il fallait être cruel pour ne pas prendre quelques minutes et les aider.

— Votre Altesse! s'exclamèrent les deux gardes en se mettant à genoux au sol.

Appelez-la Capitaine, bon sang! Helen se renfrogna momentanément.

Caarl, quant à lui, resta figé en entendant le titre de la jeune femme. Une Altesse? Ah non, il n'était définitivement pas prêt pour cela.

— V-votre Altesse! Cet intrus a tenté de s'introduire à répétition dans la Cité à la lumière du grand jour et il refuse de partir!

Helen regarda le problème en question. Il n'avait pas l'air d'être porteur de dangers quelconque... on aurait dit un agneau têtu qui tentait de traverser une clôture en fer. Elle ne pouvait pas s'en débarrasser de façon trop brutale tant qu'il ne montrait aucun signe de menace. Les personnes entêtées mais inoffensives, elles sont vraiment les pires!

Devant le regard écrasant de la princesse, Caarl glissa sa main sous son col et sortit un pendentif de jade qui se balançait au bout d'une chaîne en or. Helen reconnut immédiatement le bijou: il s'agissait du phoenix de jade que son père avait perdu il y avait presque vingt ans! Que faisait-il entre les mains moites d'un petit paysan?

— J-je dois rentrer! J'ai ce pendentif, je dois rentrer! bafouilla maladroitement le jeune homme.

Helen réagit rapidement:

— Laurent, donne à ces deux gardes un peu d'argent et dis leur d'oublier ce qu'ils ont vu aujourd'hui. Tu as congé pour le restant de la journée, fit-elle en lançant une petite bourse à son lieutenant avant de se retourner vers Caarl. Toi, viens avec moi.

Caarl essaya de suivre le pas rapide de la capitaine, mais il avait beaucoup de peine avec ses jambes qui tremblaient comme deux pailles au vent. Il marchait avec une personne de la famille royale, quelles étaient les chances?

— Monte, ordonna Helen en ouvrant la portière du carrosse elle-même.

Le garçon n'osa pas refuser et entra dans le véhicule, en manquant de très près de trébucher et de tomber. La princesse grimpa dans le carrosse à son tour et signala au cocher de se rendre à la Tour.

Une fois la voiture en route, Helen tendit sa main vers le garçon.

— Montre-moi ce que tu tiens là.

— Je ne peux pas! C'est... c'est...

Helen fronça ses sourcils, l'air mécontent. Elle répéta avec un ton beaucoup plus autoritaire.

— Donne-moi ce pendant! C'est un ordre de la princesse Helen! Ose-tu désobéir?

Caarl, apeuré, remit piteusement son seul héritage de sa mère au personnage tyrannique assis en face de lui.

La capitaine, elle, ne se souciait guère de la valeur sentimentale de l'objet. Elle était plutôt réticente à l'avouer, mais cette gemme froide luisante dans sa paume... c'était bien celle de son père. La pierre possédait un éclat unique ainsi qu'emblématique et la gravure du phoenix était perfectionnée au point où la créature avait presque l'air vivant.

— Garde-le précieusement et ne le donne à personne, compris? marmonna la princesse en rendant le pendentif au garçon. Ton nom?

— C'est Caarl, votre Altesse. Caarleton.

— Ne dévoile pas ton vrai nom à quiconque, ordonna Helen qui semblait être plutôt contrariée.

Caarl hocha vigoureusement de la tête en signe d'approbation puis replaça le pendant de jade autour de son cou, soulagé de l'avoir retrouvé. Il ne pouvait vraiment pas imaginer comment sa vie serait sans ce dernier souvenir de sa mère. C'était un secret, mais il sortait souvent son pendant quand il était seul pour se confier à sa mère. Ce bijou était son seul réconfort quand il sentait la solitude s'emparer de lui.

— Capitaine, nous sommes arrivés! annonça le cocher au bout d'une dizaine de minutes.

Les deux passagers descendirent rapidement du véhicule sans encombre cette fois. Devant eux se dressait une grande tour en briques de forme cylindrique et au toit conique. Peut-être que si une fenêtre s'ouvrait, une princesse à la longue tresse en émergera? Ou serait-ce un malicieux dragon? Difficile de le dire avec cette atmosphère à la fois enchanteresse mais imposante.

Soudainement, alors que les deux individus n'étaient encore qu'à l'entrée, une voix douce et agréable résonna dans leurs oreilles. Caarl réagit vivement alors qu'Helen se retourna lentement, déjà habituée à la personne qui venait d'arriver. Qui aurait cru qu'il s'agissait d'une autre princesse?

— Princesse Abby, salua joyeusement la capitaine alors que Caarl se cacha derrière cette dernière.

— Helen, ça fait bien longtemps que tu n'es pas passée chez moi! répondit la jeune femme en s'avançant de pas légers et gracieux.

Voyant que le garçon n'avait toujours pas salué Abby, Helen lui donna un coup de coup et lui chuchota:

— C'est ta tante, dis donc bonjour!

Le jeune homme releva sa tête en signe de surprise.

— Ma tante?

— La princesse Abby est la plus jeune soeur du Roi, elle est donc notre tante. N'as-tu pas le cran de lui parler?

Caarl ne crut à peine ses oreilles, il avait une tante si jeune? Elle n'avait pas l'air si vieille pourtant! Puis, si elle était la soeur du roi, alors lui il était...

— Pardonne ce garçon pour son impolitesse je t'en prie, souffla Helen à Abby. Allons dans un endroit plus discret pour discuter.

Abby acquiesça, son air enjoué se calmant radicalement pour laisser entrevoir une expression sérieuse. Elle guida alors ses invités dans sa grande tour jusqu'à la grande bibliothèque circulaire qu'elle tenait à l'avant dernier étage de sa résidence, le dernier étage étant ses propres quartiers.

La pièce était spacieuse et élégante dans les étagères de bois noble et la lumière dorée du soleil qui s'infiltrait par les vitraux de couleur. Un petit espace avec des fauteuils et une table basse était même installé au centre afin de créer des conditions particulièrement propices à une bonne lecture inspirante. C'était là que s'étaient installées les trois personnes.

Abby prépara un thé elle-même puisque peu de serviteurs avaient l'accès aux derniers étages. Elle plaça les deux tasses joliment décorées devant ses deux invités avec un sourire et des gestes délicats, puis elle s'assit sur le siège en face d'eux.

— Dis-moi Helen, quel est ce garçon que tu viens m'apporter? fit-elle en se penchant vers l'avant.

— C'est lui le fils illégitime du roi, déclara Helen sur un ton qui paraissait impassible.

Caarl qui s'était enfin mis à l'aise et qui avait entreprit de goûter à ce thé de haute gamme ne put réagir autrement que de recracher la première gorgée qu'il avait pris.

— Allez Caarl, montre-lui ton pendentif, continua la capitaine.

Le garçon obéit sans commentaires et sortit le bijou tout en essuyant sa bouche avec sa manche.  Abby plissa des yeux en scrutant la pierre, plus la chaîne.

— C'est bien le phoenix de jade que j'ai offert à mon frère quand je n'étais encore qu'une enfant. La dernière fois qu'il a été vu... c'était il y a presque vingt ans.

Abby se mit alors à observer les traits familiers du garçon. Ses yeux ambrés étaient exactement les mêmes que ceux du roi, cette couleur d'iris, aucune de ses filles ne l'avait héritée. La jeune femme ne put s'empêcher de penser que ce garçon était presque une copie conforme de son frère quand il avait le même âge.

— Je suis quasiment sûre que c'est lui l'héritier que l'on cherche. Je n'ai pas encore de preuve pour confirmer son identité, mais les autres n'ont pas besoin de preuve pour le tuer, rajouta Helen en voyant l'air ébahi de sa tante. C'est pour cela j'aimerais le confier à toi. Je suis confiante que tu sauras le protéger et le préparer à affronter le monde au cas où son identité viendra à être révélée.

Abby sourit légèrement.

— Tu peux compter sur moi, ma bouche est cousue. Je vais élevé ce garçon comme s'il était mon successeur, s'exclama Abby en riant. Tu peux le laisser ici, je dirais que c'est un nouveau serviteur que tu m'as ramené.

Sur ce, Helen salua la princesse poliment puis quitta seule. Caarl, lui, fit surpris par la tournure des choses. Il pensait qu'on allait peut-être lui attribuer une petite grange où habiter au sein de la cité grâce aux connections de sa mère, il n'avait jamais douté être un prince! Il ne comprenait vraiment point d'où cette histoire venait, mais il était trop timide pour demander. Après tout, rien ne peut aller mal quand on est un prince, pas vrai?

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Les nouveaux personnages introduits...

- Caarl, prince (19 ans): fils illégitime du roi, il ne sait vraiment pas comment il s'est rendu là!

- Abby (26 ans): plus jeune soeur du roi, le bijou royal de la génération.