17 Yahzin le Patriarche

La voix de l'homme était calme, mais d'un calme mêlé d'assurance.

Depuis leur rencontre lorsque Sulk avait entendu sa voix dans son esprit jusqu'à maintenant, l'homme avait une voix imposante, mais quelque peu agitée.

C'était dû à la frustration d'avoir sa mémoire bloquée et d'en être conscient.

Sulk comprenait à présent. Mais la voix que l'homme qui s'était présenté comme Yahzin avait à présent, bien que familière, semblait différente pour Sulk.

Il avait désormais l'impression de parler à une toute autre personne.

Si l'homme lui avait auparavant imposé le respect, il lui donnait à présent presque peur.

Sulk sentait comme une toute puissance masquée en partie par le calme volontaire de la voix.

"Oui, cela me revient à présent. Yahzin. Le huitième patriarche du temple de Silam. Les temps ont bien changé."

Sulk s'était tu, laissant le temps à Yahzin de se remémorer ce qui semblait une époque heureuse. Bien qu'ayant partagé le même esprit pendant de nombreux mois, Sulk se rendit compte qu'il ignorait tout de lui.

Sulk observait en silence la fumée noire, dont les éclairs étaient devenus si vifs qu'ils disparaissent avant même que Sulk ne remarque leur présence. Le visage qui se dessinait était plus précis qu'auparavant et était porté par une tête ovale et fine.

Des cheveux longs faits d'éclairs flottaient en suspension dans la fumée.

"Tu m'as demandé ce qu'était le temple de Silam. C'était un lieu magnifique. L'un des plus grands temples jamais édifiés. L'un des derniers remparts contre l'oppression des Anciens, et mon lieu de naissance."

"Mais c'est maintenant un vestige du passé. Trop de temps s'est écoulé et le temple à dû disparaître en même temps que moi il y a très longtemps.

- Depuis combien de temps avez vous été prisonnier de la rune ?

- D'après ce que je ressens du monde autour de toi, cela doit faire près d'une dizaine de milliers d'années. Ton peuple, les tierrans comme vous vous appelez, était à l'époque bien plus primitif.

- De quel peuple venez vous alors ?

- Ce n'est pas la peine pour toi de le savoir. Et je... ne suis pas encore sûr. Concentre toi sur ce que je t'ai enseigné. Si tu ne sors pas de cet état et que tu ne deviens pas plus fort je ne pourrai jamais me séparer de toi. Le plus tôt sera le mieux.

- Vous savez comment vous libérer, maintenant ?

- J'ai ma petite idée. Mais il est trop tôt pour ça. Si tu suis mes enseignements il te faudra quelques centaines d'années tout au plus. Cela arrivera bien assez tôt.

- Des centaines d'années ? Quel âge avez vous ?!

- Ne pose pas de questions."

Bien que Yahzin n'ait jamais été très sympathique ou bavard auparavant, il semblait maintenant avoir perdu toute patience avec le jeune garçon.

Le ton de sa voix était calme et contenu mais laisser transposer comme une haine sous-jacente, pareille à celle qu'un empereur peut avoir pour un paysan.

Sulk l'écouta tout de même et refréna toute question qui lui venait.

Il voulait à tout prix sortir pour soulager sa mère, et bien que les discussions mentales entre Yahzin et lui se faisaient à la vitesse de la pensée, même la moindre fraction de seconde était du temps précieux gâché.

Sulk était toujours assis les jambes croisées en tailleur. Il se mit à penser à ce que l'éclair lui avait enseigné. La Foudre Éternelle du temple de Silam lui apparut comme une vision.

Il vit dans son esprit un homme simple habillé de haillons frappé par un éclair multicolore.

Tout ce qui se trouvait autour de lui semblait occulté par la lumière vive de l'éclair.

L'image disparut, pour être remplacée par une autre.

L'homme était désormais assis dans l'herbe dans la même position que lui, avec comme seule différence la position de ses mains.

Une sorte de halo paraissait sortir de son corps et une expression paisible se lisait sur son visage. Le halo semblait se refléter dans les yeux de plusieurs personnes se trouvant à ses côtés.

L'image se brouilla une autre fois.

A présent l'homme n'était plus là mais un temple immense se dressait devant Sulk.

Il savait que ce temple se trouvait à l'endroit même où la foudre avait frappé l'homme dans les visions précédentes.

Des milliers de gens de tout âge étaient assis de la même manière, tournés vers le temple, couvrant la plaine sur des kilomètres.

Sulk sortit de sa transe et sut ce qu'il devait faire.

Il concentra son esprit et l'envoya dans son corps physique.

Il passa d'abord par son cerveau, puis suivit ses nerfs à travers sa gorge, puis son estomac pour se rendre dans sa vessie.

Il le fit remonter alors le long de sa colonne vertébrale, puis traverser son cœur pour atteindre le plexus, avant de remonter par ses poumons, sa bouche, et retourner au cerveau.

Au début Sulk n'observa que l'intérieur de son corps.

Mais après quelques passages supplémentaires en suivant ce circuit, il se rendit compte que son esprit avait laissé comme des paillettes sur son passage.

A chaque tour il y en avait un peu plus, et à force de parcourir son corps, elles semblaient faire apparaître un fil doré à l'intérieur de lui.

Ce fil était réel et imaginaire à la fois. Il traversait ses organes et les tissus de son corps sans les toucher, et pourtant Sulk sentait sa présence.

Lorsque le fil fut presque complété, il s'était passé près de quatre heures dans le monde extérieur.

Sulk avait manipulé son esprit plus d'une centaine de fois en suivant le chemin que la Foudre avait enseigné à l'homme de ses visions.

Il avait appris à canaliser son énergie, qui semblait être la source du vaisseau qui le traversait, mais qui semblait également en découler.

Alors que la boucle semblait être terminée, Sulk arrêta son esprit sur un point précis situé entre deux vertèbres cervicales.

Il savait que c'était le point crucial qui lui permettrait de retrouver l'usage de son corps. Il se concentra du mieux qu'il pouvait quand tout à coup il fut brutalement ramené à son espace mental.

Au même instant un éclair violet éclata dans sa conscience, semblant jaillir de la volute violette.

Au même instant, le fil doré qui parcourait son corps se mit en mouvement de la même manière que le sang suit les vaisseaux sanguins.

Au même instant le corps de Sulk ouvrit les yeux.

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