13 Pris au piège (2)

Les éclairs argentés dans la fumée noire répondirent avec la voix de l'homme.

"Si je ne peux parler que la nuit c'est car tout le reste du temps ton esprit est occupé à gérer ton corps. La nuit ton corps est endormi et je peux alors sortir. Quand bien même je pourrai parler pendant la journée, ton esprit est déjà saturé par l'information provenant de l'ensemble de ton corps.

Le surcharger encore plus pourrait s'avérer dangereux pour toi. Je ne veux pas risquer ça, ma survie dépend de ton état."

Le fait que Sulk soit dans le coma avait totalement bloqué le lien qui unissait son corps et son esprit.

Plus rien ne lui répondait, et il ne pouvait pas sentir son corps.

L'homme lui avait dit qu'il avait été allongé sur une table, mais Sulk étant bloqué dans la volute spirituelle ne savait pas où était son corps, dans quel sens, s'il était allongé ou non, sur le dos ou le ventre.

Sulk était choqué quelques minutes et cru qu'il allait perdre la tête. Jamais rien d'aussi terrifiant ne lui était arrivé auparavant. Le sentiment d'impuissance qu'il ressentait risquait de le plonger dans la folie.

L'homme de la rune était silencieux. Son visage changeant regardait Sulk comme perdu dans ses pensées.

"Si le petit n'arrive pas à se sortir de ça tout seul, ça voudra dire la fin pour moi. Il doit réussir à surmonter ça sans mon aide. Si il n'y parvient pas, ça voudra dire que son mental est trop faible et que tout est voué à l'échec.

Les tierrans sont des créatures fragiles. Ils se brisent au moindre choc, et leur mental est aussi faible qu'une brindille."

Un air de regret passa comme un flash dans ses yeux.

"Mon dernier sacrifice à l'aide de la magie runique n'aura servi à rien, et ma conscience va se disperser à jamais..."

L'homme n'avait pas parlé à haute voix, mais étant prisonnier de l'esprit de Sulk, Sulk avait la possibilité de l'entendre.

Cependant son pouvoir mental n'était pas assez fort pour deviner les pensées de l'homme. Seul ce dernier savait ce que pensait Sulk à chaque instant.

Sulk était à présent calmé. Bien que profondément choqué et son esprit retourné, il avait su repousser ce que son instinct lui avait dit de faire, et avait seulement frôlé la folie.

La dizaine de minutes passée dans l'angoisse ne lui avait rien apporté d'utile, et bien qu'il soit toujours en proie à la panique il se força à penser logiquement à la situation.

Dans la salle où Sulk avait été déposé, Kahn se trouvait seul. Les deux hommes n'étaient pas encore revenus mais cela ne devrait pas trop tarder.

Kahn se sentait coupable. Il aurait dû faire quelque chose. Seulement quoi ?

Le rocher était tombé si soudainement qu'il ne l'avait vu qu'au dernier moment. Sans compter Sulk qui était comme obsédé par le cristal sur le mur d'en face.

Qu'avait-il bien pu voir qui ait pu le perdre dans ses pensées ? Il ne savait pas.

Kahn étudiait lentement la question, lançant de temps en temps un regard vers son ami inconscient. Il remarqua que le saignement était moins abondant à présent et que cela devait être une bonne chose.

C'est à ce moment qu'arrivèrent Gané et Raqi suivis de Arch et Arega.

Arega se précipita vers la lourde table en bois dès qu'elle vit son garçon allongé. Arch arrivait plus lentement, à cause de son corps que l'age avait fragilisé.

Arega voulut prendre son enfant dans ses bras, mais se ravisa. Sa condition pouvait facilement empirer si elle le déplaçait ne serait-ce que légèrement. E

lle se contenta de caresser son front et sa joue, d'une main tremblante. Ses yeux se remplirent de larmes et quelques unes tombèrent sur le torse de Sulk.

Arch s'approcha à son tour du garçon de l'autre côté. Il commença à l'examiner doucement, observant son crâne puis son cou, et enfin le reste de son corps.

Il releva son visage émacié et ses yeux rencontrèrent ceux d'Arega.

"Sulk est affaibli, il a perdu beaucoup de sang. Mais la plaie s'est déjà en partie refermée. Son cou semble intact, je ne pense pas que sa vie soit en danger. Le coup qu'il a reçu a causé un trauma, c'est certain, mais ne t'en fais pas, Arega, le bonhomme va s'en remettre.

Je vais lui panser sa plaie avec les feuilles médicinales qu'il me reste et Sulk va rester au repos."

Arch fit de son mieux pour paraître rassurant et chaleureux. Mais intérieurement il pensait à la respiration affaiblie du garçon et son rythme cardiaque irrégulier.

Une légere palpation du cou du garçon lui avait appris qu'il pouvait y laisser sa vie.

Arch voulait ménager Arega, il connaissait l'état de la femme qui avait été forte autrefois mais que la mine avait usé. Elle avait dû supporter des journées de travail intense tout en élevant Sulk et aussi bien son esprit que son corps avaient été marqués pour toujours.

Le mieux pour elle était de penser que son fils allait guérir assurément.

Arega sécha ses larmes et un sourire honnête illumina son visage. Ses yeux rougis remerciaient Arch.

Elle s'inclina pour marquer son respect, bien que les deux mineurs se soient côtoyés pendant des années et étaient devenus quelque peu proches grâce à Sulk.

Arega se tourna ensuite vers Gané et Raqi et s'inclina également, les remerciant profondément d'avoir aidé son fils.

Les deux hommes se retirèrent alors discrètement, voulant laisser Arega dans son intimité avec son fils blessé.

Arega finit par se tourner vers Kahn, qui avait été rassuré également par les mots de Arch et qui commençait à retrouver son calme naturel.

Arega avait initialement eu du recul envers le garçon. Elle avait également entendu l'appellation voleur et avait deviné pourquoi le garçon ne parlait jamais. Elle n'avait pas approuvé le rapprochement entre son fils et cet inconnu. Il ne lui inspirait pas confiance.

Seul le fait que Sulk paraissait heureux pour la première fois depuis longtemps, et qu'il avait enfin un ami de son age, lui avait fait fermer les yeux.

Mais maintenant elle remerciait les dieux pour ce garçon.

Gané lui avait dit comment Kahn s'était précipité pour les prévenir malgré sa jambe encore douloureuse et son lourd sac de roche.

Arega s'apprêtait à lui proposer de rester avec elle veiller auprès de son fils quand un contremaître arriva d'un pas imposant.

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