32 Les menaces de Faryl

Lorsque Sulk sortit de son esprit, laissant Yahzin scellé et ne pouvant pas donner suite à sa colère, les mineurs étaient déjà tous partis travailler.

Sulk était seul dans la pièce, allongé sur sa couche de paille.

Après un léger coup d'œil à ses côtés, il se rendit compte qu'Arega s'était levée.

Cela faisait plus d'une semaine qu'elle se reposait, et le délai de trois jours de repos accordé par Mujin était depuis longtemps dépassé.

Sulk en avait discuté pendant la nuit avec Yahzin, et avait décidé de parler à sa mère.

Les gardes et contremaîtres de la mine étaient généralement assez flexibles, et quelques jours de repos en plus ne devraient pas poser beaucoup de problème.

Dans le pire des cas Arega devrait travailler un peu plus pendant une petite semaine pour donner une bonne image.

Après tout, il ne s'était à peine passé un an depuis l'arrivée des nouveaux mineurs et la main d'oeuvre ne manquait pas dans les ateliers de tri.

Mais ce qui faisait peur à Sulk, c'était les gardes comme Faryl.

Faryl avait été grandement contrarié par Sulk la dernière fois qu'ils s'étaient parlés, et heureusement Mujin était intervenu.

Mais Faryl était tenace, et n'avait surement pas oublié l'affaire aussi vite. Il sauterait sur l'occasion pour faire payer à Arega chaque jour de repos supplémentaire, puisque Sulk étant blessé il était intouchable.

En se levant, Sulk était donc heureux de constater que sa mère n'était pas endormie, et qu'elle avait surement repris le travail.

Sulk commença à faire ses exercices matinaux, poussant une fois de plus ses muscles à leurs limites.

Après la séance particulièrement intense, Sulk récupérait en méditant dans le calme lorsqu'il fut saisi une nouvelle fois par la sensation d'être observé de l'intérieur.

Ces derniers jours, la fréquence s'intensifiait, et le phénomène durait de plus en plus longtemps.

Selon ses dires, il ne faudrait plus trop de temps pour que Yahzin puisse s'éveiller en même temps que Sulk.

L'énergie interne du jeune homme circulait plus vite que jamais le long de son méridien, tentant d'accélérer ses progrès et sa récupération.

Il venait tout juste de terminer sa session de méditation lorsque le signal du repas résonna dans la pièce voisine.

Les mineurs affluèrent par petit groupe et prirent place autour des longues tables de bois massif.

Sulk se dirigea au milieu de tous les autres mineurs vers la table où les rishya distribuaient la collation.

Il cherchait du regard Kahn quand une main épaisse se posa sur son épaule avec fermeté.

Sulk avait travaillait le contrôle de son esprit chaque jour pendant des heures, et son instinct avait grandi au point où il parvenait à avoir une intuition lorsque quelqu'un dans la pièce le regardait, ou s'approchait de lui.

Yahzin l'avait même félicité à ce sujet.

Mais au milieu des dizaines de mineurs en mouvement, avec le brouhaha des conversations se mêlant aux odeurs de poussière, de terre et de transpiration, Sulk n'avait aucun de moyen de maintenir son instinct sous contrôle et ne faisait pas attention aux signaux

Il sursauta et se retourna brusquement, se retrouvant nez à nez avec Mujin.

La carrure imposante du garde fit qu'il dut se pencher pour regarder Sulk dans les yeux.

Les épaules et les bras de Mujin emplissaient tout son champ de vision, mais en focalisant ses sens, Sulk discerna instantanément une autre personne connue derrière l'énorme garde.

Faryl.

Le regard de Sulk s'assombrit. Son visage resta pourtant impassible, et il empêcha ses sourcils de se froncer, pour rester le plus neutre possible.

"Gamin, comment tu vas ?

-Officier Mujin, je me remet de ma blessure. Arch m'a dit qu'il faudrait encore du temps mais que cela ne s'est pas infecté, et que je suis en train de faire une guérison parfaite.

D'ici quelques semaine je pourrai me remettre à travailler et on pourra oublier tout ce qu'il s'est passé.

-C'est bien si tu n'as pas de séquelles." répondit Mujin en hochant la tête.

"Mais c'est pas pour ça qu'on vient. Où est ta mère ?"

Faryl ne voulant pas délayer plus longtemps pris la parole, avec le ton d'un chien qui aboie à travers une clôture.

"Officier Faryl, bonjour" Sulk s'inclina légèrement.

Il essayait de rester poli le plus possible.

"Ma mère à dû retourner travailler, je ne l'ai pas vu ce matin. Mais je suis sûr qu'elle tient à vous remercier de lui avoir accordé quelques jours de repos supplémentaires."

Mujin ne répondit pas, et resta de marbre avec son air sérieux.

Cependant ce ne fut pas le cas de Faryl. La couleur de son visage vira au rouge et il se mit à aboyer de plus belle, faisant se retourner tous les mineurs autour.

"C'est une criminelle ! Elle n'a pas le droit de s'autoriser elle même du repos ! Nous sommes venus pour la punir !

- Calme toi Faryl. Si elle est retournée travailler d'elle même, nous n'avons plus rien à faire. Si nous la punissons alors qu'elle peut recommencer à travailler, nous allons juste la ralentir. La production de la mine n'a pas besoin de ça" Mujin répondit-il, toujours en barrant le passage de Faryl, qui se serait probablement jeté sur Sulk, sa matraque à la main.

"Dis lui quand même d'essayer d'accélérer le tri pendant quelques temps, Sulk. Plus vite elle aura rattrapé son retard, plus vite tout cela sera derrière nous."

Les deux gardes firent demi-tour, Faryl ruminant des paroles incompréhensibles, sous les yeux d'une vingtaine de mineurs.

Alors qu'ils allaient quitter la salle pour de bon, Faryl cria.

"Et n'oublie pas, si Arega manque encore à ses devoir, elle devra être punie. Elle le paiera ... très cher !!"

Sulk souffla enfin.

Tous ses muscles étaient crispés, par un mélange de peur, de colère, et tout simplement car sa mère était un point sensible pour lui.

Quiconque touchait à Arega ou la menaçait provoquait instantanément la haine du jeune homme.

Autour de lui, quelques mineurs avec qui il avait discuté à plusieurs reprises se rapprochèrent.

"Tu as eu de la chance petit !

- Faryl est vraiment un pourri. Il n'est là que pour frapper les gens et abuser de son pouvoir.

- Un jour si je deviens garde, je lui ferai sa fête à cette tronche de rat"

Chacun rajoutait son commentaire à ceux des autres.

Dans l'ensemble de la mine, les gens qui toléraient Faryl pouvaient se compter sur les doigts d'une main.

S'il n'avait pas été un garde, protégé par les autres, cela aurait fait longtemps que des mineurs lui seraient tombés dessus.

Peu à peu la commotion s'étouffa et tout le monde retourna à sa table pour manger.

Sulk retrouva Kahn qui avait suivi la scène de loin, caché du regard de Faryl qui l'avait battu plus d'une fois sans autre raison que son existence.

Leur repas se fit dans le silence.

Occasionnellement, la présence de Yahzin se faisait sentir dans l'esprit de Sulk, toujours plus proche de l'éveil.

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