3 C'est ... un oeuf ?

En redescendant jusqu'à la galerie, au troisième niveau, Sulk entendit un cri lointain qui se réverbérait dans tous les tunnels. Le cri était incompréhensible au début, puis le même ordre fut crié plusieurs fois. Chaque fois en remontant vers la surface.

Au bout de quelques secondes il distingua les mots "Avili seppa". Il les cria a son tour au plus fort que ses petits poumons pouvaient. Le cri se perdit ensuite dans les hauteurs.

Ces mots étaient d'une origine inconnue, et personne dans la mine ne savait ce qu'ils signifiaient exactement, mais c'était resté depuis des centaines d'années, peut-être même des milliers.

C'était le signal qu'une excavation à la poudre allait se faire. Tous les quelques mois les vanir ne trouvaient plus de filons facilement exploitables dans les galeries et il fallait creuser davantage en profondeur.

Cela signifiait que tout le monde devait se mettre à couvert dans les portions de tunnel renforcées par des lourdes dalles triples.

Exactement une minute après le début de la propagation du cri, tout le monde s'était mis à couvert quand la charge explosa. Le bruit était assourdissant et semblait être amplifié à chaque mètre de dédale parcouru. Même les cristaux lumineux clignotaient sous la force du son se propageant et les vibrations des parois. C'était pourtant un phénomène bien connu de tous les mineurs, mais à chaque fois Sulk était abasourdi de la puissance de l'onde sonore.

Toute la mine s'était stoppée pendant une dizaine de minutes quand les contremaîtres jugèrent la roche assez stable pour ne pas risquer d'effondrement. La mine se remit a fonctionner comme une machine bien huilée, tournant inexorablement. Pioche, sacs, plateforme ascendante, et le même cycle de nouveau.

Alors qu'il allait rentrer dans la galerie de taille moyenne menant au tunnel au fond duquel il ramassait les pierres, un contremaître arrêta Sulk.

"Sulk, petit, va aider avec les décombres de la nouvelle galerie du quatrième." lui dit l'homme au pagne en paille sèche.

Sans rien répondre, Sulk prit le chemin des échelles vers le quatrième sous-sol. Si on lui demandait d'aller si profond malgré son jeune age, cela devait être à cause du manque d'effectif.

Normalement seuls les hommes entre vingt et quarante ans descendaient aussi bas, le chemin pour remonter étant bien plus long et plus éprouvant. Selon Sulk cela voulait dire que bientôt un nouveau niveau serait aménagé, le cinquième niveau.

Et alors il faudrait plus d'hommes pour creuser et une nouvelle vague d'esclaves serait descendue pour les rejoindre au travail dans les galeries humides.

La mine était formée comme un arbre renversé. Le tronc ressemblait à un gouffre immense et chaque niveau à des branches épaisses avec quelques salles de vie, et de dortoirs, ainsi qu'une multitude de branches qui se divisaient pour aller toujours plus loin dans la roche. La mise en place d'un cinquième niveau agrandirait encore plus l'arbre en allant plus profondément.

Sulk parvint a la galerie nouvellement creusée, qui était encore remplie de poussière, et entra dans le nuage. Ses yeux le piquaient et il manqua de trébucher plusieurs fois sur les débris.

Il alla cependant plus profondément encore par curiosité, pour voir jusqu'où l'explosion qui l'avait tant impressionné avait creusé la roche. Il sentit tout d'abord la différence entre la roche précédemment accessible, qui s'était gorgée d'humidité par endroits, et la nouvelle partie de la galerie, ou la pierre était sèche, dure et coupante au bout des doigts.

Après avoir fait ce qu'il avait imaginé être une quinzaine de pas à l'aveugle, Sulk arriva au bout de la pente douce descendante. Il ne voyait encore rien mais à l'odeur de la poussière de roche s'était mêlé un parfum étrange qu'il n'aurait jamais pu reconnaître.

Le parfum de fleur fraîche était bien là et son odeur douce chatouilla un peu le nez de Sulk.

Instinctivement pour rechercher la source du parfum il se pencha vers le sol. A travers le nuage sombre qui commençait à peine à retomber il vit une source de lumière violette très faible.

"C'est... un œuf ?"

Il ramassa la petite sphère ovale qui était quelque peu translucide.

Cet objet était si intriguant, que faisait-il prisonnier dans la roche si bas dans la mine, et pourquoi n'avait il pas été pulvérisé par l'explosion ?

Sulk regarda rapidement autour de lui s'il n'en voyait pas d'autres, sans en voir. Ce fut à ce moment qu'il entendit la voix d'autres hommes derrière lui. Par instinct il mis l'œuf au fond de son sac, et commença à le remplir de cailloux. Il quitta vite la galerie pour aller vider son sac et respirer de l'air moins saturé en poussière.

Il se rendait compte qu'il aurait dû donner sa trouvaille au contremaître le plus proche, et il aurait pu avoir une récompense pour un tel objet qui semblait avoir de la valeur. Mais il voulait savoir ce que c'était avant.

Le seul dans la mine qui pouvait l'aider et en qui il pouvait avoir confiance était surement Arch.

Sulk se dit qu'en redescendant de la plateforme il cacherait l'œuf et irai voir le vieux vanir. Lui qui connaissait toutes les roches existantes pourrait le renseigner. Alors qu'il vidait son sac sur la lourde plateforme en bois, il fit attention lorsque le contremaître ne regardait pas vraiment pour récupérer l'œuf au fond et le cacher dans sa paume. Même après le transport sous des kilos de pierre aiguisées l'œuf était intact.

Lors de la redescente vers la salle basse où devait se trouver Arch, il se mit a courir, tout excité. Il gardait la main fermée autour de l'œuf, serrée contre son torse.

C'était pourtant imprudent de courir sur les dalles ruisselantes de la mine, et malheureusement son pied glissa. Sulk fit un vol sur un mètre avant de se retrouver projeté sur le sol.

Dans l'incompréhension de ce qui se passait, il avait juste eu le temps de libérer ses mains avant d'atterrir sur le sol, le plexus juste au dessus de l'œuf violet. Sulk crut entendre un craquement, ou bien était-ce son esprit, ce n'était pas sur, mais quelque chose avait craqué.

L'œuf qui avait survécu à la déflagration et au transport sous des pierres plus dures que le moindre de ses os s'était brisé sous ses côtes. Il n'avait même pas mal, et le temps de réaliser il avait soulevé son torse assez vite pour voir un reste de gaz volatile violet clair être comme absorbé par sa poitrine.

L'œuf avait disparu.

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