27 Arch le médecin de la mine

Sulk entra dans la pièce réservée à Arch, il ferma les yeux et huma l'air.

La pièce était déserte, mais remplie de curiosités.

Chaque mur de la salle ronde faiblement éclairée était couvert d'étagères de bois.

Sur les planches maintenues par des nœuds de corde élaborés se trouvaient des pots de terre, des branches plus ou moins sèches, des peaux, et toute sorte d'outillage.

Sulk emplit ses narines de toutes les senteurs étranges des herbes médicinales et referma le rideau de paille derrière lui.

Arch lui avait dit un jour que les odeurs ne devaient pas s'échapper pour que les plantes conservent au mieux leur pouvoir de guérison.

Lors de l'évolution de ses sens suite à ses entraînements mentaux, Sulk n'avait pas vraiment pu constater l'étendue de l'amélioration de son odorat et de son goût.

Maintenant qu'il avait tant d'odeurs à portée de nez il compris un peu mieux ses nouvelles capacités.

Il avait déjà senti au moins une fois dans sa vie le mélange d'odeur présentes dans la pièce, mais cela lui avait toujours laissé une impression globale étrange associée à un sentiment de nausée.

A présent il parvenait à séparer instinctivement dans son esprit chaque senteur, chaque parfum, chaque arôme présent dans la pièce.

Tout en gardant les yeux fermés, l'odeur exacerbée se frayant un chemin dans ses narines révélait dans son esprit tout une carte de l'endroit.

Chaque parfum correspondait à un tracé invisible dans l'air reliant son nez à l'origine de l'odeur.

L'odeur rance rappelant du vieux pain provenait de sa gauche, et plus exactement de la branche jaunâtre cassée à hauteur de genoux sur l'étagère.

En combinant l'origine des parfums avec l'image de la pièce dans son esprit, il pouvait relier chaque objet à son odeur aisément.

Sulk fut impressionné de lui même pendant un instant.

S'il désirait apprendre la médecine et l'art de la guérison, cela allait se montrer très utile !

Il n'y connaissait rien, mais Arch lui avait dit un jour que les odeurs étaient une indication assez précise du pouvoir des plantes médicinales.

Arch était absent pour le moment, mais viendrait sans aucun doute dans son atelier personnel dans la matinée, pour une raison ou pour une autre, aussi Sulk décida de l'attendre dans la pièce.

Il s'assit en tailleur sur le sol, devant le plan de travail incliné en bois sombre.

Il observa un instant les outils posés dessus, sans grand intérêt pour lui. Il vit alors un assortiment de pinceaux et de stylets de bois posés près de plans de construction.

C'était sans doute le matériel nécessaire pour la conception des plans des foreuses et des divers objets de la mine, que Arch avait imaginé ou construit lui même.

Sulk se fit une note mentale de demander à Arch d'emprunter du matériel d'écriture pour Kahn, ce qui serait une amélioration nette comparée au brin de paille rigide et à la terre de la nuit passée.

Après avoir fini l'observation de l'atelier, Sulk ferma les yeux, posa ses mains comme Yahzin lui avait appris par l'intermédiaire de la foudre, et se mit à méditer en attendant Arch.

Vu de l'extérieur, il semblait simplement assis les yeux fermés.

Sulk ne sentit pas le temps passé, plongé profondément dans sa méditation, mais au bout d'une heure ou deux, la partie de l'esprit qu'il avait laissé à l'extérieur de son corps lui fit ouvrir les yeux.

Le rideau de paille bruissa, et une figure courbée entra sans un bruit dans la pièce.

Le vieux Arch défit le nœud de sa ceinture et la laissa glisser sur le sol, faisant tinter les nombreux outils qui y étaient accrochés.

Ce fut seulement à se moment qu'il constata la présence du jeune homme assis par terre derrière le plan de travail central.

"Eh bien si ce n'est pas le jeune Sulk qui vient me voir. Qu'est-ce qui t'amène ?

- Arch, au cours des années tu m'as appris tellement de choses, et c'est toi qui m'as poussé à me cultiver.

- Je vois. Qu'est ce que tu veux apprendre aujourd'hui ?

- Il y a tellement de plantes et d'objets étranges ici, tout ça sert à soigner les gens ?

- Hmmm. Tu veux donc apprendre la médecine hein ? Ça va prendre bien plus qu'une journée alors.

- Tu acceptes de me montrer ce que tu sais ?

- Bien sûr ! Mais tu dois savoir que je suis loin d'être un médecin. Je ne suis même pas un vrai apothicaire. J'ai appris quelques trucs au cours des années mais mon savoir en la matière est très limité."

Sulk, n'ayant jamais eu affaire à quelqu'un de plus érudit que Arch réfléchis profondément sur ses paroles.

Il était impressionné par le savoir du vieil homme auparavant, qui semblait absolu et infini. Seulement Arch dans sa sagesse lui ouvrit les yeux.

Le fait de savoir qu'il y avait toujours plus de choses à apprendre lui donna une soif de connaissances plus forte que jamais.

Il se dit à cet instant que lorsqu'il quitterai la mine un jour et verrait enfin le monde de la surface dont Yahzin lui parlait parfois, il deviendrait un vrai médecin.

Arch se mit à faire le tour de son atelier, inspectant parfois une étagère en quête de quelque objet, sous le regard patient de Sulk.

Lorsqu'il se tourna vers le plan de travail au centre de la pièce, il déposa sur la surface de bois incliné cinq objets.

Il y avait parmi eux deux plantes légèrement similaires, un peu séchées, et un morceau de bois tout à fait ordinaire.

Il y avait également deux bouteilles de verre un peu opaques, si bien que Sulk ne distingua pas leur contenu, malgré une tentative rapide de vision améliorée qui laissa une lueur violette dans ses pupilles pendant quelques instants.

"Très bien, commençons par le commencement. Qu'est ce que tu sais sur ces objets ?" demanda le vieil homme les bras croisés, un léger sourire en coin.

Sulk regarda attentivement les cinq items avant de se tourner vers Arch.

"Eh bien, ça c'est un morceau de bois, ça c'est des bouteilles, et ces deux plantes sont sèches. L'une d'elle a une odeur un peu épicée, et l'autre, avec les feuilles plus jaunes sent la même chose que mon bandage."

Arch décroisa les bras et attrapa la tige de feuilles que Sulk venait de montrer.

"Tu as un bon odorat. C'est effectivement cette plante que j'ai utilisé pour te bander le front.

Ça s'appelle du Souffle-vent à Cinq Feuilles.

C'est une plante commune en surface, et celle que j'utilise le plus. Regarde, les feuilles ont un motif circulaire jaune sur le dessus, et il y a des petits traits sur la tige."

Arch se mit alors à décrire lentement et en détail la plante qu'il tenait dans sa main.

Il insista sur le fait que l'observation était primordiale en médecine, surtout en considérant la variété de plantes différentes qui existait.

Sulk appris ainsi que beaucoup de plantes se ressemblaient mais avaient des propriétés et des usages très différents, et qu'un médecin devait utiliser chacun de ses sens pour les différencier.

"Le Souffle-vent à Cinq Feuilles permet de refermer les blessures et d'empêcher le sang de couler à travers. Mais il ne peut être utilisé en bandages que lorsqu'il est sec.

Si la plantes est trop fraîche, la tige que tu vois plissée ici est légèrement gonflée. Ça veut dire que la plante sécrète une résine qui est empoisonnée.

Il ne faut absolument pas l'appliquer sur une plaie.

- Tu veux dire que c'est un poison ? Mortel ?

- Ahah non, mais tu risque une bonne colique, et ta plaie ne guérira pas mieux. Les poisons viennent sous différentes formes. On les appelle poisons lorsqu'ils ont des effets néfastes, et médecine lorsque ils sont positifs, mais ce sont fondamentalement deux aspects d'une même chose.

- Comment un poison peut-il être une bonne chose ?

- Pour le cas de cette plante, même fraîche elle est utile. Elle est tout simplement prescrite en cas de constipation. Chaque effet peut être utilisé de différentes manières.

Maintenant, passons à cette branche là. C'est du Lierre d'Obscurité. C'est une plante grimpante qui pousse dans des caves sombres. Il y en a naturellement au premier étage de la mine..."

Sulk écouta parler Arch pendant près de trois heures.

Il appris des quantités de choses sur les cinq choses que Arch avait sorti.

Une fois de plus le savoir du vieil homme l'impressionna. Il imprima l'intégralité des informations dans son esprit, où sa mémoire lui permettrait de ne jamais oublier.

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